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Les Justes ou le refus de l’indifférence, mémoires partagées

Dans le cadre de son « mois de la mémoire », la Ville de Fontenay-aux-Roses organise une exposition sur le thème des Justes à la médiathèque, du 3 au 16 novembre. Une conférence sur « La place de l’art pour transmettre la mémoire de la Shoah et des autres génocides » a eu lieu le mardi 7.

La créatrice des œuvres exposées a ainsi pu expliquer sa démarche. Le contexte (attaque du Hamas le 7 octobre) a amené plusieurs des orateurs à s’inquiéter d’une montée de l’antisémitisme.

Les Justes

En 1953, la Knesset (parlement d’Israël), en même temps qu’elle créait à Jérusalem le mémorial de Yad Vashem consacré aux victimes de la Shoah, décida d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs ». Ceux-là ont pris des risques, souvent importants, pour sauver des juifs menacés par l’extermination voulue par les nazis.

Ces Justes sont une toute petite minorité : les observateurs passifs sont la règle, les sauveteurs l’exception.

La démarche nazie était celle d’une déshumanisation des juifs, comme si ceux-là n’appartenaient pas à la même humanité qu’eux. Au contraire, les Justes ont fait œuvre d’empathie vis-à-vis de personnes dont ils ont pensé qu’elles partageaient leur humanité.

On retrouve cette attitude de refus de l’humanité de l’autre dans tous les génocides.

L’artiste : Francine Mayran

Les œuvres exposées à la Médiathèque sont celles de Francine Mayran. Née dans une famille juive strasbourgeoise, elle exerce la profession de psychiatre et produit des céramiques et des peintures à propos de la Shoah. Elle a aussi réalisé des œuvres autour du génocide arménien et de celui des Tutsis.

L’exposition

L’exposition est essentiellement constituée de portraits(on peut retrouver certains sur le site de l’artiste). Elle fait l’objet d’une présentation générale à l’entrée de la première salle.

L’artiste a été attentive à présenter des personnes de différentes religions présentes en Europe, et de nombreux pays (surtout européens).

C’est une exposition de visages qui, par leur humanité doivent inspirer notre génération et représenter des remparts contre la barbarie, pour nous permettre de garder espoir en l’humain.

On y trouve des noms très connus (Simone Veil, Robert Badinter, le Cardinal Saliège, le pasteur Boegner, Oskar Schindler, Raoul Wallenberg, Anne Frank…) ou guère connus (Si Kaddour Benghabrit, Tadeusz Pankiewicz, Édouard Vigneron, Witold Pilecki…)

On trouve aussi les portraits de deux femmes hutues assassinées en même temps que les Tutsis lors du génocide rwandais (Agathe Uwilingiyimana et Félicité Niyitegeka) et d’un Français (Jean Carbonare) qui a essayé d’alerter sur la préparation de ce génocide.

Deux portraits (Mireille Knoll et le colonel Beltrame) rappellent que des personnes peuvent aujourd’hui encore être tuées en France parce que juives et que d’autres peuvent se comporter comme des Justes.

La conférence

Despina Belkiari, adjointe au maire de Fontenay-aux-Roses, notamment en charge du devoir de mémoire, ouvre la séance et donne d’abord la parole au maire.

Laurent Vastel aborde tout de suite une question que chacun peut se poser : qu’aurais-je fait sous l’oppression allemande ?

Le sénateur Iacovelli, également présent, fait le lien avec ce qui s’est passé le 7 octobre en Israël. Il s’inquiète d’un antisémitisme qui couve dans notre pays, souvent sous le couvert d’antisionisme. Il cite l’exemple de ce chauffeur de bus bédouin présent sur place le 7 octobre qui a sauvé plusieurs des jeunes présents à la rave-party.

L’artiste prend ensuite la parole pour expliquer ses intentions avec cette exposition.

Au départ, elle a besoin de peindre et d’interpeller chacun sur part de responsabilité : on est témoin. Qu’aurais-je fait si j’avais été là ?

Après la Shoah, elle a abordé d’autres génocides. Il ne s’agit pas de les mélanger, ils sont chacun uniques. Mais les mécanismes qui amènent certains à être tortionnaires sont à chaque fois exactement les mêmes.

Francine Mayran a aussi voulu faire un portrait du Colonel Beltrame, car il marque l’espoir qu’il existe toujours des Justes. La question, c’est bien le regard posé sur les autres. Le problème, c’est l’indifférence, l’absence d’humanité, l’absence d’empathie.

L’artiste a mis volontairement des portraits de Justes de toutes religions (catholiques, protestants, orthodoxes, musulmans, juifs…). Et des personnes de différents pays, car pour elle « les Justes, cela n’a pas de frontière. »

Elle intervient dans les établissements scolaires. On pourra voir dans une vidéo son discours Le monde en bascule et l’humain alors?  à l’église Saint-Pierre Le Jeune à Strasbourg. Elle y expose son travail artistique pour réveiller les consciences. Le travail qu’elle mène avec des collégiens et des lycéens a conduit à de véritables projets scolaires qui se sont développés cette année 2023, en particulier avec des élèves d’un lycée professionnel du bâtiment.

Un moment particulier

Joël Mergui, président du Consistoire de Paris témoigne à son tour et note que cette conférence tombe à un moment particulier. Il y a une désinhibition d’un racisme qui remonte. Je n’ai pas peur. Je n’ai pas envie d’avoir peur. Je veux croire avec beaucoup de forces à un réveil de la société. Je veux croire qu’en France, il y a suffisamment de Justes.

La période illustre aussi le choix de Francine Mayran de faire des portraits. Aujourd’hui des affiches avec la photo des otages du 7 octobre sont affichées partout. Et des opposants à Israël se dépêchent de les enlever. Matthias Wargon, urgentiste très actif sur Twitter, s‘interroge :

Je comprends qu’on soutienne les gazaouis. Je comprends qu’on soit contre la politique d’Israël. Je peux imaginer qu’on ne veuille pas de l’existence d’Israël. Mais qu’est-ce qui pousse des gens à arracher des affiches d’otages d’une organisation terroriste ? Quelle haine?

Et si arracher des affiches avec les photos des otages n’était qu’un moyen de refuser de regarder les juifs comme des humains ? Le contraire de ce que propose Francine Mayran avec ses portraits.

Delphina Belkiari remercie en conclusion les représentants de la communauté juive qui ont aidé à organiser l’événement. Elle conclut : « Restons éveillés, dynamiques et lucides. »

L’exposition est visible à la médiathèque de Fontenay-aux-Roses jusqu’au 16 novembre.

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