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Mobilité verticale, mobilité radicale

A l’exception des pieds (sauf pour les malheureux qui n’en ont pas l’usage), la marche est le premier moyen de la mobilité. Le plus précieux aussi. Ensuite, on a coutume de citer la voiture, le vélo, toutes sortes de deux roues, la première étant clouée au pilori par les champions des autres. Mais c’est oublier le principal des principaux, le véritable premier, le maillot jaune de la mobilité. Il est tout simple, il est ailleurs, il ne se déplace pas dans le même sens, c’est l’ascenseur.

Il est vrai qu’à Sceaux, il est exceptionnel. Le résidentiel sur quatre cinquièmes du territoire et des immeubles de trois ou quatre étages en ont sérieusement limité l’installation. Il faut se trouver vers les limites de Robinson, Fontenay ou Bagneux pour en deviner la présence.

Il n’en reste pas moins que cet instrument essentiel du déplacement doit être intégré dans la réflexion générale sur les mobilités, laquelle occupe un sacré pourcentage du débat public, toutes communes confondues. Car, si l’on en croit la Fédération des ascenseurs qui en connaît un rayon, la France compte environ 500.000 ascenseurs qui font (toujours environ) 100 millions de trajets/jour ![1] C’est dingue !

« Sortez-moi de là ! »

Le plus sûr des moyens de déplacement, comparé à tout autre sans exception, est associé pourtant à des peurs bien connues et bien ancrées dans les esprits. La première est la peur de la panne. La crainte faudrait-il dire, car claustrophobes mis à part, ce n’est pas notre vie ou notre santé qui sont en jeu, mais notre patience. Certains même s’énervent. Ils peuvent aller jusqu’à taper des poings contre les parois. C’est Melania Trump qui disait récemment : « La violence n’est jamais la solution. » Eh oui, c’est bien vrai. Sans compter qu’ils abîment le matériel.

Face aux excès, prenons de la distance. Qui n’a pas été déjà coincé dans un ascenseur ? Très récemment, dans mon immeuble, un couple a bien dû attendre 1h30 avant d’être libéré. De mon côté, deux fois coincé, je n’ai jamais attendu plus d’une demi-heure, mais ça ne se passait pas à Sceaux. Faut-il en tirer des conclusions quant à la sécurité dans la ville ? Quant aux performances des sociétés d’entretien ? Je crois que ce serait légèrement précipité. La prudence s’impose, comme disent les diplomates.

Le problème sous-jacent est celui de l’alternative. Que faire quand l’ascenseur en panne ? Si l’immeuble va jusqu’à six ou sept étages, on peut s’en sortir à pied en prenant l’escalier. Si l’immeuble fait 40 étages, c’est plus compliqué, surtout avec un caddy plein de bonnes choses achetées au marché. Ecartons pourtant l’hypothèse. A moins d’un retournement de tendance pour tout dire unexpected, comme aurait pu dire Melania Trump, on ne voit pas à court terme surgir un immeuble de 40 étages à Sceaux. Ne conservons donc que l’escalier et demandons-nous comment aider à monter le caddy rempli de bonnes choses. Le cinéma italien des années cinquante (qu’on invite le Trianon à programmer plus souvent) nous donne une solution éprouvée : la poulie. N’a-t-on pas vu souvent des paniers monter jusqu’à la fenêtre d’une grand-mère aux jambes trop gonflées pour la soutenir longtemps ? Le principe est tout simple, efficace et d’un coût impeccable.

Alors, imposer aux nouvelles constructions la mise en place de poulies ? Pourquoi pas ? Il faudrait faire en sorte que les parcours de corde passent devant une fenêtre de chacun des logements. LGdS dont la liberté de pensée n’a d’égale que celle de Florent Pagny (sans partager toutefois ses problèmes fiscaux) n’hésite pas à suggérer qu’un tel projet passe à l’agenda. L’agenda de qui ? Avant de le préciser, débattons. Chaque chose en son temps.

Et si le câble casse ?

Une autre peur est celle de la chute pure et simple de la cabine. La chute libre, dans le vide, avec l’impression effroyable de vivre ses dernières secondes. De nombreux films ont mis en scène la catastrophe. En général, un méchant, un monstre fait homme a ourdi un déraillement du système. Au moyen d’un explosif, la salle des machines a éclaté et les câbles ont rompu. Un je-ne-sais-quoi a immobilisé l’appareil entre deux étages, le héros tente de sortir par le plafond, il y parvient, mais soudainement l’ascenseur se lâche et fait une chute de cinq bons mètres. Lui s’est rattrapé aux parois de la cage. Un rien acrobate, il parvient à descendre et à retrouver dans la cabine la jeune femme qui vient de pousser un cri.

