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Les scouts et la paix

Rencontrer et apprendre à connaître sans a priori les étrangers est un des moyens pour installer une paix durable entre les peuples. C’est la conviction de nombreux mouvements de jeunesse, notamment de celui d’entre eux qui a les effectifs les plus importants dans le monde : le scoutisme. Regards sur des pratiques de membres de la fédération du scoutisme français et de l’organisation mondiale du mouvement scout (OMMS)

Des jeunes adultes français au Burundi

Le site des scouts et guides de France (SGDF) évoque le 9e Jamboree scout africain, qui s’est tenu au Burundi du 2 au 9 août 2024. Titre de la page : la construction d’un monde de paix au Rwanda et au Burundi. Quelques mois avant ce Jamboree, Le Monde titrait sur les tensions entre les deux pays et Vatican news évoquait « des relations tumultueuses ».

Dans l’article des SGDF, un des participants français explique : « J’ai eu l’opportunité de participer à des activités visant à approfondir ses connaissances sur des thématiques essentielles pour le mouvement scout, telles que la paix, le vivre-ensemble ou encore l’interculturalité ». Un autre :

« La rencontre internationale, c’est quelque chose de primordial dans notre société d’aujourd’hui. Si on veut une amitié entre les peuples, il faut savoir discuter et savoir vivre ensemble. Je me dis toujours que des jeunes venant de pays différents, qui ont vécu des rassemblements ensemble, réfléchiront à construire un monde de paix plutôt que de se tirer dessus. »

Le même article relate une autre rencontre 15 jours plus tard. Des participants au projet PLANETE (Côte d’Ivoire, Liban, Tunisie, France, Rwanda) se sont réunis sur un camp qui abordait la thématique « Scoutisme et guidisme, vecteurs de paix et de tolérance ».

Tout cela peut paraître naïf dans un monde de violence. Bien sûr, c’est insuffisant pour construire la paix, mais cela y contribue. Et on disait la même chose quand les Pères de l’Europe, issus de la démocratie chrétienne, ont dit « plus jamais cela » après la fin de la guerre 1939-1945.

Organisation Mondiale du Mouvement Scout (OMMS)

L’OMMS (Organisation mondiale du mouvement scout), fondée en 1922, compte aujourd’hui plus de 57 millions de membres, répartis dans 176 pays. On s’y parle, on s’y rencontre, on échange des convictions et des pratiques, on organise des actions communes, et on s’aide très concrètement.

Les associations adhérentes acceptent sa constitution qui fixe un certain nombre de ces règles du jeu. A commencer par le plus importante, la définition de la méthode scoute. Et plus récemment l’obligation de mettre en œuvre un certain nombre de dispositifs en matière de protection contre les violences faites en jeunes

57 millions de jeunes, c’est considérable. En France, le scoutisme représente un pourcentage faible des jeunes. Ce n’est pas forcément le cas ailleurs : il y a plus de scouts en Belgique ou aux Pays-Bas qu’en France, malgré une population nettement plus faible.

Sa gouvernance est assurée par une conférence mondiale qui se réunit tous les trois ans, pour définir un Plan triennal mondial et élire les 12 membres du comité mondial du scoutisme, organe exécutif du mouvement. La dernière conférence a eu lieu en août 2024 au Caire. Lors des votes, chaque pays a droit à 6 voix. Une Française, Élise Drouet, a été élue à cette occasion. Le président du comité vient de Curaçao, une ile des Caraïbes, les deux vice-présidents viennent respectivement de Hong-Kong et de Suède.

L’association française membre du scoutisme mondial est la fédération du scoutisme français, qui regroupe 6 associations : Éclaireuses Éclaireurs de France (laïcs), Éclaireuses Éclaireurs Israélites de France, Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France (protestants), Scouts et Guides de France (catholiques), Scouts Musulmans de France et les Éclaireuses et Éclaireurs de la Nature (bouddhistes).

Au niveau mondial, les principales religions sont représentées dans le scoutisme.

Le mouvement scout se veut « le mouvement de jeunesse le plus inspirant et inclusif du monde, qui crée des expériences d’apprentissages transformatrices pour chaque jeune, partout. »

Pour la prochaine décennie, il veut contribuer à un monde en paix et inclusif, un monde façonné par les jeunes, un monde durable (stratégie votée au Caire).

