Les changements de vie radicaux fascinent d’autant qu’ils sont rares. Ainsi, abandonner une situation confortable pour se lancer dans une aventure qu’on estime mieux en accord avec des convictions. On dit alors qu’on va au bout de soi-même. Quand Corine Chalard parle de Les ateliers du bourgeon, la microentreprise qu’elle a créée voilà 18 mois, elle évoque une sorte de révélation. Elle est alors cadre dans une grande entreprise. Elle est responsable des contrats commerciaux, de leur rigueur et de leur suivi, en accompagne les changements lors des fusions ou des acquisitions. Elle travaille au siège, elle est au cœur du business. Elle va décider d’y mettre un terme.
La révélation en 2019 fut précédée de signaux faibles. L’année précédente, dans la résidence d’Asnières où elle habite alors avec sa famille, la convivialité est grande. On organise de petits événements entre voisines. On partage. C’est ainsi qu’elle apprend l’existence de produits ménagers fabriqués par soi-même : des gels, des lessives. Elle devait avoir en elle une sensibilité particulière : ça la touche.
Son couple a chancelé. Elle s’installe avec ses deux filles à Antony. Elle se rapproche de son emploi d’alors. Son aînée peut s’inscrire à Lakanal, spécialité théâtre, la cadette à l’EDIM, l’école de musique de Cachan. On a la fibre artiste dans la famille. Elle redécouvre le sud des Hauts-de-Seine, bien plus vert que le nord. « C’est franchement mieux. »
Nous sommes en 2019. Elle veut changer d’entreprise. Elle a une piste. Pas sûre mais probable. Mais quelque chose en elle la pousse à tout recommencer. En faisant ses courses, elle entre dans le Day-by-day. Elle trouve le vrac intelligent, nécessaire, urgent. Tous ces gâchis la heurtent. Elle voit au fond du magasin un tableau noir avec toute une liste d’ateliers. Elle s’inscrit à tout ce qu’elle peut. Elle apprend comment fabriquer soi-même tout un ensemble de produits de la maison. Elle comprend comment éviter les déchets.
Pendant les vacances d’été, elle dévore la littérature sur le sujet. Un livre l’a particulièrement marquée : La famille (presque) zéro déchet de Jérémie Pinchon, illustré par Bénédicte Moret. Elle trouve le livre vivant, convaincant et surtout concret. Ses lectures l’ont boostée. Elle en avait sans doute besoin. Elle décide d’abandonner son statut de salariée. Elle se veut se lancer.
Ateliers du Bourgeon
Elle ne connaît rien à l’épicerie en général et au vrac en particulier. Elle ne connaît pas plus les fabrications de produits maison. Mais elle a envie. Elle apprend sur le tas, chez elle, avec des amies.
Elle cherche un accompagnement d’entrepreneurs et trouve un organisme à Antony. Mauvaise pioche. Ils ne connaissent rien au sujet, mais ils ne le disent pas. Pire, ils tiennent des discours généraux qui dissimulent les actions à mener réellement. Heureusement, ils ne la rappellent pas. Elle a évité de s’enliser dans des banalités démobilisatrices.
Surtout, elle trouve la Maison des entrepreneurs à Fontenay-aux-Roses (les Scéens la connaissent bien). Elle y trouve écoute et savoir-faire, elle y trouve des compétences différentes et complémentaires : celles de la Chambre de commerce, de Hauts-de-Seine initiative, de Pôle emploi, celles de comptables, de montage de dossier bancaire. Elle en tire aujourd’hui la leçon que, pour se lancer, l’accompagnement (par les bonnes personnes) est vraiment indispensable. « Le refuser serait une erreur. En même temps, il faut un bon degré d’autonomie. Et ne pas tout attendre de l’accompagnement. Celui-ci ouvre des pistes, il ne fait pas tout le chemin. A chacun de savoir avancer de sa propre initiative. »
Elle bénéficie de formations à la gestion d’entreprise, de coaching de son projet. Elle observe le marché, en suit les composantes. Elle participe à un salon à Bruxelles qui va beaucoup l’orienter. Elle comprend que deux possibilités se présentent à elle : se lancer dans l’aventure d’un magasin, en l’occurrence prendre une franchise ; ou se lancer dans les ateliers. Cette seconde possibilité existe par elle-même ; elle vient de le découvrir et cela l’attire. Le zéro déchet est une nouvelle culture. Elle demande donc à être accompagnée. « Je me retrouvais ici, e en terrain connu. Toutes mes années en entreprise me servaient. ». L’accompagnement du changement est un sujet sur lequel elle est intarissable.
