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Trottoir or not trottoir

Qu’est-ce qu’un trottoir ? Telle est la question. Figurez-vous que le site très officiel de l’Administration signale une jurisprudence qui intéressera les piétons. « Un automobiliste a été condamné par le tribunal de police de Toulon à 150 euros d’amende pour stationnement très gênant sur un trottoir. » Rien d’extraordinaire à cela. Sauf que l’automobiliste s’est pourvu en cassation et que sa demande a été rejetée. Sa condamnation à 150 euros d’amende a été confirmée.

Ce qui est important en l’occurrence, c’est l’argument que l’automobiliste a avancé pour se pourvoir en cassation : « Il n’y avait pas de trottoir, mais un simple passage assimilable à un accotement. » Or la « Cour de cassation a jugé qu’un trottoir est une zone principalement affectée aux piétons et longeant une voie réservée à la circulation des véhicules, sans autre particularité. » En d’autres termes, « il n’est pas nécessaire que la zone réservée aux piétons soit surélevée. L’important est que les deux zones soient nettement différenciées par une bordure ou tout autre marquage ou dispositif. »

Tout ceci semble frappé au coin du bon sens. Sauf que.

Hélas, l’Académie française !

Dans son édition de 1694, le dictionnaire de l’Académie française définit le mot Trottoir de la façon suivante : « Terme bas & populaire, qui n’a guère d’usage qu’en cette phrase proverbiale. Cette fille est sur le trottoir » pour dire, non ce que vous pensez, mais qu’elle est à marier.

Dans son édition de 1740, un sens nouveau apparaît : « Chemin élevé, que l’on pratique quelquefois le long des quais & des ponts, pour la commodité des gens qui vont à pied. Les Trottoirs du Pont-neuf. »

Dans celle de 1878, tournant majeur, la surélévation disparaît. Le trottoir devient : « Partie des rues, des quais, des chemins, réservée pour les piétons […] La plupart des rues de Paris sont garnies de trottoirs. » Paris, toujours Paris.

Dans cette édition, on remarque qu’au figuré (et familièrement) « Être sur le trottoir », signifie « Être dans le chemin de la considération, de la fortune. » Cette locution a vieilli dit le dictionnaire qui la distingue précisément d’une autre, très voisine, « Faire le trottoir » qui apparaît alors. On est prévenu.

En 1935, on surélève à nouveau : « Espace surélevé ménagé sur le côté d’une chaussée, d’un quai, d’une rue pour le passage des piétons. Toutes les rues de Paris sont pourvues de trottoirs. »

Sur son site, l’Académie n’évoque pas de mise à jour depuis. Entre l’époque de la Citroën Rosalie, de la Hotchkiss 412 et aujourd’hui, c’est le silence. Si on avait voulu insister, on aurait dit : silence assourdissant. Mais nous ne sommes pas du genre à insister.

Tous les espoirs sont permis

Revenons à la décision de la Cour de cassation : « Il n’est pas nécessaire que la zone réservée aux piétons soit surélevée. L’important est que les deux zones soient nettement différenciées par une bordure ou tout autre marquage ou dispositif. »

Qu’on réalise ! Ce n’est pas un fossé, c’est un ravin qui sépare ce que dit la Cour et ce que définit notre Académie de référence. Irons-nous au clash ? A la Gazette, nous ne le croyons pas, mieux nous ne le voulons pas. De notre côté est l’espoir. Selon des sources (non autorisées qui souhaitent par chance rester anonymes), le Conseil National de Sécurité Routière (CNSR) prépare actuellement une définition juridique du trottoir.

Force d’interposition, force de paix, la Gazette de Sceaux croit en une convergence. D’une part, la 9e édition du dictionnaire de l’Académie française est en cours de rédaction. Tout est donc possible, tout est ouvert. Pourquoi, au nom de quel principe, ne prendrait-elle pas en compte le fait que : « Dès lors qu’un véhicule est garé sur la partie latérale de la chaussée, si celle-ci est nettement différenciée de la partie centrale, il est considéré comme garé sur un trottoir et doit donc être considéré en stationnement très gênant. »

Oui, pourquoi ?

Votre Gazette s’honore de collecter les supplications que vous voudrez adresser à l’Académie.

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