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Controverses sur le climat

Une équipe du CNRS a montré la montée des discours climato-dénialistes sur Twitter. Pourtant, il y a un consensus scientifique sur l’origine humaine du réchauffement climatique. L’occasion de comprendre comment se construit un consensus scientifique.

Montée des discours climato-dénialiste

Un lecteur écrit à la Gazette pour lui signaler la montée des discours climato-dénialistes en France. Et il demande « La Gazette a-t-elle vocation à « agir » dans ce champ ? » Notre lecteur cite un article qui reprend une étude d’une équipe du CNRS.

L’étude porte sur « Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme à travers « Deux années d’échanges Twitter passées aux macroscopes ».

Elle observe qu’une importante communauté dénialiste française (environ 10 000 comptes) s’est structurée à l’été 2022 sur Twitter. On y retrouve beaucoup de comptes qui ont fait partie de la communauté antisystème et antivax et ont soutenu Poutine dans la guerre contre l’Ukraine.

Pour propager son point de vue, le principal compte de cette tendance développe une  attitude  dite  des « 5D »  particulièrement  appréciée  des opérations de subversion : Discrédit (“si vous n’aimez pas ce que vos critiques disent, insultez-les”), Déformation (“si vous n’aimez pas les faits, déformez-les”), Distraction (“si vous êtes accusé de quelque chose, accusez quelqu’un d’autre de la même chose”), Dissuasion (“si vous n’aimez pas ce que quelqu’un d’autre prépare, essayez de lui faire peur”), Division “si vos adversaires sont trop forts, divisez-les”.

Il la complète par un sixième « D » qui est peut-être le plus important pour favoriser l’inaction climatique : le Doute.

La situation : un consensus scientifique

L’origine humaine du réchauffement climatique actuel fait l’objet d’un consensus s’appuyant sur des milliers d’articles parus dans des revues à comité de lecture.

Remettre en cause ce consensus n’est possible scientifiquement qu’en apportant des faits nouveaux et des arguments soumis aux mêmes règles d’évaluation que les articles scientifiques, en l’occurrence être publiés dans des revues ayant un comité de lecture qui puisse juger du contenu.

Que des vulgarisateurs, journalistes ou personnes ayant une formation scientifique contestent ce consensus n’a aucune valeur s’ils ne peuvent s’appuyer sur des articles scientifiques (et pas un seul !). C’est à dire des articles relus par des chercheurs avant parution. Lesquels chercheurs vont vérifier la qualité du travail rapporté : origine des données utilisées, qualité scientifique de la méthode utilisée.

Quelques mots pour montrer ce qu’est un consensus scientifique et comment il se construit

La démarche scientifique

Un texte du Commissariat à l’énergie atomique décrit fort bien la démarche. Il commence ainsi :

La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises.

Plus loin il précise les étapes :

A la base de toute démarche scientifique, il y a au départ une observation d’un phénomène et la formulation d’une problématique. Puis des hypothèses et la construction d’un modèle. Puis des observations et expérimentations pour valider ou infirmer le modèle. Enfin la « revue par les pairs » permet de contrôler la démarche scientifique d’une nouvelle découverte.

Influence de l’homme sur le climat

L’effet de serre est connu depuis le XIXe siècle. L’impact possible de l’utilisation des énergies fossiles est même pointé dès cette époque(source) :

En 1857, Eunice Newton Foote découvre que le dioxyde de carbone retient particulièrement bien la chaleur et conclut que « une atmosphère constituée de ce gaz donnerait à notre Terre une haute température ». Oubliée, sa contribution scientifique est redécouverte en 2011.

En 1861, John Tyndall identifie à son tour les principaux responsables de ce mécanisme : la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone. Il suggère alors qu’une modification de la composition de l’atmosphère peut avoir une influence sur l’évolution du climat7. En 1896, Svante August Arrhenius propose la première estimation de l’impact du niveau de dioxyde de carbone sur les températures terrestres. Il estime qu’un doublement de la quantité de dioxyde de carbone devrait augmenter de 4°C la température moyenne.

Au début du XXe siècle, une connaissance plus fine du phénomène conduit à utiliser le terme de « forçage radiatif ».

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est fondé en 1988. Cela fait déjà des années que des scientifiques alertent sur le rôle de l’homme (et des émissions de gaz à effet de serre) dans l’évolution du climat.

