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COP 28 et réchauffement climatique

La 28e « conférence des parties » sur les changements climatiques (COP 28) s’est tenue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023. L’accord final a été diversement commenté : fallait-il voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? L’accord est en réalité à l’image de l’évolution des émissions, marquée par des actions réelles mais encore insuffisantes.

Résultat de la conférence

Le service des Nations-Unies promoteur des conférences souligne que « L’accord de la COP28 marque le « début de la fin » de l’ère des combustibles fossiles. » De son côté, la climatologue Valérie Masson-Delmotte alerte : les engagements pris sont incompatibles avec l’objectif toujours affiché d’un réchauffement limité à 1,5°.

Pour plus de recul sur ce qui s’est passé, le mieux est d’aller consulter le site « Géoconfluences », animé par des géographes de l’ENS de Lyon. Dans chaque domaine (énergie, émissions de gaz à effet de serre, inégalités, agriculture et modalités d’application), il présente les avancées et leurs limites. On retiendra sa conclusion :

Le texte final contient ainsi des avancées majeures, même si certaines demeurent symboliques. Le caractère inédit de la mention des énergies fossiles sortie est sans conteste une avancée considérable, même si nombre de propositions sont encore très insuffisantes. Reste que l’accord est non-contraignant et repose sur la bonne volonté des États.

Où en est-on ?

Depuis l’ère préindustrielle, la concentration de CO² dans l’atmosphère a augmenté de 51%, provoquant ainsi le réchauffement climatique.

Le budget carbone restant pour limiter le réchauffement climatique à 1,5∘C à partir de début 2024 équivaut à environ 7 ans des émissions de 2023. On l’a compris : ce budget sera dépassé.  Avec 15 ans des émissions de 2023, le réchauffement probable est de 1,7°C, avec 28 ans de 2°C. A condition, bien entendu, que les années suivantes les émissions nettes soient égales à zéro.

La hausse des émissions ralentit

Entre 2000 et 2018, les émissions mondiales de GES ont augmenté de 49 % (Insee). L’augmentation de la population mondiale a été de 23% dans le même temps.

La transition énergétique a commencé dans le monde il y a une quinzaine d’années. Alors qu’elles augmentaient à un taux de 3% par an dans les années 2000, les émissions mondiales de CO2 ont connu une hausse nettement plus faible depuis 2010.

Alors qu’elles suivaient jusqu’en 2010 le pire scénario du GIEC (RCP8.5), les émissions fossiles actuelles nous emmènent plutôt vers le scénario RCP4.5 (RCP Pour Representative Concentration Pathway, scénarios d’évolution des concentrations). Ce n’est bien sûr pas suffisant. Mais les progrès que nous avons réalisés en si peu de temps devraient nous encourager à penser que la réussite est possible. Le nouvel objectif à suivre pour aller encore plus loin serait cette fois de réduire les émissions mondiales au cours de la prochaine décennie, afin de les aligner sur le meilleur scénario, le RCP2.6.

Attention, les valeurs indiquées (8,5, 4,5 ou 2,6) correspondent à des forçages radiatifs en W/m² et non à des augmentations de température.

Comme le montre la figure, l’enjeu au niveau mondial est aujourd’hui de passer d’une légère hausse annuelle à une baisse(puis d’accélérer celle-ci). A terme, il faudra arriver à zéro émission nette.

Un indice positif : l’humanité a dépensé 1100 milliards de dollars en technologies d’énergie propre en 2022, contre environ 780 milliards en 2021 et juste 600 milliards en 2020, une tendance qui ne montre aucun signe de ralentissement.

Source :  the Climate Brink via Aymeric Ponthier 

Année 2023

Le Global Carbon Project a déjà diffusé une première estimation des émissions de 2023 (relayée par le site Bon Pote). Celles-ci auraient augmenté de 1,1% par rapport à 2022 et de 1,4% par rapport à 2019 (avant la pandémie COVID).

