Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Christophe Mongardien (2) : Avant d’être au Palais Bourbon

Christophe Mongardien, conseiller municipal d’Antony, assure le mandat de député de la XIIIe circonscription des Hauts-de-Seine, depuis que Maud Bregeon, dont il était le suppléant, est devenue porte-parole du gouvernement. Il racontait dans un article précédent sa première et fiévreuse semaine dans une Assemblée agitée par les débats budgétaires. Question : par quel chemin est-il arrivé là ?

Le plaisir de la programmation

Il vient d’un petit village de l’Ain, Château-Gaillard à côté d’Ambérieu-en-Bugey, près de la centrale nucléaire de Bugey. Ses rêves d’enfant sont à mille lieues de la politique « J’étais attiré par la technique. Je me souviens qu’on m’avait offert une revue avec les planètes. En utilisant leur dimension sur l’image, j’avais cherché à calculer la distance de la terre à la lune. Vers 10 ou 11 ans, j’essayais de faire une électrolyse de l’eau. Mes parents ont eu peur. » Avec sa première calculette en 4e (« une Texas Instrument, c’était moins cher que les HP ») », il commence à programmer des petits calculs, à les enregistrer, à les modifier. C’est déjà de l’informatique.

Un souvenir de collégien. « Je devais faire un exposé sur un thème technique. J’avais écrit au service de communication d’EDF pour avoir des informations sur la centrale nucléaire du Bugey qui m’a adressé en retour une grosse documentation (pour un enfant surtout). Je la lis et je fais mon exposé. Ça m’avait passionné. Je voulais devenir ingénieur dans le nucléaire », ajoute-t-il amusé. Il était bon en maths et en physique. Dans la campagne où il habitait, études supérieures signifiaient vétérinaire ou… le nucléaire. Il avait choisi.

« C’est grâce à mes profs »

Début de scolarité à Ambérieu, puis à Château-Gaillard dans le primaire, puis retour à Ambérieu pour le collège. A Bourg-en-Bresse, il est au lycée Lalande plutôt qu’à Edgar Quinet où sont tous ses amis.  Lalande était un bâtiment ancien du centre-ville où l’enseignement était plus classique, mais préparant sans doute mieux au lycée du Parc à Lyon. Ce sont ses professeurs qui le poussent dans cette direction. Ni lui ni ses parents n’ont la moindre idée des nuances entre les filières et les établissements.

Sa mère est couturière et son père chaudronnier à la SNCF. Il travaille le métal en feuille, tube ou tuyau pour la réparation des machines à vapeur. Son père exerce en Algérie où il doit rester après l’indépendance pour le maintien du service public jusqu’à la prise en main par les chemins de fer algériens. Ses parents ne reviennent en France qu’au début 1963, année de sa naissance à Marseille, où l’imminence de l’accouchement oblige à faire escale. Ils s’installent ensuite à Ambérieu-en-Bugey à cause de l’existence d’un dépôt « vapeur ». Mais il n’échappe à personne que les locomotives à vapeur ont tendance à disparaître (en dehors du cinéma). Son père suit donc une formation et se reconvertit à la conduite de train.

Au lycée du Parc, il fait maths sup et maths spé. Il découvre l’internat avec de grands dortoirs et des lits séparés par de simples rideaux. « C’était un hôpital pendant la guerre de 14 ». Il est accepté à l’Institut national des Télécommunications (INT), « une école qui dépendait encore de France Telecom qui a évolué ensuite en école d’ingénieurs classique. »

Lors de son premier stage étudiant à la CRT (Compagnie Rhodanienne de Télématique), il développe un logiciel de gestion de stock. Il convainc, on l’embauche à temps partiel et en parallèle de ses études, il développe d’abord un logiciel de gestion de production et conçoit et écrit des micrologiciels pour des équipements de télésurveillance. En sortie de l’INT, il préfère le privé à France Telecom, qui relevait encore des PTT. Il aime que ça bouge, n’hésite pas à changer de boîtes : vivre des expériences différentes. Puis il entame une longue carrière chez un équipementier majeur des télécoms.

Rencontre avec la politique

En 2016, les élections présidentielles approchent. Son inquiétude grandit devant « la montée des extrêmes ». Macron, encore ministre, vient de créer un mouvement : La République en marche (LREM). Il n’est pas politisé jusque-là, vote socialiste par tradition, se sent social-démocrate, mais ne suit pas vraiment l’actualité. Son activité professionnelle l’accapare ; elle est suffisamment riche.

En été, il veut rejoindre LREM, se connecte sur Internet (un site vient d’être créé). Un clic suffit (n’exagérons pas, peut-être deux clics), il a adhéré et ne voilà-t-il que dans la foulée il crée un comité local à Antony. Pour comprendre comment un newbie en politique se met à créer un comité local, il faut se plonger dans la genèse de LREM. Deux mois plus tôt, ce parti n’existe pas, il n’a aucune assise. Rien ne se crée, tout se transforme, disait Lavoisier avant d’être guillotiné pendant la Révolution, et c’est ainsi que les énergies individuelles se transformèrent en une masse qui devint un mouvement.

Pas de représentant à Antony au moment il adhère ? Qu’à cela ne tienne, il crée l’antenne locale. Premier arrivé, premier élu. En parallèle, au même moment peut-être, dans un mouvement parfaitement asynchrone, Nadia Desbois fait la même chose. Conséquence : deux comités locaux se créent. Ceux qui arrivent par la suite ont déjà une offre sur étagère. Ils s’orientent vers l’un ou l’autre des comités en fonction d’une loi statistique à ce jour ignorée. Probablement un sujet de recherche.

