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Les Français et le réchauffement climatique (1/3) : Quelles émissions ?

Au début de l’été, la Tribune a commandé à l’Ifop un sondage autour du réchauffement climatique. Quelle perception en ont les sondés, quelles solutions souhaitent-ils, quel comportement sont-ils prêts à adopter ? Le questionnaire a l’art de tout mélanger, mais ces résultats sont l’occasion d’une réflexion en trois articles sur les causes du réchauffement et les moyens de l’atténuer.

Un questionnaire étonnant

L’examen du questionnaire et la lecture de l’article qu’en tire la Tribune montrent qu’il était plus recherché une opinion sur des points d’actualité immédiate qu’une réflexion de long terme. Dommage. Le plus caricatural est la présence dans le sondage d’une question sur l’ouverture de la baignade dans la Seine en 2025. Question totalement hors sujet si l’objectif est la réflexion sur le réchauffement climatique. Mais question dont on comprend la présence s’il s’agit d’évoquer les polémiques du moment.

Que dire de la question suivante : « le sentiment que diverses actions seront efficaces dans les années à venir pour lutter contre le changement climatique et agir en faveur de la protection de l’environnement ». On imagine que les experts de l’IFOP savent qu’on ne doit pas poser une question portant sur deux sujets en même temps. Mais peut-être fallait-il faire travailler le stagiaire ?

Comment interpréter une proposition aussi vague que « Il n’y a pas de solutions à court terme au réchauffement climatique » ?

Plus grave peut-être, mais aussi révélateur de la confusion ambiante sur le sujet, il n’est jamais précisé si l’on parle d’atténuer le réchauffement climatique ou de s’adapter à celui-ci. Deux problèmes majeurs mais différents pourtant.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES)

En France, la source la plus complète sur le sujet est le CITEPA. Créé en 1961 par le patronat à l’initiative du patron de la SNCF d’alors, Louis Armand, il est devenu un acteur incontournable des questions de pollution de l’air.

Le CITEPA a été chargé par le Ministère chargé de l’Écologie d’assurer la réalisation des inventaires nationaux d’émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre conformément aux engagements internationaux de la France, notamment vis-à-vis de l’Union européenne (UE) et des Nations unies (CEE-NU).

Les données sur les émissions de GES en France montrent un total brut de 404 Mt d’équivalent CO2 (CO2e). Les ¾ de ce total viennent du CO2, 15 % du méthane (CH4) et 6% du protoxyde d’azote (N2O). Depuis 1990, ces émissions sont passées de 539 Mt à 404 Mt, soit une baisse de 25%. Mais en réalité, la baisse est récente : le volume émis était encore de 550 MT en 2005. Depuis 2017, la baisse est de 12%. À titre de comparaison, les émissions de l’Allemagne sont de 746 Mt en 2022(pour un nombre d’habitants supérieur de 23%).  Dans les deux cas, il s’agit des émissions directes : elles n’intègrent pas les émissions liées aux importations ou aux exportations.

Le tableau ci-dessous, produit par le ministère de la transition écologique, montre la différence entre « empreinte carbone » et « inventaire national ». Il s’agit des valeurs de 2016.

Émissions par secteur

Le CITEPA donne la répartition des émissions par secteur de l’inventaire national.

On trouvera plus loin la répartition des émissions par secteurs (en pourcentage) d’une décennie à l’autre

Six secteurs sont identifiés. La part du secteur des déchets est faible. La part d chacun des autres est supérieure à 10 %. Mais l’évolution de leurs émissions depuis 1990 est assez différente.

Deux secteurs ont vu leurs émissions baisser de près de moitié depuis 1990 : l’industrie de l’énergie et l’industrie manufacturière et de la construction. Leur part est en 2022 respectivement de 11 et 18%. Soit un petit 30 % à eux deux.

Les émissions dues à l’usage des bâtiments et activités résidentiels/tertiaires sont en baisse de 31% depuis 1990 et de 40 % depuis 2005 (une partie de cette baisse est due aux efforts de sobriété de 2022). Elles représentent environ 1/6 du total actuellement.

