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Maud Bregeon et Philippe Laurent : interview croisée

Une distribution de tracts en ce temps de campagne pour les Européennes, c’est banal. Mais quelle surprise rue Houdan, à Sceaux, samedi matin de voir distribuer ensemble Maud Bregeon, députée de la circonscription et Philippe Laurent maire de Sceaux. Eux qui s’opposèrent lors des dernières législatives en 2022. Les esprits négatifs y trouveront une preuve d’intolérable collusion, les esprits positifs le pouvoir de dépasser ses différences pour une cause supérieure. Leur flyer appelait à participer à la réunion publique qu’ils tiendront avec Clément Beaune, ancien ministre chargé de l’Europe mercredi 15 mai à 19h30 à l’ancienne mairie. L’interview improvisée s’imposait.

La Gazette : Vous soutenez tous les deux la liste conduite par Valérie Hayer pour les élections européennes du 8 juin. Quels sont pour vous les points saillants dans lesquels vous vous retrouvez ?

Maud Bregeon : Je serais brève. Ce qui me tient particulièrement à cœur, c’est la grande clarté de la position de la liste vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie. Elle défend une ligne de fermeté sur une aide à l’Ukraine. Pour moi, cette aide doit continuer et la Russie ne doit pas gagner la guerre. Valérie Hayer est très déterminée sur cette question.

Philippe Laurent : Ce qui est important, c’est de donner tous ensemble à l’Europe la capacité collective de mieux nous protéger. Les dangers du monde sont partout et sont importants. Ils montent. Il y a évidemment la question de l’Ukraine et la menace que fait peser la Russie en Europe, mais il y en a d’autres. À côté de cela, il y a toute une série de questions économiques, de sujets qu’on peut développer. Mais l’essentiel, c’est quand même la capacité de l’Europe à protéger l’ensemble de ses habitants et à porter la voix de ce qui fait notre culture commune : la démocratie, l’humanisme, l’État de droit.

La Gazette : Que répondez-vous à ceux qui disent que l’Europe est un fardeau règlementaire ? Un embrouillamini de normes qui est défavorable à l’économie française.

Philippe Laurent : Je comprends ces critiques. J’aurai deux réponses. La première est qu’il arrive que la France en rajoute aussi. Lorsqu’il y a transposition des directives européennes, il n’est pas rare que notre administration durcisse le texte adopté par le Parlement européen et par la Commission. On a quand même des questions à se poser dans notre pays sur notre capacité à renforcer encore les réglementations européennes. J’ai le souvenir que sur les Marchés publics, nous sommes allés au-delà des directives. C’est un sujet que je connais bien pour le suivre depuis une dizaine d’années. Franchement, je pense que, là, des erreurs sont commises. Elles sont commises en réalité parce que nous avons en France un manque de confiance des uns envers les autres, ce qui est moins le cas dans d’autres pays.

La seconde réponse se situe à un autre niveau. C’est vrai qu’on pourrait critiquer un certain nombre de sujets. Mais il faut aussi savoir dépasser ces questions. L’intérêt fondamental de l’Europe va au-delà de ça. Même s’il y a parfois des inconvénients, la construction européenne, le développement et le renforcement de l’Union européenne sont absolument indispensables pour assurer, dans l’avenir, la sécurité et la prospérité de l’ensemble des pays.

Maud Bregeon : Il y a indéniablement des simplifications et des améliorations à attendre des institutions européennes. D’ailleurs, il ne s’agit pas de dire que tout est parfait. Mais l’Europe est là pour aider les gens. Contrairement à ce qu’on peut entendre ça et là, elle aide des agriculteurs avec la politique agricole commune. Je sais que les manifestations récentes semblent montrer le contraire. Mais leur cause est dans les lourdeurs administratives. Je suis volontiers le propos de Philippe Laurent : les lourdeurs sont souvent plus françaises qu’européennes. À la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, nous sommes en train d’étudier les grandes orientations en matière d’agriculture, y compris la transition et la transmission. Le projet de loi sur lequel nous travaillons sera une des briques de la réponse aux agriculteurs.

Plus globalement, pour répondre aux grands enjeux de notre époque que sont l’écologie, l’immigration, la réindustrialisation, l’Union européenne est indispensable. Je suis convaincue que la France ne peut pas être forte et entendue à l’international que si elle est dans une Europe puissante.

La Gazette : Qu’entendez-vous par Europe puissance quand les pays qui la composent sont en concurrence économique.

Maud Bregeon : Je vais répondre par un exemple, celui de l’industrie nucléaire que je connais bien. C’est une industrie qui se regarde au niveau mondial. On ne relancera pas le niveau français, s’il n’y a pas une relance européenne, si on ne développe pas des compétences à l’échelle européenne et si on ne gagne ensemble des marchés qui permettent à nos usines de produire à une échelle suffisante. C’est un exemple très concret. Les pays européens sont en compétition économique, mais en même temps ils bâtissent des industries qui exportent à l’extérieur de l’Union européenne. Chacun à ses atouts, ses avantages et ses inconvénients. Il ne s’agit pas de refuser le marché et le marché européen a les mêmes lois que les autres. Mais il permet aussi d’exporter et d’importer. Arrêtons de croire que c’est une mauvaise chose.

