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Communication de guerre : s’informer quand même

L’invasion de l’Ukraine par les forces russes donne lieu à une importante bataille de communication. Dans cette bataille, il est toujours difficile de démêler le vrai du faux, l’important et le négligeable. Par exemple, dimanche, il a été affirmé que Poutine venait de limoger son chef d’état-major. Cette information a ensuite été démentie. Vous voyez la vidéo d’un drone bombardant une cible : comment savoir si elle a été prise là ou ailleurs, ou même si elle ne vient pas d’un jeu vidéo?

La communication sur le terrain

L’un des enjeux majeurs est la motivation des combattants. Si vous pensez que votre camp est en train de perdre, il devient plus important de sauver votre peau que de chercher à repousser la défaite de quelques heures.

Il semble que le plan de Vladimir Poutine consistait à atteindre la capitale en quelques jours, à arrêter les membres du gouvernement et à mettre en place un gouvernement ami. Les dirigeants russes ont même appelé l’armée ukrainienne à renverser le président Zelensky. Ce plan conduisait en théorie à des pertes mineures pour les envahisseurs. Il reposait sur l’idée que les Ukrainiens étaient divisés et peu en soutien de leur gouvernement, que leur armée était beaucoup plus faible que l’armée russe et ne tiendrait pas longtemps.

L’Ukraine résiste au contraire. Et toute sa communication a pour objectif de montrer au combattant plus ou moins isolé que son combat n’est pas vain, car les autres combattants se battent et se battent efficacement. D’où les discours répétés du président Zelensky resté dans la capitale. D’où la mise en avant d’images locales : ici une colonne russe détruite, là un agriculteur en train d’emmener un char…

Apparemment le pouvoir russe a une stratégie inverse : il donne très peu d’informations à la population sur ce qui se passe. On demande aux combattants d’obéir aux ordres. Et on continue la pratique consistant à ne pas prévenir les familles si un soldat est tué.

Pour l’instant, les forces russes sont sur les routes, où elles ont l’avantage. Mais que va-t-il se passer dans les villes ? Si les Ukrainiens résistent avec des armes antichars et autres, les envahisseurs vont avoir de lourdes pertes. Les résistants encore plus, qui vont aussi voir leur pays progressivement détruit. Une vidéo montre déjà des bombardements sur les logements de la ville de Kharkiv. Depuis le Vietnam et l’Afghanistan, on sait que les conflits asymétriques qui durent sont rarement favorables au plus puissant. Mais qu’ils font énormément de victimes.

Les conséquences de ce conflit sont déjà importantes. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a prononcé au Bundestag un discours qui marque un tournant dans la politique du pays et où il acte notamment un investissement de 100 milliards d’euros pour équiper la Bundeswehr. La Finlande et la Suède ont réaffirmé leur droit à adhérer à l’OTAN. L’UE a décidé très vite d’envoyer des armes à l’Ukraine. Des sanctions économiques ont été prises contre la Russie, mais aussi contre ses dirigeants.

A suivre

Sur Twitter, un spécialiste de l’armée russe a donné une liste de comptes qu’il considère comme fiables et compétents : journalistes ou experts divers. On trouve notamment dans la liste Michel Goya, très récemment retraité avec le grade de général : titulaire d’un doctorat en histoire moderne, ancien enseignant à l’école militaire, à Sciences-Po, à l’IRIS et à l’EPHE, il tient un blog spécialisé dans l’histoire militaire et l’analyse des conflits.

Sur Twitter également, ce compte diffuse énormément d’informations sur le conflit. Cela l’amène quelquefois à diffuser des fakes mais il corrige assez rapidement et le signale.

On peut également citer d’autres spécialistes comme Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et conseiller scientifique auprès du Haut-commissaire au Plan ou encore Thomas Gomart, historien des relations internationales, et directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI) et enfin Pierre Grosser, historien des relations internationales et spécialiste des enjeux mondiaux contemporains. Les trois sont présents sur Twitter.

Et pour finir, Anna Colin Lebedev, dont la thèse de doctorat abordait, notamment la place du soldat dans l’armée russe post soviétique. Elle a un site et s’exprime sur Twitter. Elle a été interrogée par le Monde le 28 février.

Un bel exemple de la communication conçue comme un outil de la bataille, c’est le rapprochement entre les quatre photos ci-dessous, de chaque président avec son ministre de la Défense, ou les mêmes avec plus de monde. On comprend immédiatement lequel est le plus proche de ses concitoyens.

Zelenski et son ministre de la défense
Poutine avec son ministre de la Défense et son chef d’Etat-major
Poutine en conseil
Zelensky avec des soldats

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 11 mars 2022

    Merci Gérard pour cette mise au point. Comme souvent j’ai péché par paresse, restant superficiel et approximatif, ne prenant pas le temps d’exprimer ma pensée.

    Évidemment et comme toujours Gérard a été très explicite. Il n’empêche que je ne puis accompagner complètement cette présentation de cette horrible situation car, comme presque tout ce qu’on entend et lit à ce sujet, elle se laisse conduire presque inévitablement sur une ornière manichéenne et binaire : il y a les Russes d’un côté et les Ukrainiens de l’autre.
    C’est-à-dire qu’on oublie de dire qu’il y a d’autres « camps » possibles.

    Par exemple en Russie, il y a ceux, nombreux derrière Alexeï Navalny, à ne pas accepter de choisir l’un ou l’autre camp mais sont résolus à exprimer une troisième voie contre la politique de Poutine, en particulier guerrière. Ce que l’on sait des mesures prises par celui-ci pour les combattre sur le territoire Russe montre assez que cette opposition n’est pas marginale.
    Il n’est pas impossible qu’il y ait une semblable opposition en Ukraine contre la résistance désespérée choisie par Volodymyr Zelensky. J’imagine bien qu’ils ne s’expriment guère actuellement ne pouvant être entendus que comme des traîtres à la patrie.

    Et je m’abstiendrai, en l’occurrence, de prendre parti. Sauf contre la guerre.

    Quand l’Ukraine devra se rendre, exsangue, car l’issue ne fait aucun doute (au-delà des grandes déclarations; ni les Européens ni les États-Unis ne s’engageront dans le conflit de leur propre initiative – Vladimir le sait bien), qu’est-ce que les Ukrainiens auront gagné ?
    Rendre les armes n’est pas déshonorant.

  2. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 10 mars 2022

    Non, il ne « faut » pas : nous sommes en démocratie, et chacun fait ce qu’il veut !

    J’ai relu le texte, et je me suis demandé à quel moment j’ai « choisi mon camp »;
    Naïvement, je pensais avoir surtout était descriptif;
    Quand j’ai écrit (1ère ligne) que les forces russes ont envahi l’Ukraine. est ce faux?

    Mais il est vrai que parler de certains points (par exemple évoquer les futures victimes) plutôt que d’autres (la recherche par l’Ukraine d’alliances avec les occidentaux) peut ne pas être considérée comme neutre

    PS : c’est la phrase  » Si vous pensez que votre camp est en train de perdre » qui a fait penser à Jean-Claude que je choisissais mon camp; mais dans le texte, le « vous renvoie au mot « combattant » dans la phrase précédente : il est donc uniquement descriptif

  3. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 10 mars 2022

    Faut-il vraiment « choisir un camp » comme le fait cette prise de position ?

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