Les émissions du secteur « agriculture et la sylviculture » ont baissé de 13% depuis 1990. Elles comptent aujourd’hui pour 1/5 du total.

Les émissions du secteur des transports ont augmenté de 5% depuis 1990. Elles représentent en 2022 1/3 du total.

Émissions de quelques sous-secteurs

Chaque secteur est divisé en sous-secteurs dont le CITEPA donne les émissions depuis 1990.

Notons simplement que le transport routier représente 92% des émissions du transport.

La moitié des émissions de l’énergie correspondent à la production d’électricité. Le reste se répartit essentiellement entre le raffinage du pétrole, le chauffage urbain et la valorisation des déchets.

Le résidentiel représente un petit deux tiers des émissions dues à l’usage des bâtiments et activités résidentiels/tertiaires

Les bovins représentent la moitié des émissions de l’agriculture /sylviculture, environ 84% des émissions de l’élevage et 9% du total tous secteurs. Les bovins sont des ruminants et leur digestion produit du méthane, un puissant gaz à effet de serre. À ces émissions directes, il faut ajouter celles indirectes liées à la production des céréales pour nourrir les bêtes.

Récapitulatif

Le graphique ci-dessous (source CITEPA) montre l’évolution dans le temps de la part de chaque secteur. On notera la hausse de la part des transports quand celle des industries (de l’énergie ou manufacturière) diminue.

Place de la France dans les émissions

Les émissions mondiales de GES sont de 48 milliards de tonnes d’équivalent CO2 (48 Gt = 48 000 Mt). La part de l’inventaire national français est donc inférieure à 1% (la population de la France représente 0,85% de la population mondiale). Cette part, comme celle de l’U.E. est en diminution en raison d’une part de la réduction lente des émissions, d’autre part en raison de la croissance des émissions des pays en développement rapide.

Mêmes données par habitant . On note que les émissions par habitant sont stables au niveau mondial, mais que cela recouvre des évolutions assez différentes selon les pays.

À l’échelle mondiale, la part du méthane (qui est un GES beaucoup plus redoutable que le CO2) semble nettement plus importante qu’en France (voir ici et ici). La part des émissions liées à l’industrie de l’énergie est également beaucoup plus forte qu’en France, notamment en raison de la place du charbon. La Chine, notamment investit massivement pour construire de nouvelles centrales au charbon. Mais elle investit aussi massivement dans le nucléaire, l’éolien et le solaire…Il est vrai que les Chinois sont 20 fois plus nombreux que les Français.

L’atténuation du réchauffement climatique ne dépend donc que marginalement de la France : les discours qui prétendent le contraire n’ont pas de sens. À l’inverse, si chaque pays attend que les autres agissent, il n’y aura pas d’atténuation. C’est tout le sens des différentes COP qui recherchent une mobilisation mondiale. La France doit donc tenir ses engagements. Le CITEPA en fait un suivi régulier.

A lire : controverses sur le climat

Coup de projecteur sur le réchauffement climatique

A suivre :

Les Français et le réchauffement climatique (2/3). Attention aux sondages d’opinion

Les Français et le réchauffement climatique(3/3). Opinions sur des actions envisagées

  1. François Lévy François Lévy 20 octobre 2023

    Avec une empreinte carbone de 9,9t CO2/ Français, soit presque le double de la moyenne mondiale, la France devrait à minima faire 2 fois plus d’efforts que les autres…

    Si on regarde le cumul historique des émissions, notre responsabilité est majeure.

    Et si on ajoute qu’on connaît les solutions et qu’on a largement les moyens de les financer (63 milliards/an, à comparer aux 83 milliards de subventions aux carburants ou aux 16 milliards/an de déduction fiscales sur les fossiles), contrairement aux pays pauvres à 2t CO2/habitant, c’est criminel de ne pas le faire.

    D’autant plus que réduire nos émissions coûte moins cher que ne rien faire, vu les dégâts majeurs qui nous attendent.

    NB : Si les émissions de l’industrie ont baissé, c’est aussi beaucoup à cause de la desindustrialisation de la France : nos usines sont parties en Asie

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