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Coup de projecteur sur le réchauffement climatique

Le gouvernement veut se préparer à adapter le pays au changement climatique en cours. C’est indispensable et cela ne dispense pas de réduire les émissions de GES en France et en Europe. Mais ce qui se passera dans de grands pays comme la Chine et l’Inde est crucial pour limiter le niveau de réchauffement. Et les chiffres ne sont pas rassurants. .

Une annonce qui a fait réagir

Le 30 janvier 2023, à l’occasion d’une conférence sur l’adaptation des territoires, le ministre Christophe Béchu, a annoncé souhaiter étudier deux scénarios de réchauffement pour la stratégie d’adaptation de la France : +2°C et +4°C.

La conférence était organisée par France Stratégie et l’Institut de l’Économie pour le Climat (I4CE). Ce dernier est une émanation de la Caisse des Dépôts. Christophe Béchu est ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

L’annonce a d’abord suscité des réactions négatives dénonçant un abandon de la volonté de réduire les émissions de GES. Les experts du climat sont ensuite intervenus pour expliquer que les deux actions étaient à la fois complémentaires et indispensables. Clément Janneau, un spécialiste des questions climatiques, a fait un recensement de ces réactions dans sa Newsletter.

Le choix des scénarios

Les réactions négatives s’expliquent en partie par la mise en avant d’un scénario à +4°. Des commentateurs ont vu dans cette valeur une hypothèse renonçant à toute action volontariste dans le monde.

La réalité est qu’un réchauffement mondial ne se traduit pas par un réchauffement homogène dans toutes les régions. L’hypothèse d’un réchauffement de 4°C en France correspond à un réchauffement mondial d’environ 2,5°C, ce qui correspond à ce qu’on peut attendre si les principaux pays émetteurs respectent leurs engagements.

Un journaliste spécialisé dans les questions climatiques, Loïc Giaccone, l’explique de manière détaillée sur son site.

Sur Twitter, François Gemenne explique à propos du scénario 4°: « Personne ne souhaite cela, mais il serait aujourd’hui suicidaire de ne pas envisager ce scénario. Nous avons énormément de retard en matière d’adaptation, notamment à cause de notre aveuglement. Il faut sortir du déni : c’est une question de vérité et de responsabilité. »

Une vision euro-centrée erronée

De nombreuses interventions médiatiques semblent imaginer que la lutte contre le réchauffement climatique se joue principalement en Europe voire en France. L’interpellation d’Emmanuel Macron par un militant au Salon de l’agriculture en est un parfait exemple.

En réalité, l’Europe ne participe que de manière faible aux émissions de CO2 ou d’autres GES. Et sa part diminue. Celle de l’Union européenne était de 10,9% en 2005 et de 7,0% en 2019. Elle était dépassée par la Chine (très loin devant), les USA et l’Inde.

Les pays anciennement développés voient leur part se réduire notablement de 2005 à 2019 : les USA passent de 17,3% à 12,5%, le Japon de 3,3% à 2,4%, le Canada de 1,8% à 1,5%. Leurs émissions diminuent aussi en valeur absolue, sauf pour le Canada.

Parmi les 10 plus gros émetteurs, les pays dont la part augmente sont la Chine, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran. En valeur absolue, les émissions totales ont augmenté de 23,6% sur la période.

A eux seuls, la Chine et l’Inde représentent plus de 70 % de l’augmentation des émissions entre 2005 et 2019. Ce qui n’est pas étonnant, au regard de leur population (1,4 milliard d’habitants chacun) et de leur croissance rapide.

En 2022, selon l’AIE, les émissions mondiales ont augmenté de 0,9%. la hausse est de 4,2% en Asie alors que les émissions sont en baisse de 2,5% en Europe.

Le cas de la Chine

Selon Wikipédia, entre 1990 et 2020, les émissions de GES de la Chine, en C02eq, ont été multipliées par près de 5. La production d’électricité a été multipliée par 12 et la consommation d’énergie primaire par 4.

Selon les sources, les émissions de GES de la Chine représentent un peu moins ou un peu plus de 30% du total mondial. Il est vrai que cette part augmentant rapidement, tout dépend de l’année de la mesure.

Contrairement à une opinion répandue, cette importante part ne s’explique pas par les exportations : la consommation intérieure explique 90% des émissions.

Bien sûr, ces fortes émissions s’expliquent par le volume de la population et le niveau de développement atteint. Mais intervient aussi la part importante du charbon. Il représente en 2020 71% de la production d’énergie primaire. De 1990 à 2020, l’utilisation du charbon a presque quadruplé, celle du gaz étant multipliée par 12 dans le même temps. L’utilisation de biomasse et de déchets (qui représentait 23% du total en 1990) a en revanche baissé d’un tiers.

La Chine développe aussi fortement l’éolien, le solaire, l’hydraulique et le nucléaire. Depuis 2010, le total du solaire et de l’éolien est multiplié par 6,5, l’hydraulique par 1,9 et le nucléaire par 5. Mais la part totale reste encore faible (8% du total).

Le charbon reste encore un axe prépondérant du développement de la production d’énergie. En 2022, « la Chine a accéléré comme jamais la construction de centrales à charbon » titrait très récemment la Tribune.

Le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA) a publié en février un article montrant qu’en 2022 la Chine a autorisé la construction de l’équivalent de deux nouvelles centrales au charbon chaque semaine. Elle occupe ainsi une place largement majoritaire dans les nouveaux projets. Ces centrales sont prévues pour être essentiellement utilisées en période de forte demande. Le pic de consommation électrique a lieu l’été, à cause de la climatisation, comme aux U.S.A. En France, le pic de consommation a lieu l’hiver à cause du chauffage.