Elle commence par se former elle-même. C’est la période du confinement. Elle apprend à coudre à la machine. Elle ne vise pas le vêtement, ni le sophistiqué, il est question de lingettes, de petits accessoires textiles et bien sûr…. des masques (souvenez-vous c’était le moment où il en manquait). Elle apprend à fabriquer des produits ménagers, des cosmétiques. A la fois autodidacte acharnée et avide de formation (comme celles de la Cosmeteuse), elle affine son projet et entame une démarche en direction de partenaires potentiels.
Elle conçoit des ateliers, les structure en offre. Elle vise les épiceries vrac en création ou en fonction, les ressourceries, les collectivités locales soucieuses de développer des pratiques zéro déchet parmi les habitants. A Sceaux, elle trouve le soutien de Florence Presson qui lui confie un atelier. Le Territoire Vallée Sud Grand Paris lui fait également confiance pour participer à ses actions Défis Zéro déchet. Un guide est disponible ici et la démarche générale, là. Elle s’engage. C’est parti.
Une bulle de bien-être
Entre septembre 2021 et juin 2022, donc à peine un an, elle aura animé 56 ateliers et formé presque 300 personnes. Les ateliers qui marchent le mieux ? « En Cosmétique : la Chantilly Karité, avec la découverte d’une crème simple pour le corps et les cheveux, et les produits pour le corps. En Ménager, c’est la pierre d’argile qui est souvent une découverte, pourtant produit déjà utilisé par nos grands-mères et qui nettoie quasiment tout dans nos maisons. Côté Couture, les lingettes, celles qui dispensent d’acheter des cotons de démaquillage. » Corine Chalard n’a pas hésité à s’équiper de 8 petites machines à coudre pour développer son atelier.
Quel public ? Essentiellement des femmes (qui s’en étonnera). Elles sont entre 25 et 50 ans. Elles travaillent (les ateliers ont lieu le soir ou le week-end). Leurs motivations sont de trois ordres : pour certaines, c’est l’engagement environnemental, la conviction qu’il faut agir, chacun à son niveau, mais sans tarder. Pour d’autres, c’est le souci de santé avec la volonté d’utiliser des produits sains, pour les enfants en particulier, avec aussi la méfiance vis-à-vis de composés chimiques. Pour certaines enfin, l’objectif est de fabriquer elles-mêmes pour payer moins cher ; l’inflation accentuera sans doute ce besoin d’économie.
Les deux heures d’atelier, elle les décrit comme « une bulle de bien-être ». C’est sa perception du ressenti des participantes. La fierté de fabriquer.
Étendre l’activité
Maintenant, son objectif est de croître et pour cela de toucher plus de collectivités, de participer à plus de démarche Défi zéro déchet, plus de ressourceries des centres culturels et sociaux. Elle a déjà acquis une expérience significative. Elle veut en faire un levier.
Il y a les magasins comme Day-by-day déjà cité, Planète Vrac à Bourg la Reine, O fur et à Mesure à Châtenay, Mademoiselle vrac ou Biocoop. Ils sont en pleine expansion. La volonté de consommer mieux tout en faisant des économies, la sensibilité croissante à la problématique du zéro déchet sur laquelle surfe la vente en vrac. La presse en fait état, la demande connaît une croissance fulgurante depuis une dizaine d’années.
Depuis un an, Corine Chalard a pu mesurer que les ateliers changent les comportements. Les participants diminuent réellement leur production de déchets qu’ils relèvent de l’incinérable ou du recyclable. On pourra trouver tout ceci bien modeste, mais on pourra aussi saluer que des compétences existent et qu’augmente la prise de conscience citoyenne. Et pour lui donner plus de corps, on pourra se dire que le besoin en formation prend toute son importance.
Pour en savoir plus
https://www.instagram.com/ateliers_du_bourgeon/?hl=fr
https://www.facebook.com/ateliersdubourgeon/
La liste des ateliers est publiée chaque début de mois sur ses réseaux sociaux, sur l’agenda du site internet de la ville de Sceaux ainsi que dans Sceaux Mag.
Ville de Sceaux (Manufacture)
18/09/22 – 15h17h : Lingettes
16/10/22 – 15h-17h : Sac à vrac
26/10/22 – 15h-17h : Charlotte couvre plat
11/12/22 – 15h17h : Furoshiki (emballage cadeau)
L’Ile aux Ressources (Recyclerie de Sceaux)
01/10/22 -15h-16h15 : Lessive
19/10/22 – 19h30-20h45 : Gel douche
19/11/22 -15h-16h15 : Déodorant peau sensible
09/12/22 – 19h-20h15 : Chantilly de karité
Nouveau partenaire Ressourcerie La Mine (Arcueil-Cachan)
2 ateliers par mois : 2ème samedi et 3ème jeudi