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Sécurité pour les cyclistes

Entendu au conseil municipal

Le conseil municipal du 8 octobre a abordé la question des subventions pour les vélos électriques. Depuis 2011, la mairie accorde une subvention à tout Scéen achetant un vélo électrique et en faisant la demande. Cette politique a d’abord été modifiée en 2018, quand l’État a accordé une aide pour le même objet, sous condition de ressources, puis quand la région s’y est mise à son tour. La subvention de la ville est aujourd’hui déduite de celle de la région, mais il faut faire un dossier pour les deux instances. L’équipe municipale a donc proposé de modifier son aide pour la centrer sur les accessoires « d’aide à l’achat d’accessoires sécurisants et facilitant la pratique du vélo« . Elle a également observé une très nette augmentation du nombre de demandes passées « de 2 à 3 par mois à une vingtaine » (on trouvera ici un historique du nombre d’aides accordées) .

Les élus de Sceaux Ensemble ont critiqué la proposition sur deux points. Ils ont fait observer que la plupart des dossiers concernaient des vélos haut de gamme et donc ont proposé de mettre une condition de ressources (ce qui a été refusé car « trop compliqué »).

En économie, on sait qu’une mesure, incitative à une dépense donnée, profite presque toujours en partie à des bénéficiaires qui auraient fait la dépense de toutes manières. Cela s’appelle l’effet d’aubaine. Dans le cas de la subvention de Sceaux, on peut craindre que l’effet d’aubaine soit massif et que donc l’aide n’atteigne pas son objectif affiché (inciter à l’achat) mais soit seulement une aide déguisée à des personnes qui n’en ont pas vraiment besoin.

Débat sur la sécurité

Le deuxième point soulevé est celui de la sécurité des cyclistes. Le texte soumis au vote donnait la liste des accessoires subventionnés : antivol pour vélo, casque de cycliste, gants de cycliste, gilet de sécurité/visibilité, vêtements de pluie pour cycliste (cape/veste de pluie et pantalon), caddie à provisions pour vélo, siège enfants et remorques.

Pour les intervenants, l’augmentation du nombre des pratiquants augmente les risques de sécurité et il faudrait donc développer de vraies pistes cyclables. D’autant que les objectifs pour le climat conduisent à prévoir de nouvelles augmentations dans ce domaine (triplement d’ici 2030 d’après F Bernard), alors que la piste cyclable de la coulée verte approche la saturation.

Le maire a longuement répondu. Les « vrais cyclistes » n’ont pas peur d’aller sur la route et de bloquer les voitures. Le problème des trajets vélos dépasse largement les limites de la commune. Pour faire des pistes cyclables, il faudrait supprimer les places de stationnement. Les élus d’opposition sont ils prêts à se mettre à dos les électeurs automobilistes ? Chiche ?

En rentrant chez moi après avoir écouté cet échange, j’ai croisé deux jeunes en skate, l’un sur le trottoir, l’autre au milieu de la chaussée. Sans aucune protection, avec des vêtements sombres. De nuit.

L’après midi même, j’avais parcouru à vélo la rue Houdan entre Robinson et la place Charles de Gaulle. Et j’avais fait le constat du problème. L’ancienne séparation claire entre un trottoir réservé aux piétons et une chaussée consacrée aux véhicules (y compris deux-roues) est en train d’imploser. Avec tous les risques que cela comporte.

Quelle part de la circulation ?

La fédération des usagers de la bicyclette estimait à 2 % la part du vélo dans les déplacements en 2012. De son côté, l’Insee considérait qu’en 2015, 2 % des actifs allaient travailler à vélo. On observe une forte augmentation de l’usage du vélo après le confinement, estimée à + 50% dans les grandes villes.

Une très récente rencontre à Amiens a permis de faire le point du plan vélo. L’objectif de celui-ci : 12 % de part modale pour le vélo en 2030. Un taux 4 fois plus élevé que ce qu’on observe aujourd’hui, mais égal à ce que connait l’Allemagne. Lors de la dernière enquête nationale sur les déplacements, menée en 2007-2008, le vélo représentait 2,7 % du nombre de déplacements pour une part de la mortalité routière de 3,4 %.

Les données de la sécurité routière

Le schéma ci-contre donne la répartition des décès de la route selon le type d’utilisateurs.