La Gazette : Vous étiez en compétition lors des dernières élections. Comment vivez-vous le fait de vous retrouver ensemble à défendre un projet commun sur l’Europe ?

Philippe Laurent : Il ne vous a pas échappé que pendant la campagne des législatives, nous avions des positions qui n’étaient pas forcément très éloignées. Ma perspective était alors (elle l’est toujours) que la voix des collectivités locales soit davantage entendue, y compris au sein du Parlement et auprès du gouvernement. Je constate que les choses ont un peu évolué ces dernières années quoique, à mon avis, pas suffisamment. Pour reprendre une idée dont je vous parlais, il y a ce manque de confiance qui existe entre nous. Les élus locaux ne sont pas très confiance en l’Etat et l’État ne fait pas non plus confiance aux élus locaux. Et au-delà du politique, c’est vrai sur l’ensemble de la société française.

Ce diagnostic est un sujet qui peut nous rassembler. L’engagement européen en est un autre. Pour une élection de cette importance qui engage l’avenir de l’Europe et donc notre avenir à nous, eh bien nous nous retrouvons entre les mouvements qui composent la majorité présidentielle et l’UDI. Le Parti radical aussi. Nous en avons discuté longuement au sein du bureau national de l’UDI. Quelques-uns auraient préféré une liste indépendante, mais une très large majorité a estimé que, compte tenu de l’enjeu, il était nécessaire de renforcer la liste qui est la plus proche de nous en termes de position et d’engagement européens.

Par ailleurs, Valérie Hayer qui conduit la liste est une personnalité extrêmement compétente. Je la connais personnellement puisque nous avons eu l’occasion de travailler ensemble. C’est donc une circonstance qui est parfaitement claire et parfaitement logique.

Maud Bregeon : Ce qui nous rapproche dépasse largement ce qui nous sépare. C’est le cas à l’échelle nationale. Et à l’échelle européenne, on est à une croisée des chemins. On voit que le populisme et le nationalisme augmentent partout en Europe. La liste du Rassemblement national est créditée autour de 30%, ce qui est extrêmement haut. Dans cette situation, je crois que le bloc central qui va de la gauche modérée à la droite modérée a vocation à se retrouver autour du plus grand dénominateur commun.

Je sais qu’avec Philippe Laurent, on partage des valeurs, on partage un attachement à l’Union européenne, on partage des convictions par rapport au rôle de la France. Dans un moment aussi important, où tant de choses se jouent, nous serions bien stupides d’entretenir de vieilles querelles. Dans la vie politique, il arrive d’être en compétition et à d’autres moments d’être ensemble. Nous ne sommes pas les premiers et ne serons sans doute pas les derniers 😉

  1. Jdbour Jdbour 18 mai 2024

    je ne pense pas avoir contesté l’intérêt fondamental de ce rapprochement dans la perspective des élections européennes , meme si ce n’est pas à Scezux que le résultat de ces élections va se jouer ,
    Ce que je vois venir , c’est le Maire qui va empocher le jackpot à l’occasion des prochaines élections locales Rendez vous dans 3 ans 😜

    • Gérard Bardier Gérard Bardier 19 mai 2024

      Peut-être. Mais je me garderai bien de faire des prévisions si longtemps avant les échéances, alors qu’on ne sait même pas quelles seront les listes en présence ni quel sera le paysage politique à ce moment là.

  2. Jdbour Jdbour 18 mai 2024

    Merci pour cet article extrêmement intéressant .
    Ce que je vois en filigrane , au delà de l’enjeu fondamental des élections européennes , c’est l’habileté diabolique du Maire qui réussi à raccroché avec Macron et Renaisssnce à près avoir craché dessus depuis des années .
    Il prépare ainsi sa candidature aux prochaines élections municipales en particulier pour obtenir l’investiture de Renaissance, qui plantera sans complexe l’équipe locale de Renaisssnce 😜, et peut être même l’assurance d’un siège au Sénat ?
    Cet homme est vraiment trop fort 🤗

    • Gérard Bardier Gérard Bardier 18 mai 2024

      Ce n’est pas Philippe Laurent qui a décidé de « raccrocher » avec Renaissance, c’est son parti , l’UDI, qui l’a fait

  3. Nathaniel Dahan Nathaniel Dahan 7 mai 2024

    Cette interview croisée montre que, quand l’essentiel est en jeu c’est-à-dire nos valeurs démocratiques, des femmes et des hommes politiques savent se retrouver pour le bien de notre pays et de l’Europe.

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