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Comprendre les sondages sur les législatives

A l’approche du premier tour, les regards se tournent vers les sondages, chacun se concentrant sur le sondage ou l’élément de sondage qui lui paraît le plus utile pour justifier son discours ; c’est de bonne guerre, mais comment prendre du recul sur les commentaires divers et variés.

Un exercice difficile

Pour les sondeurs, répondre à la demande (de ceux qui leur commandent un sondage, souvent des médias) est loin d’être aisé. L’exercice supporte en effet les difficultés classiques et des difficultés spécifiques.

La difficulté la plus classique est intrinsèquement liée à la technique même du sondage : le principe de celui-ci consiste à interroger une partie d’un ensemble et à admettre que les résultats obtenus sont révélateurs des réponses que ferait l’ensemble s’il était interrogé. On peut analyser mathématiquement l’écart entre l’échantillon interrogé et l’ensemble dont il est issu et démontrer que cet écart, exprimé en pourcentage, diminue si la taille de l’échantillon augmente, à condition qu’il n’y ait pas de biais dans la constitution de l’échantillon (exemple de biais : si on interroge par téléphone, on exclut les personnes qui n’ont pas de téléphone). Les instituts de sondage ont mis au point un certain nombre de méthodes pour limiter les biais au maximum. Et ils affichent systématiquement le niveau d’incertitude des résultats obtenus.

En ce qui concerne les sondages électoraux, une autre difficulté concerne la prise en compte de l’abstention. La plupart des sondeurs demandent aujourd’hui aux personnes interrogées d’évaluer sur une échelle de 0 à 10 leur certitude d’aller voter. Doivent-ils ensuite ne prendre en compte que celles qui ont répondu 10, où doivent-ils aussi prendre en compte celles qui ont répondu 9, voire 8 ? pas simple, même s’ils ont au moins la possibilité de regarder si le choix de la limite à un impact sur le résultat et de le signaler (mais qui regarde les commentaires des sondeurs ?).

Le cas des législatives

Les législatives posent des problèmes spécifiques, liés au fait qu’il n’y a pas un scrutin mais 577. On ne peut interroger les sondés sur le nom pour lesquels ils votent : il n’y a guère d’autres solutions que de les interroger sur des étiquettes. Ce n’est guère un problème si un parti (ou une coalition) est présent sur toutes les circonscriptions (ou quasi toutes). Mais comment tenir compte de la présence de dissidents, ou de partis qui ne sont présents que sur une partie des circonscriptions ? En particulier si la personne sondée ne sait pas exactement qui est candidat (difficulté qui s’amenuise à l’approche du scrutin). L’étude des résultats montre par exemple que les divers instituts de sondage n’ont pas tous apporté la même réponse à cette question pour les candidats de gauche modérée (DVG, FGR, PS dissidents) et cela a un impact manifeste sur les résultats affichés.

Projections en sièges

Autre difficulté : les projections en siège, probablement attendues par les clients. La plupart des députés seront élus au second tour : une projection en siège nécessite de faire des hypothèses sur les qualifiés pour le second tour et sur les reports des voix de candidats éliminés. On peut projeter les résultats nationaux pour estimer qui sera qualifié, mais cela ne tient pas compte de situations locales liées au profil des candidats. L’impact du poids local d’un candidat est d’ailleurs très variable selon le contexte général, il est donc très difficile de le prendre en compte.

Les reports sont par nature difficiles à estimer. Et surtout, ils seront probablement modifiés par la manière dont les Français vont interpréter les résultats du premier tour. On se souvient par exemple qu’à l’issue du premier tour des législatives de 2017, et au vu des résultats de celui-ci, les sondeurs avaient prédit un raz de marais pour LREM. Cette prédiction a changé le second tour et notamment les reports, comme si les électeurs avaient voulu corriger leur vote du premier tour pour envoyer à l’Assemblée une opposition suffisante.

On comprend pourquoi les sondeurs affichent prudemment des fourchettes assez larges pour les prévisions en sièges !

Consulter les résultats

Avoir en tête toutes ces difficultés conduit à ne pas surinterpréter les sondages ou les évolutions microscopiques de ceux-ci : relever qu’untel a gagné ou perdu 0,5% quand la marge d’erreur est de 2 ou 3% n’a aucun sens.

Une autre précaution consiste à observer l’ensemble des sondages : la page Wikipédia qui les liste tous est à cet égard précieuse. Elle permet par exemple d’identifier les instituts qui ont choisis de distinguer les intentions de vote pour des candidats de gauche ou écologistes hors NUPES. Dans nombre de circonscriptions la présence au deuxième tour va se jouer à peu, autant rester circonspect.

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