Le rapport 2018 de la sécurité routière précise :

  • Les cyclistes constituent la seule catégorie d’usagers dont la mortalité présente une hausse pour la troisième année consécutive avec une légère augmentation de + 1,2 % par rapport à 2017.
  • Il s’agit de la seule catégorie dont le nombre de décès en 2018 (175) est supérieur à celui de 2010 (147), en augmentation de + 19,0 %.
  • En 2018, 61 % des cyclistes tués ou blessés l’ont été lors de trajets de type « promenade ou loisirs ».
  • Le risque pour un cycliste d’être tué par heure passée dans la circulation est 3 fois plus élevé que pour un automobiliste mais 10 fois moins que pour un usager de deux-roues motorisé
  • Le risque d’être gravement blessé est 16 fois plus élevé que pour un automobiliste mais 8 fois plus faible que pour un usager de deux-roues motorisé.
  • Les blessures les plus graves touchent la tête.
  • En 2018, la classe d’âge des 65 ans ou plus (20 % de la population) représente 41 % de la mortalité cycliste alors que sa part dans la mortalité générale, tous usagers confondus, est de 26 %. Les cyclistes tués ou blessés sont pour 77 % des hommes.
  • La gravité hors agglomération (12 cyclistes tués pour 100 cyclistes blessés) est cinq fois plus élevée que celle en agglomération.
  • Les voiries en agglomération concentrent 82 % des accidents impliquant un cycliste mais 47 % de leur mortalité.
  • Entre 2013 et 2017, sur 790 cyclistes tués et 20 092 cyclistes blessés, au moins 38 % d’entre eux ne portaient pas de casque.
  • Une étude montre que le risque est divisé par 2 pour la fracture crânienne et par presque 20 pour les lésions neurologiques avec le port du casque dans le cas d’un cycliste circulant à une vitesse entre 15 km/h et 25 km/h et chutant lors de l’ouverture d’une portière d’un véhicule à l’arrêt.
  • Dans le cas du heurt latéral d’un cycliste par un véhicule de tourisme circulant à 45 km/h, cette étude montre aussi que le risque de fracture crânienne est divisé par 3 par le port d’un casque de protection.

Quelles perspectives ?

Les cyclistes représentent une part faible des accidents de la route, essentiellement parce qu’ils représentent une part faible des déplacements. C’est aussi la seule catégorie pour laquelle le nombre de décès augmente.

Si on met en place une politique pour favoriser le développement du vélo (ce qu’affirme faire la mairie avec ses subventions à l’achat) et a fortiori si on observe une forte augmentation de l’utilisation (hausse brutale de la demande d’aide), il est temps de penser aménagement.

Après tout, la question de l’aménagement de l’espace public est certainement plus au cœur des responsabilités d’une municipalité que la question des subventions à des achats individuels.

Comment aménager l’espace pour permettre les différents usages (piétons, automobiles, cyclistes, voire trottinette ou skate) ? La question est complexe parce qu’il faut partir d’un existant qui a distingué globalement les véhicules à moteurs et les piétons. Séparer les voies cyclistes et celles pour les automobilistes par une marque sur la chaussée n’est évidemment pas à la hauteur du problème.

La meilleure méthode pour aborder la question est probablement de se projeter dans 30 ou 40 ans en se demandant comment cela pourrait fonctionner, puis de rechercher comment progresser vers la solution envisagée à long terme.

Par exemple, on peut imaginer qu’il n’y ait plus de voitures en stationnement sur la chaussée dans l’avenir. Mais il faudra probablement encore permettre à des véhicules à moteur de charger ou décharger.

Faut-il pour atteindre cette solution prévoir plus de parkings souterrains ou parier au contraire sur une disparition progressive des véhicules individuels ?

Par ailleurs, faut-il imaginer des solutions différentes selon les axes : ceux qui sont aujourd’hui assez larges pour pouvoir y implanter trois espaces différents, et ceux qui devront être réservés à un ou deux usages seulement, et lesquels ? La réflexion ne doit-elle pas d’abord commencer au niveau de la région (les RER vélos) et ensuite continuer au niveau du territoire ?

Justement, le territoire Vallée Sud Grand Paris auquel appartient la ville de Sceaux travaille actuellement son P.C.A.E.T. (Plan Climat Air Énergie territorial). L’un des projets phares envisagé s’intitule « Développer les infrastructures et la culture vélo sur l’ensemble du territoire. Le maire aurait pu en parler.

Et vous, vous en pensez quoi ?

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  2. Hélène Loup Hélène Loup 19 octobre 2020

    Merci pour cette analyse fine et objective du sujet. Elle confirme un vécu.
    En outre, faute de pistes dédiées, les trottoirs deviennent des endroits où les piétons ne sont plus en sécurité, ni la rue piétonne.
    Quant à la place de Gaulle, si le projet aboutit, ce croisement de deux voies départementales devrait devenir, selon la municipalité un lieu de « circulation apaisée », où bus (3 lignes, fréquence de chacune 5/10mn), camions, voitures, motos, vélos, sans oublier trottinettes et planches à roulettes, seront mélangés.

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