En millions de tonnes de CO2 et en pourcentage, les évolutions par grandes zones sont les suivantes :

  • Europe à 27 : -205 Mt, soit -7,4%
  • U.S.A. : -154 Mt, soit -3%
  • Chine : + 458 Mt soit + 4%
  • Inde : +233 Mt soit + 8,2%
  • Autres : -60 Mt soit -0,4%
  • Monde : + 398 Mt soit +1,1%

Ce qui a déjà été fait en Europe

Réduire les émissions de GES est complexe : l’économie mondiale s’est bâtie depuis bientôt 4 siècles sur l’utilisation d’énergie carbonée, le charbon d’abord, le pétrole et le gaz ensuite. Arriver à zéro émission nette est un sacré défi, qui demande donc du temps. D’autant plus que la priorité de beaucoup de pays est de sortir de la misère.

Dans le domaine des émissions de GES, l’Europe fait partie des zones où les émissions par habitant sont plus élevées que la moyenne (8,4tCO2e/hab contre 6,3 dans le monde). Mais elle est aussi en pointe, avec une baisse des émissions, surtout depuis 2007 : – 18 % de 2007 à 2019. La forte baisse de 2020 est liée à un effet Covid. Notons que les émissions mondiales continent à augmenter pour l’instant, même si le rythme d’augmentation a beaucoup ralenti. Avant de viser le zéro émission nette, l’objectif au niveau mondial est de passer à une baisse des émissions.

Les émissions de GES en tCO2e/hab sont (en 2019) de 6,8 en France et de 8,4 dans l’Union européenne. Le pays qui émet le moins est la Suède avec 5,2. Ce dernier pays se situe donc maintenant en dessous de la moyenne mondiale.

L’industrie de l’énergie émet 24,1% du total dans l’UE et 10% en France. Soit, en tCO2e/hab, 2 au sein de l’UE et 0,7 en France. L’industrie de l’énergie explique plus des ¾ de l’écart d’émissions entre la France et l’UE. La baisse radicale des émissions dans la production d’énergie en France a maintenant plus de 30 ans et elle est due au programme nucléaire des années 75-90.

Le cas de la France

La Gazette a évoqué il y a quelques mois les émissions de GES en France. L’année 2023 devrait se traduire par une baisse notable, après une année 2022 où la baisse avait été de 2,7%.

D’après le baromètre du Citepa publié fin décembre, les émissions de gaz à effet de serre ont continué de baisser sur les 9 premiers mois 2023, avec une baisse de -4,6% par rapport aux 9 premiers mois 2022 (hors puits de carbone). Trois secteurs participent le plus à cette baisse : l’industrie (-9,3%), la production d’énergie (-9,4%) et les bâtiments (-7,5%).

Ces fortes baisses sont liées d’une part à la forte hausse des prix de l’énergie fin 2022 (impact sur l’industrie et les bâtiments) et d’autre part à la fin progressive des arrêts de tranche nucléaire à la suite de problèmes de corrosion (impact sur la production énergétique).

La loi de transition énergétique du 17 août 2015 a fixé des objectifs de réduction des émissions de GES aux horizons 2030 (baisse de 40% par rapport à 1990) et 2050 (baisse de 75%). Un décret d’application a fixé des objectifs intermédiaires pour les périodes 2015-2018 et 2019-2023.

L’objectif pour la période 2015-2018 n’a pas été atteint : les émissions annuelles moyennes ont été de 456 MtCO²e pour un objectif de 442 Mt.

L’objectif révisé pour la période 2019-2023 est de 422 MtCO²e par an. Il a été dépassé en 2019 (435 Mt pour 443 prévus), en 2020 (393Mt pour 436 Mt), en 2021 (418Mt pour 423Mt), en 2022 (404 Mt, chiffre provisoire pour 410 Mt) et probablement en 2023 (386 Mt estimés pour 397 Mt). Sur l’ensemble de la période, le résultat devrait être proche de 407 Mt par an, soit environ 3,5% en dessous de l’objectif.