La campagne est partie, tous sont mobilisés et personne ne s’interroge sur son comité d’appartenance. Pendant des mois, dans le pays la tension politique est forte. Fillon est bien positionné pour succéder à Hollande jusqu’à ce qu’une affaire d’emploi de sa femme et un cadeau de deux (très beaux) costards déboulent par un de ces « hasards », couramment appelés peaux de banane, déboulent en pleine campagne. L’information judiciaire va à la vitesse de l’éclair, par une même sorte de « hasard » que précédemment. Cela crédibilise l’hypothèse d’un deuxième tour Mélenchon Le Pen.

Investi dans les campagnes

Du côté des troupes LREM, pas le temps de passer par les écoles du parti, ce qui tombe bien, elles n’existent pas. La plupart sont des néophytes, découvrent la politique, partagent une angoisse. Ils apprennent en marchant, comme le nom du parti l’indique. « On n’avait ni moyens ni d’autres expériences que la bonne volonté et notre énergie. »

On avance. Les présidentielles, puis les législatives. Des mois de distributions de tracts dans les rues, devant les stations de RER ou dans les boites aux lettres, de porte-à-porte, de réunions publiques, de réunions internes, de collectes de dons, d’affichages. Christophe Mongardien est mandataire financier pour les élections législatives. Il pensait que c’était une promenade de santé. Il connaît Excel, ça devait être bon. En fait, pas exactement. Les déclarations, les vérifications, l’apprentissage des règles de gestion, la rigueur tatillonne des normes de transparence prennent un temps fou. Il se souvient d’un moment totalement stressant (même si très formateur). « Ouf les comptes sont validés !! »

Après les législatives de 2017, il repend le boulot. Les deux comités fusionnent. Il est lessivé, passe la main d’Animateur Llocal du comité, comme on disait à l’époque. S’il reste impliqué, c’est à distance.

Distance ne signifie pas rupture. Trois ans plus tard, il est candidat aux municipales. « L’exceptionnel alignement de planètes » dont a bénéficié jusque-là Macron semble dévier de sa trajectoire. « Les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Le maire, Jean-Yves Sénant, est réélu au 1er tour. Nous obtenons moins de 15%, ce n’est pas terrible. Seulement 3 élus.» Deuxième de liste, il devient conseiller municipal, se situe dans une opposition constructive et se forme aux finances municipales. Il en apprend la complexité.

Suppléance

2022, Maud Bregeon, alors porte-parole de LREM, se présente dans la XIIIe circonscription (Antony, Bourg-la-Reine, Châtenay et Sceaux). Elle a besoin d’un suppléant. Parité oblige, c’est un homme. Antony est la ville la plus importante de circonscription. Christophe Mongardien est légitime dans le comité local en étant l’un des fondateurs. Il est de plus élu local et du genre consensuel. « En tant que conseiller municipal, je n’ai pas de fonction exécutive (NDLR ni adjoint ni délégué) et n’ai pas de rétribution. » Rien donc ne s’oppose à l’exercice éventuel (et à ce moment-là considéré improbable) du mandat de député. Bref, il est choisi.

Campagne des législatives 2022. On sort du covid. Le télétravail est entré dans les mœurs. Il est très autonome dans son organisation, d’autant que ses clients sont à l’étranger où le décalage horaire est important. Il est responsable du SAV pour des entreprises internationales, dont une en Inde. Les réunions à distance conviennent souvent à ses tâches de suivi de son équipe de support. Ses déplacements ont été divisés par 4. Il dégage du temps, prend des jours de congé et s’investit dans les élections.

Maud Bregeon est élue. Elle siège à l’Assemblée et pendant deux ans, cela ne crée que peu de charges. Il la remplace parfois pour des permanences en mairie (les 4 de la circonscription). Ce sont quelques audiences en général pour des demandes d’assistance ou d’orientation. « Seulement 20% des audiences relèvent du député, dit-il, c’est-à-dire ont un rapport avec la loi. » Après la dissolution, Maud Bregeon est réélue. Cela aurait pu repartir pour un tour, sauf qu’elle est devenue (pour le moment) ministre déléguée auprès du Premier ministre.

Ne pas être enfermé

Christophe Mongardien évoque trois raisons de son engagement. La première, il la présentait en ces termes dans Le Parisien : « Je me suis engagé alors que j’avais ma carrière professionnelle aboutie et que j’avais envie en quelque sorte de renvoyer l’ascenseur, avec le sentiment d’être redevable à la nation. » La deuxième est la montée des extrêmes qui laisse à ses yeux envisager le pire. Trois, il aimait le positionnement ni de droite ni de gauche. C’est le déclic. Son caractère le porte à écouter des positions différentes, à aimer négocier et trouver des compromis. Si le concept est sous le feu des critiques, la notion de centre continue d’avoir d’ardents défenseurs. « Je n’aime pas être enfermé dans une idéologie. Dès que je peux discuter sans agressivité, j’y vais. »

Comment vit-il ces longues séances ? Il répond simplement : comme une nécessité et un bien démocratique. Les débats à l’Assemblée sont « des enjeux énormes. » Il est normal d’en parler longtemps. Le temps n’est pas perdu de soupeser les conséquences d’un projet de loi. Un exemple lui vient, récent : « Augmenter la taxe sur les boissons sucrées, c’est bénéfique pour la santé, mais que deviennent les emplois dans l’industrie sucrière ? » Manière de résumer que les sujets ont bien des facettes.

La première semaine fut éprouvante mais passionnante. « J’y suis volontairement, j’assume. » Il est là par son choix, il accepte la charge. Quel fut son sentiment après la deuxième semaine ? On le découvre bientôt.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *