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Le sur-mesure pour se surprendre

Le vêtement, comme la musique ou la littérature, c’est sans fin. À moins d’une idéologie répressive, l’imagination poursuit son cours. Dans nos pays, elle se confond parfois avec provocation. La tenue est alors toute en rupture, mais qui peut la porter ? Saïma K., en créant 1aime7 est clairement du côté de ce qui se porte et du côté de l’imagination. Mieux, elle se dit prête à imaginer ce que vous n’imaginez pas vous-même pour vous-même. Bref, à vous réinventer !

Chacun est plusieurs

C’est qu’elle voit ses vêtements comme des parures. Les concevoir est une alchimie qui joue sur la personne. « C’est pourquoi je suis dans le modèle unique ou la toute petite série de quelques unités. » Seule l’unicité permet de surprendre, d’incorporer une part de rêve. Le vêtement devient une seconde peau qu’elle n’imagine pas par raisonnement mais par intuition. C’est son intuition qui lui permet de faire des propositions et de sentir comment elles sont reçues. Un client est une personne avec laquelle elle s’entretient, elle échange. Une sorte d’approche de consultante. Ce qui tombe bien, elle le fut.

Crédit photo: 1aime7

Saïma K. a une ambition : trouver des tenues auxquelles les gens n’ont pas pensé. Convaincre qu’on peut être une autre personne. D’où l’idée de parure. « Je suis celle-là, mais je suis aussi une autre. » Du Rimbaud.

Elle a, au service de cette ambition, un savoir-faire formé dans ses expériences : costumière de théâtre ; designer ; directrice artistique junior, le dessin de modèles, l’élaboration des patrons. Mais pas que : coudre, monter, broder. Il y a de la broderie dans toutes les pièces. Elle a tout fait, elle connaît toute la chaîne de conception et de fabrication. Comment ne pas revendiquer une légitime autorité quand on sait faire tout ça ?

Travailler les tissus sauvés

Tout l’inspire. Le vêtement homme. « Souvent j’ai imaginé habiller les hommes autrement. Soit les gammes sont inabordables et visent une cible très étroite excentrique. Soit très classique, sportwear ou costume. » Le vêtement femme forme l’essentiel de sa demande. Le vêtement mixte : ses hoodies conviennent aux filles et aux garçons. Autre chose, iIs sont souvent réversibles : pied-de-poule d’un côté, cotonnade lotus de l’autre. Elle adore le réversible, y a pas photo.

En septembre dernier, elle a présenté ses créations à Paris chez un décorateur peintre. Dans une mise en scène de défilé (avec mannequins, musique, timing d’enfer) elle a montré plein de choses. Allez sur son site ou son compte Instagram. Petit échantillon. Un sweat en tissu italien et soie sauvage rebrodée. Un tailleur en tartan écossais qu’elle a acheté il y a 14 ans lors d’un voyage (partout où elle se trouve, elle chine, cherche le tissu coup de cœur). Une robe lacée dans le dos en voile de soie avec des volants de tulle pour donner du volume. Un ensemble avec pull sans manche en laine mohair, mitaines et bob « les poissons volants ».

Ensemble Les poissons volants. Crédit photo: Pierre Vallet

Elle travaille tout particulièrement les « tissus sauvés », en l’occurrence venus des grands couturiers ou de créateurs. À sa façon sensible de toucher un vêtement, on comprend que la texture lui est de première importance. Elle est dans la matière. La matière première. La matière sauvée.

La confection rivée au corps

Le lancement de 1aime7 est l’aboutissement d’un parcours de vie. Il remonte à la pandémie. C’est le moment où, au bout de 15 ans à la tête d’un cabinet de conseil, il est temps pour Saïma K. de respirer un air nouveau. Et de retrouver une sensibilité formée dans son enfance. Elle dessine des modèles, prend un atelier, fabrique, trouve des clients.

Elle dessine des habits depuis sa plus tendre enfance. Elle n’a jamais joué à la poupée, elle a habillé ses poupées. En Algérie, une nounou lui fabriquait les vêtements qu’elle dessinait déjà.

1973, c’est l’arrivée en France avec ses 4 frères et sœur. Elle est la plus jeune. Le niveau de vie de la famille a sévèrement chuté. Sa fringale de vêtements ne peut être satisfaite. Un jour, son père l’emmène faire des emplettes. Elle rêve, elle espère. Elle imagine déjà la belle robe, le beau manteau. Son père lui acheta une machine à coudre. Certainement le cadeau le plus beau et le plus chargé de confiance.

Robe de soirée en Taffetas de soie moirée.
Crédit photo: Pierre Vallet

À 15 ans, elle rencontre une costumière de théâtre qui la prend sous son aile. Elle forme l’adolescente aux meilleures techniques. Un jour elle la remplaça sur une mission qu’elle ne pouvait honorer. Fière comme pas deux ! La confiance encore.

Son père voulait qu’elle fasse du droit. Elle en fit. Les études se dérouleront en 2 phases. La première, juste après le bac ; elle dure 2 ans. Bon, mais faire plaisir à papa ne résiste pas à tous les désirs. Elle entre à Met de Penninghen, la célèbre école d’arts et de créations. Elle fait un prêt étudiant ce qui lui permet de faire ce qu’elle aime. Surtout, elle est indépendante ; elle trouve une multitude de jobs en agence de pub, en décor de théâtre, en costume, en agence de presse, en image bank, mais aussi habilleuse… Il y en eut sans doute d’autres.

Elle gagne sa vie. Il paraît que c’est secondaire dans un milieu où on est plutôt en « quête de sens ». On n’a pas partout de ces états d’âme.

À 25 ans, elle reprend et termine son droit. Visiblement, ses cours d’anthropologie, ceux de l’institut judiciaire l’ont marquée. Le directeur de son 3e cycle lui propose d’entrer dans son cabinet de conseil. Pas d’hésitation, elle se lance dans une nouvelle carrière.

Quelques années d’expérience et celle qui est devenue juriste en droit social crée son propre cabinet, EssKa Consultants. Elle le spécialise en droit et politique de formation et de certification. Ce faisant, « j’ai développé une compétence rare, dit-elle. Je ne me contente pas de définir une filière de formation. Je l’associe fortement à sa valeur d’usage et à un processus de certification. Et croyez-moi, ce n’est pas simple. » Elle travaille pour de grands groupes publics et privés, pour des branches professionnelles et des ministères.

Revenir à ses amours

Cette carrière réussie ne l’empêche d’en imaginer une autre. Est arrivé le temps de tirer parti de son expérience professionnelle. De la mettre au service de cette créativité qui est en elle depuis toujours. D’utiliser son expertise en droit du travail pour monter une entreprise pérenne, juste et inventive.

Saïma K. Crédit photo: Pierre Vallet

Saïma K. se remet en selle, suit des cours à l’Institut Français de la Mode. Elle revient aux tissus, au taffetas, au coton, à la cretonne, au velours, à imaginer des robes, des pantalons, des sweats. Le design va dans les détails : les cols, les manches, les ceintures….  Elle veut proposer du vraiment créatif et du vraiment portable. « Porter une tenue qui nous correspond vraiment nous donne de l’énergie. On se sent bien. » Quasiment une ordonnance.

Son atelier est à la Manufacture, à Sceaux. Son installation une fois de plus, précise-t-elle, « est le fruit de belles rencontres, celles de Christiane Gautier et de Florence Presson. » Chez Saïma K. la reconnaissance est un impératif catégorique.

Si vous allez la voir, commencez le dialogue en demandant simplement : « Et pour moi, qu’est-ce que vous pouvez me faire ? Comment me voyez-vous ?»

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 25 novembre 2022

    Maurice, vous êtes un faiseur de miracles. À lire tous vos portraits, c’est clair, j’ai raté ma vie !
    Bravo. On en redemande.

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