Banal, peut-être. Pas plus cependant que certains chartes d’entreprise. Avec une différence majeure : ce n’est pas une définition écrite d’en haut, c’est le résultat d’un long processif participatif pour accorder les délégations de responsables scouts de 176 pays. Que ces 176 délégations mettent l’accent sur la paix, sur le caractère inclusif ou sur la durabilité est loin d’être neutre. Parler d’expériences d’apprentissages transformatrices est d‘une certaine manière plus banal. Après tout, c’est la base du scoutisme !

L’utopie de Baden-Powell, le fondateur du scoutisme était que des jeunes qui avaient fait partie de mouvements communs ne se feraient pas la guerre. Une utopie partagée par Marc Sangnier avec les auberges de jeunesse ou par les promoteurs du programme Erasmus. Comme dit précédemment, ce n’est pas suffisant, mais c’est une contribution utile.

Héros Messagers de la paix

Le prix des Héros Messagers de la Paix a été créé en 2012 pour récompenser les scouts et les bénévoles exceptionnels qui créent un monde meilleur, par leur contribution au développement des communautés, à la promotion du dialogue et de la paix, et à l’aide aux personnes dans le besoin.

Le site de l’OMMS affiche ceux qui ont été récompensés pour 2022. Quelques exemples.

Stéphane Mangi Nduba (République démocratique du Congo). « Par le biais d’activités de consolidation de la paix et de dialogue, Stéphane a permis à plus de 800 membres des communautés katangaise et kasaïenne de se retrouver dans des espaces partagés et de vivre ensemble en paix. »

Mohamad Hammoud (Libye). « Mohamad a mené de nombreux projets dans sa communauté, notamment en coordonnant une campagne de plantation d’arbres dans la Région Arabe, en participant à des collectes de sang, en sensibilisant à la santé pendant la pandémie de COVID-19 et en soutenant les personnes déplacées par le conflit dans la ville de Derna. »

Carolina Arrieta (Costa Rica). « Carolina a participé aux efforts de sa communauté pour assainir une rivière locale, en réduisant la pollution et en améliorant la biodiversité. La rivière est une source importante de subsistance et de bien-être pour les habitants de la communauté de Concepción. »

Johnlhoid Narag (Philippines). « Johnlhoid a lancé un projet de pompes de puits permettant de puiser de l’eau propre pour dix communautés, et il soutient les groupes autochtones en leur apprenant à planter des potagers et à créer de petites entreprises en partenariat avec des agences gouvernementales. »

Rencontrer et écouter

L’OMMS a lancé le programme « Promouvoir le Dialogue pour la Paix » :

« Le dialogue est un outil de transformation qui permet de favoriser la compréhension et d’atténuer toutes les formes de conflit, qu’il s’agisse de désaccords quotidiens, de différences culturelles ou autre. En échangeant nos points de vue, nos connaissances et nos perceptions, nous pouvons être de meilleurs voisins les uns pour les autres. »

Les rencontres internationales sont une occasion privilégiée de rencontre. Plusieurs sont évoquées en début d’article, mais la plus connue est le Jamboree qui a lieu tous les 4 ans : le prochain aura lieu en Pologne en 2027. Mais il existe de nombreux autres rassemblements, occasions de rencontres.

En 2015, 15.000 jeunes de 14 à 18 ans se sont rassemblés à Strasbourg. En majorité de jeunes SGDF, mais aussi des jeunes des autres mouvements du scoutisme français, et des jeunes venus de 28 autres pays.  Des scouts de Sceaux en parlent ici : https://sceaux-lagazette.fr/index.php/2022/06/27/scouts-et-guides-de-france-a-sceaux/

En 2019, ce sont 20.000 jeunes de 11 à 15 ans qui se sont rassemblés à Jambville (Yvelines) pour le rassemblement Connecte . Il y a déjà 18500 inscrits pour le prochain rassemblement “Clameurs !” à Jambville cet été (pour les 14-17 et 17-21 ans).

Conférence du Caire

En août 2024, 1830 délégués scouts de 176 pays ont participé à la 43e conférence mondiale du scoutisme. Olivier Mathieu, ancien délégué général des SGDF (2016-2021), était présent en tant que membre bénévole du groupe stratégie (au niveau Europe et au niveau monde). Il l’a raconté à la Gazette.