L’article pointe cependant un risque : que les propriétaires politiquement influents des usines fassent pression pour une utilisation plus large. Dans un scénario pessimiste « la pression pour utiliser au maximum les centrales au charbon nouvellement construites conduirait à une modération de l’énergie propre de la Chine et/ou la promotion d’industries énergivores pour consommer l’électricité. »

Le cas de l’Inde

Selon Wikipédia, entre 1990 et 2020, la consommation d’énergie primaire a été multipliée par plus de 3, les émissions nettes de CO2eq par plus de 4, la production d’électricité par plus de 5. L’utilisation du charbon a triplé.

Le charbon représente la moitié des sources d’énergie. Mais la biomasse et les déchets comptent encore pour un tiers (contre 42% en 1990). Comme en Chine, le nucléaire, l’éolien et le solaire sont en progression rapide depuis 10 ans, mais ne comptent que pour une part très faible du total.

Début 2020, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié un rapport consacré à la politique énergétique de l’Inde. Le site « Connaissance des énergies » a commenté ce rapport. On y apprend qu’entre 2000 et 2019, près de 750 millions de nouvelles personnes ont ainsi obtenu un accès à l’électricité dans le pays.

Sur la base des politiques actuelles, la consommation d’énergie de l’Inde pourrait encore « doubler d’ici à 2040 et sa consommation d’électricité pourrait tripler » selon l’AIE. 1 milliard d’appareils à air conditionné sont attendus en 2050 : ce n’est pas le réchauffement climatique qui va diminuer ce besoin !

Et l’Afrique ?

Pour l’instant, l’Afrique représente une part faible d’utilisation de l’énergie. Selon Wikipédia, la consommation d’électricité par habitant de l’Afrique est seulement à 17,2 % de la moyenne mondiale en 2019. Le gaz naturel est la première source de production, devant le charbon puis l’hydraulique. Le solaire compte pour moins de 1% dans la production d’électricité.

Les besoins sont considérables : l’Afrique subsaharienne compte environ les ¾ des personnes qui n’ont pas accès à l’électricité dans le monde. Et la population du continent a doublé en trente ans.

Lors de la COP27, on apprenait que, pour atteindre ses objectifs en matière d’énergie et de climat, l’Afrique a besoin de 190 milliards de dollars d’investissements par an, dont deux tiers pour les énergies propres. Un besoin considérable, auquel l’Europe pourrait contribuer utilement.

Faut-il rappeler que tous les pays sont sur la même planète ? Le réchauffement climatique les concerne tous et ne sera limité que par l’effort de tous.

  1. Michel Picard Michel Picard 18 mars 2023

    La comparaison entre l’Europe et l’Asie me laisse perplexe. N’y a-t-il pas un risque de démobilisation des bonnes volontés en Europe si on s’aperçoit que nos efforts de réduction sont très largement inférieurs aux augmentations ailleurs?
    Quand on fait une fresque du climat ou une action de communication de ce type, on se centre sur la France, c’est déjà assez compliqué. Nos voisins européens sont censés faire de même et tous les pays signataires des engagement COP21 et plus devraient… et ne le font apparemment pas.
    Comment communiquer sur ce point? A supposer que l’Europe tienne enfin ses engagements, y aura-t-il un effet « bon élève » sur les autres pays?
    Et pour l’Afrique, l’Europe a-t-elle un plan d’investissement décarboné pour ce continent et pour ses besoins énergétiques – pourquoi le solaire si bas?

    • Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 18 mars 2023

      La mise en perspective de la situation dans les différents continents est apparue dans le débat public quand certains voyaient dans la réflexion sur l’adaptation au réchauffement un abandon de l’action.
      Faut il se mentir sur la réalité pour se mobiliser pour agir?
      Il n’est pas marqué dans l’article que les pays non-européens n’agissent pas et ne respectent pas leurs engagement
      Après tout la Chine développe rapidement ses énergies renouvelables. Mais le besoin est immense
      Peut-il y avoir un effet bon élève? Il peut au moins y avoir un partage des techniques éventuellement développées.
      Quand à l’Afrique, l’Europe n’a pas à avoir de plan à sa place, au risque d’être inefficace. Par contre elle peut participer au plan mis au point par les Africains !

    • Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 18 mars 2023

      La banque mondiale donne l’évolution du PIB par unité d’énergie. Ce PIB par kg de pétrole utilisé a plus que doublé dans le monde entre 1990 et 2015. Et ce ratio a augmenté sur la même période dans la plupart des pays du monde, notamment la Chine et l’Inde
      https://donnees.banquemondiale.org/indicator/EG.GDP.PUSE.KO.PP

  2. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 12 mars 2023

    Merci Gérard.
    Belle revue de ce qui nous attend.
    Le lien vers le papier de Loïc Giaconne : « S’adapter à +2 °C ou +4 °C ? Scénarios, projections et politiques d’adaptation», est tout à fait éclairant.
    On peut se demander si l’isolation thermique des bâtiments ne sera pas nécessitée, autant et voire plus, par le besoin de se protéger des canicules que de se chauffer l’hiver, saison qui pourrait bien devenir beaucoup plus douce.
    Le chantier « Balades thermiques » de ZEN 2050 Maintenant mériterait une extension vers des mesures en saison chaude.

    • Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 18 mars 2023

      Oui, l’isolation thermique joue l’hiver comme l’été
      Discussion très récente avec une personne autour de l’idée d’améliorer un peu l’isolation d’une baie vitrée plein sud par des volets : pourrait avoir de l’utilité l’hiver (ne serait ce qu’en réduisant les effets refroidissant du vent) mais paraissant presque indispensable l’été.
      Et oui, l’effet canicule est à observer de plus près.

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