Elle est traiteur. Lieu d’implantation : Le Plessis-Robinson. Lieu d’exercice : Région parisienne. Elle est nomade. Avec son foodtruck suréquipé, elle se projette où le vent l’emporte. Anniversaires, mariages, repas d’entreprises ou d’associations, événements, Céline Ivancic sait tout suivre. La cuisine, elle est née dedans. C’est une image. Encore que.
Traiteur = créateur
Lors de la rencontre, à Sceaux, lors d’un concert à la MJC, elle faisait des crêpes dans son foodtruck. C’était un pur hasard. L’entretien révèle une tout autre dimension. Elle reçoit toutes sortes de demandes. Des cocktails, simples ou déjeunatoires, ce sont alors des petites bouchées froides ou chaudes. Elle aime arranger les crudités. Elle variera les couleurs des betteraves qu’elle entourera d’asperges et des choux-fleurs. Quatre couleurs de tomates, en saison, la rouge, la chêne, la verte et la jaune qu’elle accompagnera de féta et de basilic. C’est simple et c’est bon. Le melon avec de la menthe et au basilic. Les saisons d’abord, c’est la condition du frais. Des repas, des déjeuners.
Pour les végétariens, elle aime bien les verrines au guacamole, le potiron avec des châtaignes, les bricks ou les tartes aux légumes de saison. Pour les carnivores, des mini burgers, des navettes de viande des grisons ou de Serrano accompagnés de confiture de figues ou de cerises noires, des wraps au jambon ou taï avec des crevettes et de la menthe.
Voilà pour l’aperçu. Il y a plus à la source.
Cuisiner, on le sait, c’est aimer les bons produits. « Les premiers prix sont gras, ont des additifs, des conservateurs. » Un de ses fournisseurs préférés, Canterel, à Rungis. « Il a des produits ibériques très intéressants, des produits d’artisans. »
Chez elle, tout est fabriqué maison (sauf les fromages) : quiches, verrines, burger, elle ne recule pas devant le travail, caviar d’aubergine, houmous, verrine au potiron, salade d’écrevisses… Tout.
Née dedans
De son CAP hôtelier, elle a retenu la préparation des sauces, la maîtrise de la cuisson, la composition de plats originaux et bien d’autres choses. Elle connaît l’encadrement réglementaire très strict de l’hygiène. « Savez-vous que les normes imposent des plats témoins qu’il faut garder 5 jours pour pouvoir, en cas de problème, identifier la cause. »
Fondamentalement, Céline Ivancic est une autodidacte. Mais une autodidacte d’un genre particulier. Elle est fille de charcutier traiteur. Et sa mère fut restauratrice. Comme généalogie, c’est plutôt un atout. Ses parents lui ont transmis le goût du goût. Elle aime la bonne viande coupée du jour, celle qui vient de vaches de race, comme l’aubrac, la limousine, la blonde d’Aquitaine, et non de vaches laitières comme dans les supermarchés.
Elle se souvient comme d’hier de son père qui faisait des croissants au jambon, des quiches, des pâtés, du saucisson à l’ail, du boudin, des crudités. Il avait un fumoir. Il préparait le jambon lui-même. Cru, il le piquait de sel, le mettait à mariner dans la saumure pour le dessaler ensuite, le désosser et le mettre au torchon avec des aromates puis le cuire. « Vous savez, un jambon, c’est quelque chose comme 12 kilos ! » Visiblement, ça l’a marquée.
Petite fille, avec ses deux sœurs, pour aider parfois, elles déplumaient les volailles, elles remplissaient les escargots. C’étaient des petits travaux qui mettaient dans l’ambiance. Elles étaient dans les bocaux, dans le labo, dans la boutique. Elles regardaient les ouvriers cuisiner. Ils étaient 7 ou 8. C’est toute une éducation qui a infusé d’elle-même.