35 ans plus tard, et après de six rapports publiés, le constat est sans appel : il existe un consensus scientifique sur le fait que le réchauffement climatique est dû à l’activité humaine.

L’illusion des climato-dénialistes

Quand un consensus scientifique est établi, seuls des faits nouveaux peuvent le remettre en cause. Les dernières données du climat ne remettent pas en cause les données du GIEC : elles les confortent au contraire. Les climato-dénialistes mettent en avant le rôle du soleil comme explication alternative au réchauffement. Mais ce n’est absolument pas un fait nouveau. Les cycles solaires, d’une durée moyenne de 11,2 ans, sont connus depuis 1843 et calculés depuis 1849. Ce rôle, connu depuis longtemps, est bien sûr pris en compte dans les études des climatologues.

Par ailleurs, ces sceptiques n’apportent aucun élément d’analyse des études des climatologues. Pour remettre en cause celles-ci, ils devraient soit montrer qu’elles ne sont pas conformes aux observations, soit qu’elles ont des failles méthodologiques. Et le faire à travers une publication scientifique dans une revue à comité de lecture, pas dans une revue prédatrice ou par des posts sur Facebook ou Twitter.

En réalité, ils se contentent de parler d’autre chose (le rôle du soleil) pour jeter le trouble. Une méthode bien connue : c’est celle qui a été utilisée pendant des décennies par les cigarettiers. Ils ne démontraient pas l’absence d’influence du tabac sur le cancer, ils montraient que d’autres facteurs avaient un impact.

On le sait depuis longtemps, les évolutions du cycle du soleil n’ont qu’un effet sur les variations du climat pendant ce cycle, pas sur la tendance à long terme sur le réchauffement.


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  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 29 septembre 2023

    Une fois de plus une prise de position claire, ferme, argumentée, fondée et rationnelle. Merci Gérard.
    Je voudrais ajouter que certains propos, tenus par de grandes voix, prennent parfois une forme qui est de nature à induire un doute alors que ce n’est évidemment pas l’intention de celui qui parle.
    Un exemple. Lionel Jospin était reçu dans le cadre de l’émission de France Inter « Le grand entretien » le vendredi 1er septembre. Je le tiens pour honnête et franc. Il parle sans précipitation avec le souci évident de ne pas dire n’importe quoi, qu’il pourrait regretter.
    J’extrais deux réponses qu’il a faites à une question sur le changement climatique.
    1- « Quand le monde change, il faut aussi savoir changer à condition que ce soit sur les mêmes principes. » En écoutant Lionel Jospin dire cela, je n’ai pu m’empêcher de penser au Prince de Salina interprété par Burt Lancaster dans le Guépard de Visconti disant : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».
    Le changement « à condition que », est une astuce d’illusionniste. Cette formulation peut amener l’auditeur à être conforté dans une compréhension erronée de la chose dont on parle, ici un changement radical de manière d’être, qui inclut justement un changement de paradigme, donc vraisemblablement de principes.
    2- Et puis cette phrase de conclusion de cet entretien, et l’on sait qu’elles pèsent plus lourd que les autres, que Lionel Jospin prononce avec une prudence toute « politique »: « Il y a une nécessité à faire face à ce risque du réchauffement climatique et j’espère que l’ensemble des pays, et que la France y prendra sa place, arriveront à limiter les conséquences de ce risque ».
    Fallait-il qu’il choisisse une telle prudence de langage ?
    Le choix de ses mots renforce cette impression de refus de s’engager dans une position claire. L’utilisation à deux reprises du mot « risque » est cette fois-ci maladroite. Car ce n’est pas un risque, donc une probabilité, auquel nous allons devoir nous affronter. C’est l’arrivée certaine d’événements brutaux et délétères qui nous attend. En choisissant cette manière de dire, Lionel Jospin a instillé l’idée que l’avenir n’est jamais écrit d’avance!
    Peut-être. Mais il ne faut quand même pas se laisser tenter par le diable et sauter en bas de la montagne ! la gravitation reste une certitude.

    Comme je le disais, ce ne sont que deux exemples.
    Restons lucide, comme le montre Gérard. Ne nous laissons pas endormir par des discours apparemment pleins de bon sens mais qui nous emmènent, malgré nous et sans le vouloir, sur des compréhensions erronées.

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