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Quels objectifs pour l’opposition municipale (2/2)?

Un précédent article exposait les façons dont des conseillers municipaux d’opposition perçoivent leur rôle au sein du conseil dans les communes de Bourg-la-Reine, Châtenay-Malabry, Fontenay-aux-Roses et Sceaux. Ils en exprimaient surtout les limitations en les associant aux pratiques des majorités.

Dans ces conditions quels objectifs peuvent se donner des élus d’opposition, qui avaient défendu un programme alternatif lors des élections ?

Rappelons que le code général des collectivités territoriales, qui réglemente les prérogatives de chacun, est pensé pour que les majorités puissent agir, que les oppositions soient d’accord ou non. La droite et la gauche ont voté dans ce sens au Parlement.

Pour aider à situer les oppositions dans leur volonté de participer, la Gazette a proposé aux élus participant à l’enquête une grille d’analyse : « Recherche de compromis », « Contrôle et obligation de transparence », « Critiques des projets et défense d’un contre-projet », ou, dans une logique de « défiance, accusation et dénonciation d’intentions, présomption d’illégitimité ».

Rechercher des compromis

Si les élus de la majorité et ceux de l’opposition ont été élus sur des projets différents, ils ne l’étaient pas forcément sur tous les points. Donc, un certain nombre de projets en délibération sont votés à l’unanimité. La Gazette a pu le constater lors d’un conseil municipal à Sceaux

Les séances publiques du conseil municipal, si elles sont un lieu de débats, ne peuvent pas être un lieu de construction de compromis. Pour une raison simple : on ne peut y voter que des délibérations dont les élus ont été informés 5 jours au moins avant la séance. Une anecdote l’illustre : lors d’un conseil municipal à Sceaux, les élus ont été confrontés à deux propositions de texte de soutien à propos du stade du lycée Marie-Curie. Ils ont convenu de se mettre d’accord sur un texte. Celui-ci a ensuite été élaboré en commun hors séance et n’a été présenté au vote qu’à la séance suivante.

Si les éventuels compromis ne sont pas élaborés en séance, on peut imaginer qu’ils peuvent l’être en commission. A écouter les responsables de l’opposition réunis par la Gazette, ce n’est pas le cas. L’opposition utilise plutôt les commissions (qui se déroulent le plus souvent quelques jours avant les séances publiques) pour tenter d’obtenir les informations qui leur semblent manquer. Mais on ne voit pas comment les commissions pourraient être un lieu de construction de compromis si elles sont liées à l’ordre du jour d’une séance du conseil dont les projets de délibération sont déjà publiés.

Finalement, les occasions de s’écouter vraiment se trouvent ailleurs. Liliane Wietzerbin explique qu’elle a pu obtenir une augmentation substantielle du budget participatif en allant expliquer sa position au maire de Sceaux.

Enfin, on notera que pour qu’il y ait des compromis entre opposition et majorité, il faut que les deux parties en aient la volonté. Pourquoi la majorité le chercherait-elle alors qu’elle n’en a pas besoin pour faire passer ses projets de délibérations ? Un élu de Châtenay-Malabry note même qu’un des vœux portés par l’opposition et refusé par la majorité a été repris par elle quelques mois plus tard. La majorité considère qu’elle a été élue pour appliquer son programme et non celui  de ses opposants. Et qu’elle n’a pas à négocier des compromis avec des personnes qui veulent prendre sa place !

Exercer un contrôle

QUE DIT LA LOI ? La loi n° 92-125 du 6 février 1992 a été la première à prévoir pour les habitants des communes un droit à être informés des affaires de celle-ci, dans un article 10 abrogé depuis. Aujourd’hui, le code général des collectivités territoriales prévoit dans son article L2121-12 l’obligation d’adresser aux élus, dans les communes de 3500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération avec la convocation aux membres du conseil municipal.

Dans nos 4 villes, l’ensemble des documents envoyés (projets de délibération et notes explicatives pour tous les sujets à l’ordre du jour) représente généralement plusieurs centaines de pages à chaque conseil municipal. Un dossier épais ne garantit cependant pas que toutes les informations importantes y figurent. D’autant plus que la majorité et l’opposition n’ont pas forcément la même vision de ce qui est important.

Un article de la revue Pouvoir analyse ce droit à l’information.

« C’est en matière financière et contractuelle que le législateur est le plus exigeant. Le débat d’orientation budgétaire préalable à l’examen du projet de budget, les documents détaillés annexés au budget et au compte administratif, et disponibles suffisamment à l’avance (douze jours pour les conseils régionaux et généraux) doivent permettre à tout élu de se prononcer en connaissance de cause. De même les contrats et marchés de service public doivent faire l’objet d’une information complète et préalable. »

Le risque de détournement ou de corruption a toujours fait l’objet d’une attention particulière par le législateur. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait prévu spécifiquement une information concernant les appels d’offres et les marchés. Mais là aussi, l’opposition peut estimer qu’elle n’est pas suffisamment informée :

« En ce qui concerne les appels d’offres, l’opposition n’est informée que par résumés. Il est donc très difficile de se faire une idée précise de la pertinence des choix. Les négociations avec les prestataires choisis ne sont pas communiquées » (Stéphane Dieudonné).

Gilles Mergy souligne l’utilité des formations reçues par les élus en début de mandat pour comprendre la manière dont sont construits les comptes communaux.

Critiquer un projet et défendre un contre-projet

Le penchant naturel des élus d’opposition qui ont défendu un projet devant les électeurs est de présenter une alternative aux propositions de la majorité. C’est aussi pour les élus de l’opposition un moyen de préparer le programme qu’ils présenteront au scrutin suivant. Il est clair que la présence de l’opposition dans les conseils municipaux apporte une connaissance des dossiers que cette opposition saura utiliser si elle remporte les élections suivantes.

Mais défendre un contre-projet au conseil municipal ne peut suffire : les citoyens qui assistent au conseil municipal se comptent généralement sur les doigts de deux mains. Plusieurs des présents à la réunion défendent l’idée de filmer et diffuser les débats en temps réel, comme il a bien fallu le faire pendant le Covid.

Quels lieux d’expression et d’action ?

Le site internet est un moyen de communication qui s’est imposé. « Nous avons un site, dit Liliane Wietzerbin, où nous exposons nos idées, nous organisons régulièrement des réunions publiques et lançons de temps en temps des pétitions sur des sujets particuliers ».

Auprès des citoyens, l’opposition disposent des outils déjà évoqués : tribunes dans le journal municipal, lieux d’expressions propres (Internet permet de s’exprimer à coûts réduits), manifestations, pétitions…

Auprès du juge, on distinguera la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) déjà évoquée du tribunal administratif pour d’éventuels recours si les conditions sont réunies (voir ici ).

Période électorale

Le positionnement va évoluer à l’approche des élections : cette perspective modifie les stratégies des uns et des autres. Bien entendu, il faut commencer à insister sur les éléments du futur programme que l’on défendra. Et parfois réviser sa position, comme on l’a vu récemment avec deux conseillers municipaux quittant la majorité à Bourg-la-Reine. On l’a compris, à un an des municipales, celles-ci sont dans la tête de tous les élus ou de ceux qui voudraient l’être. Les attitudes désormais sont à comprendre sous cet angle.

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