Comment ne pas y penser quand on prend l’ascenseur ? Et pourtant, c’est étudié pour. Déjà Elisha Otis, le précurseur, dans les années 1850, avait prévu le coup. Autant dire que ça ne date pas d’hier.[2]  Devant les yeux ébahis de l’assistance, il fait couper la seule corde qui retient la plateforme sur laquelle il se trouve. L’appareil chute de quelques centimètres et s’arrête. C’est la gravure qui illustre l’article. Sa géniale invention est à la base des sécurités qui se déclenchent, si d’aventure tous les câbles d’un ascenseur pètent ensemble. « Des systèmes de freinage sur la cabine d’ascenseur s’accrochent aux rails qui montent et descendent dans la cage d’ascenseur. Certaines sécurités serrent les rails, tandis que d’autres enfoncent un coin dans les encoches des rails. »[3]

La bonne nouvelle donc est que, sur dépassement d’une certaine vitesse, celle de tous les dangers, la cabine ne joue pas les filles de l’air, elle ne sort pas de la gaine et ne perfore pas le sous-sol. Elle se bloque.

Par définition, l’ascenseur est un « appareil élévateur installé à demeure, desservant des niveaux définis, comportant une cabine, dont les dimensions et la constitution permettent manifestement l’accès des personnes, se déplaçant, au moins partiellement, le long de guides verticaux, ou dont l’inclinaison sur l’horizontale est supérieure à 15 degrés. »[4] Le souci d’inclure dans la définition le fait d’être « à demeure » laisse pensif. Est-ce pour le distinguer du remonte-pente?

Innovation

Un ascenseur ne s’endort jamais sur ses lauriers. Il y a une petite vingtaine d’années, Koné, l’illustre constructeur finlandais, supprime la salle affectée à la machinerie et déplace le moteur dans la gaine. L’entretien en est facilité. Ensuite, sécurité d’abord, on supprime ces vieilles portes battantes qu’il fallait ouvrir pour avoir accès à la porte grillagée sur le palier. Les portes palières deviennent verrouillées par des serrures contrôlées électriquement. Et puis, une inquiétude subsisterait si on ne soulignait pas que la résistance mécanique s’oppose à l’éventuelle propagation des flammes par la gaine d’ascenseur.[5] 

Ce n’est pas fini ! Les cabines sont connectées ; elles transmettent de nos jours des données en temps réel. L’usure des pièces peut être suivie et anticipée. C’est le printemps de la maintenance prédictive. Et comme le but d’un ascenseur est d’emmener des individus d’un étage à l’autre, des purificateurs d’air, des matériaux antibactériens, antimicrobiens (en particulier pour la main courante) offrent à l’heureux usager une « expérience » (c’est le mot-clé, made in USA, quand on parle du numérique) unique.

L’orientation est désormais au visuel numérique à bord, à la décoration, car l’ascenseur du XXIe siècle sera créatif ou ne sera pas. Il sera mieux éclairé, les boutons de commande seront plus chou et le plus souvent touchless (pas besoin de les tripoter), la cabine défilera carrément souple. Il faut suivre les trophées pour se faire une idée plus précise des tendances lourdes. Mais leur sens est annoncé, celui de : « la ville accessible, durable, inclusive, mobile, intergénérationnelle et connectée. »[6]

Voilà pourquoi penser la mobilité ne doit pas se limiter à l’horizontale. L’élévation et la descente font partie de notre quotidien ; ils nous sont essentiels. La preuve par IPSOS : « Une attente très forte des Français en 2020 : l’extension à la mobilité verticale des aides à la rénovation des logements. »[7] C’est une question, qu’à l’aube des années 2021 et suivantes, on n’a plus le droit de négliger !


[1] Selon M. Fournier-Favre, dans Le Figaro Live du 28 octobre 2020
[2] D’après l’Encyclopedia Universalis, le premier ascenseur à Paris date de 1867.
[3] https://utragency.com/et-si-vous-etiez-sur-un-ascenseur-et-que-le-cable-sest-casse/
[4] http://ressource.electron.free.fr/prp/vocabul.htm
[5] https://chpbtsmendes.files.wordpress.com/2017/11/lot-14-ascenseur1.pdf
[6] https://www.ascenseurs.fr/actualites/trophees-de-lascenseur-2020-2021/
[7] https://www.ipsos.com/fr-fr/ascenseurs-pour-89-des-francais-les-aides-la-renovation-devraient-etre-etendues-la-mobilite

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