« Ma mère a ouvert un restaurant dans le Marais poitevin au bord d’une conche. La cuisine y était traditionnelle comme de la raie accompagnée d’une fondue de poireaux ou des matelotes d’anguilles. » Le service en salle, les différentes tâches en cuisine, l’accueil des clients, c’est un autre environnement dans lequel elle a été bercée.
Son premier emploi est dans un restaurant ; elle est en salle. Dans le suivant, elle est en cuisine. Elle a travaillé à l’Alsacienne de restauration qui prépare des centaines de plats pour personnels d’entreprise. Elle a été aux entrées, aux plats, aux desserts, un peu partout donc et dans le respect des directives de la diététicienne.
Le côté dur de la force
Bon, c’est bien tout ça, mais tout le monde sait que la restauration est un monde difficile. Elle confirme. « Les charges, il faut les payer, c’est normal. Mais il faut savoir qu’elles courent, que l’on travaille ou non. » D’où le stress que connaissent tous les commerçants, du moins ceux dont les revenus ne sont pas assurés par une clientèle régulière.
« Les taxes d’apprentissage, énonce-t-elle, la TVA tous les mois, les frais de fonctionnement avec l’électricité, le gaz. Il y a la location du local, celle du TPE. J’ai un cuisinier, donc un salaire et les charges patronales. Les crédits en cours, en particulier celui du foodtruck. Les équipements à faire réparer. »
Côté physique : « Dans mon métier, il y a beaucoup de manutention. Mon local fait 50 m². La moitié est pour les frigos. L’autre moitié pour le matériel. Il y a des tables, des chaises, des parasols, des câbles électriques, de la vaisselle. » C’est tout ceci qu’il faut déplacer en permanence. Pour un événement, c’est une part du travail importante.
Dans le foodtruck, il faut tout attacher. Mettre en frigo, dans des boîtes.Il faut désinfecter les plans de travail tous les matins.
Et bien sûr, la préparation. « Je prends un exemple tout bête. Éplucher le potiron qui a la peau dure, le couper en petits morceaux, faire revenir dans l’huile avec des aromates, réduire en purée, mettre en barquette puis au frigo, avant de servir, mélanger le potiron et la crème, fouetter, mettre dans un siphon pour l’émulsion. »
Rien que pour les verrines de potiron, si on inclut la vaisselle et la surveillance, c’est bien entre 3/4 d’heure et 1h de travail. Pour le houmous, c’est pareil. Il faut faire tremper les pois chiches la veille. Rincer. Cuire, retirez la peau, mixez etc. Elle n’a absolument pas le ton de la plainte. Au contraire, même. Elle se veut pédagogue. Elle cherche juste à expliquer le temps qu’elle passe, ce temps composé de cent choses pas compliquées, mais qui rassemblées font de la haute pression.
Goûtons voir
Et cette pression ne retire rien à la fierté qu’elle tire de ses dressages réussis. « Lors du dernier anniversaire que j’ai organisé, mes clients n’ont pas voulu d’autre décoration que mes tables. » Là, ils ont touché la corde sensible. Le dressage est son plaisir, son jeu de patience, son expression corporelle. « Les couleurs importent beaucoup. Je les définis en fonction d’un logo, d’un souhait même vague d’un client. »
Elle aime définir en commun un thème qu’elle adapte en décoration et en plats. « Je suis une visuelle. J’y associe le goût. » Elle aime que ses plats décorent la salle, l’éclairent et l’égayent. Mettre en scène avec des présentoirs, des plateaux, des paniers, des fleurs, des bougies. Elle dispose ici du lierre et des pommes sur les tables. Elle traduit là le thème du voyage en été, avec du bleu, de l’orangé, du jaune. Si le champêtre est recherché, elle dispose des couleurs bois, des couleurs terre, des champignons. Sur son site, elle parle « d’instant de partage pour marquer les esprits par un goût, un visuel et un sourire. » Sa vision de l’harmonie. Son plaisir du singulier à imaginer à chaque fois.