Chaque conférence mondiale définit la stratégie du mouvement pour les 3 années suivantes (plan triennal). Une fois sur trois, on y définit la stratégie à 9 ans : c’était le cas au Caire. On y a réaffirmé un certain nombre de choses, qui seront ensuite déclinées dans les plans et dans le programme. Elles sont également déclinées par région (il en existe 6 dans le monde).

Il y a aussi des résolutions conjoncturelles. Par exemple, la conférence a travaillé encore plus fort sur les questions de santé mentale. Aider les jeunes à améliorer leur santé mentale et aussi promouvoir des ambassadeurs à l’extérieur. Il y a des exemples dans des écoles à New Delhi (https://www.scout.org/fr/news/le-scoutisme/pionnier-de-leducation-la-sante-mentale)

Un pays qui considère qu’un thème est important peut proposer une résolution. C’est un des moyens du mouvement pour s’enrichir des actions mises en œuvre dans un ou plusieurs pays. Il y a aussi un important partage des pratiques et des outils mis en œuvre localement. La question de la maltraitance a ainsi été intégrée à la constitution de l’OMMS.

On l’imagine facilement, certains consensus sont plus faciles à construire que d’autres. Par exemple, le transfert du siège mondial de Genève à Kuala Lumpur en 2014 a suscité de nombreuses discussions.

Mise en œuvre

Actuellement, Olivier Mathieu travaille sur le futur plan régional européen. Pour le construire, on s’appuie sur des éléments et pratiques existantes. Mais la construction est participative : on enverra un questionnaire en ligne à toutes les associations nationales. Puis il y aura des ateliers puis des pré-projets seront discutés. Puis un week-end symposium de travail permettra de réaliser la dernière version, laquelle pourra faire l’objet d’amendements pendant la conférence européenne cet été. Mais à ce stade le fond ne change plus globalement.

Chaque pays évalue comment mettre en œuvre les résolution. Ceux qui le souhaitent peuvent bénéficier d’aides. L’échange de pratiques et d’outils bien sûr. Ils peuvent aussi faire appel à des bénévoles qui apportent des outils et aident à se les approprier. Par exemple pour les relations extérieures, la gouvernance, l’impact social, la protection contre les agressions…

La vie pendant la conférence

L’OMMS est à la fois une très grosse organisation mondiale et un mouvement de scoutisme. Les participants peuvent aussi bien aller préparer une intervention à l’ONU et inventer un jeu pour les enfants. On passe de conférences multi traduites à des réunions assis par terre !

Ceux qui sont là sont détendus. Des personnes qu’a priori tout oppose (y compris venant de pays qui sont en guerre) se parlent, voire dansent ensemble ! Le fait de porter le foulard scout créé un a priori positif pour s’écouter mutuellement et se parler.

Le résultat se voit dans la vidéo de la conférence, sur cette page où Elise Drouet parle de la conférence.

La conférence est aussi l’occasion pour plusieurs pays d’imaginer des projets à plusieurs. Et les diners sont destinés à faire du réseau. Parce qu’une rencontre collective, c’est aussi une somme de rencontres individuelles !

Les seuls votes où des participants sont dans la défense de leur pays sont ceux du choix du lieu du Jamboree ou de la conférence mondiale. Ce sont des événements qu’on ne peut pas organiser sans le soutien de son gouvernement. Organiser un Jamboree nécessite beaucoup d’argent et de bénévoles.

Mais le scoutisme, ce sont avant tout des jeunes de tous pays qui jouent et agissent en groupes. Chaque organisation développe ses propres pratiques, mais toutes adhérent à la définition suivante :

« Le mouvement scout a pour but de contribuer au développement des jeunes en les aidant à réaliser pleinement leurs possibilités physiques, intellectuelles, affectives, sociales et spirituelles, en tant que personnes, que citoyens responsables et que membres des communautés locales, nationales et internationales. »

Sur ce sujet, on peut lire :

22, v’la les scouts !

Scouts et Guides de France à Sceaux

Des scouts au bout du monde

Partir en camp avec les Scouts et Guides de France

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