Le cas de la Chine

En 2020, les émissions chinoises représentaient 28% des émissions totales (contre 18,6% en 2005). L’augmentation des émissions de ce pays est supérieure à celle de l’ensemble du monde. On voit l’importance de ce qui se passe en Chine ! Rappelons que le pays compte 1,4 milliard d’habitants…

Dans le domaine de l’électrification des transports, le pays est en avance : les deux roues sont électriques depuis longtemps. Le premier producteur chinois de voitures électriques, la société BYD qui produit à 95% pour le marché intérieur, vient de dépasser Tesla en volume de production. BYD company, fondé en 1995, détient 65 % du marché mondial des batteries au Nickel-cadmium et est leader mondial des batteries lithium-ion avec 30 % de parts de marché.

Le pays est le premier producteur d’électricité mondial (près du double de la production des U.S.A.). Il est aussi le premier producteur mondial d’électricité à partir du charbon comme en production d’origine solaire, éolienne ou hydroélectrique. Il est deuxième pour la production nucléaire (derrière les U.S.A. et devant la France).

En 2022, de nouvelles centrales à charbon ont été raccordées au réseau pour une puissance installée de 26,8 GW (le parc allemand est de 62,3GW). La même année, les capacités des parcs éolien et solaire de la Chine ont respectivement augmenté de 87 GW et 38 GW (mais leur taux de marche est habituellement plus faible que celui des centrales au charbon). Notons que la parc allemand est de 66 GW pour l’éolien et de 69 GW pour le solaire.

Un rapport publié fin février 2023 par le CREA (Centre for Research on Energy and Clean Air) et le GEM (Global Energy Monitor) annonçait une accélération de la construction de centrales à charbon en Chine. De nouvelles constructions ont été lancées pour plus de 50 GW et de nouveaux permis ont été accordés pour des projets représentant au total 106 GW. Une mauvaise nouvelle pour les émissions de GES.

Il faudrait donc s’attendre à une nouvelle croissance des émissions chinoises. C’est pourtant le contraire qu’annonce Libération dans son numéro du 14 novembre 2023 : les émissions de CO2 de la Chine devraient baisser l’an prochain grâce aux énergies renouvelables. L’article s’appuie sur une étude du CREA

Des informations bien contradictoires, on le voit. Au moins apparemment. Il semble en effet que le but du gouvernement central est de faire fonctionner les futures centrales au charbon en back-up des énergies renouvelables (pour la même raison, l’Allemagne installe actuellement massivement des turbines à gaz). Reste que les pouvoirs régionaux comptent au contraire faire fonctionner ces centrales en base : on verra !

Mais le recul annoncé pour 2024 pourrait être simplement conjoncturel. La seule certitude est que la Chine s’est officiellement engagée en 2021 à atteindre le pic de ses émissions de CO2 avant 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2060.

Prochain article : quelle évolution des émissions locales ?

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  1. François Lévy François Lévy 18 janvier 2024

    Bonjour Gérard,
    Les émissions mondiales sont de 6,3 t eq CO2/ personne.
    Tu nous annonces qu’elles sont de 6,8 t en France.

    Ces données factuelles pourraient nous faire croire qu’on est à peu près dans la moyenne.

    Or, cela masque la réalité de notre empreinte carbone, nettement plus élevée, 9 à 9,9 t selon les sources (et selon l’intégration de la déforestation en Amazonie liée à nos importations ou pas).
    https://www.carbone4.com/myco2-empreinte-moyenne-evolution-methodo

    Une bonne partie de la baisse des émissions GES de la France est liée à la delocalisation de nos usines en Asie

    Si on intègre l’impact de nos importations, ce qui est normal (les émissions de nos smartphones, électroménager… sont les nôtres, pas celles des chinois), on est presque au double de la moyenne mondiale.

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