L’exercice concret de la démocratie passe par des procédures parfois très formelles. La séance du conseil municipal de Bourg-la-Reine le 8 février en fut un exemple. Ce qui n’exclut pas des spécificités de la ville.
Nouveaux conseillers
Deux conseillers avaient donné leur démission. Il s’agissait d’un élu de la majorité et d’un élu de la liste d’opposition « la ville en partage ». Le maire, Patrick Donath, a lu les lettres de démission (pour raisons personnelles) puis le conseil a été invité à constater l’installation des deux nouveaux conseillers. Les deux fois, les conseillers ont applaudi, majorité et opposition mêlées.
Les conseillers municipaux sont libres de démissionner à tout moment (article L.2121-4 du CGCT). Dans les communes de 1 000 habitants et plus (article L.270 du code électoral), le candidat venant sur la liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller élu sur cette liste, dont le siège est devenu vacant. Cet élu est déterminé sur la base de la liste déposée en préfecture.
Vote à main levée ou à bulletins secrets
Les deux élus démissionnaires étant membres d’une commission chacun, il a fallu aussi les remplacer dans ces commissions. Un vote à main levée a été proposé et accepté par le conseil : la procédure a l’avantage d’être rapide. Il n’y a eu qu’un seul candidat à chaque fois. Pour le candidat de la majorité à la commission « finances… », les conseillers d’opposition se sont abstenus. Le candidat de l’opposition pour la commission « Éducation… » a lui été élu à l’unanimité, lui-même ne prenant pas part au vote.
Le conseil a ensuite été convié à voter pour un poste de représentant suppléant de la ville au conseil d’administration (CA) du collège Évariste Gallois. Le maire, membre de ce CA au titre de représentant de VSGP, n’a de ce fait pas pris part au vote. C’est donc la première adjointe, Isabelle Spiers, qui a présidé le débat sur ce point. Elle a proposé un vote à main levée.
Mais le recours à cette procédure simplifiée n’est possible que s’il y a unanimité pour l’utiliser. Or, un conseiller, Jean-Pierre Lettron (seul élu de la liste « Se rassembler pour Bourg-la-Reine) a demandé un vote à bulletin secret : c’est donc ce qui a été fait.
Trois candidats se sont présentés : un pour la majorité, un pour la principale liste d’opposition (« La ville en partage ») et un conseiller seul dans son groupe (BLR démocratie participative) et un conseiller élu sur la liste de la majorité, mais qui l’a quittée.
Chaque conseiller a donc préparé un papier avec le nom de son candidat. Deux personnes ont été désignées pour faire circuler l’urne (une de la majorité et une de l’opposition). L’une tenait l’urne et la tendait pour que les conseillers puissent y glisser leur papier. L’autre était à côté de la première pour surveiller le processus. Les mêmes ont ensuite dépouillé les votes au milieu de la salle, en face du maire et de ses principaux adjoints.
Chaque conseiller ayant apparemment voté pour sa liste d’origine, celui de la majorité a été élu (24 voix contre 7 pour l’autre candidate et un bulletin blanc, le troisième candidat n’ayant pas recueilli de suffrages).
Deuxième vote à bulletins secrets
Un deuxième vote a eu lieu pour désigner le représentant de la ville auprès de l’A.D.I.B. (Association pour le développement intercommunal des Blagis). Les conseillers de l’opposition ont demandé également un vote à bulletin secret. Le maire a ensuite annoncé que la majorité ne présenterait pas de candidat, comme elle l’avait fait en 2020.
Vérification faite, lors de la séance du 9 juillet 2020, le conseil avait élu à l’unanimité trois représentants : Mme Le Jean, Mme Awono et M. Hauseux. Soit deux conseillères de la majorité et un conseiller de l’opposition, celui justement qui a donné sa démission.
Arnaud Hertz, nouveau conseiller de l’opposition, le seul candidat. Le dépouillement du vote à bulletin secret a donc donné pour 31 votants, 24 voix pour A. Hertz, 6 blancs et un nul.
Essai d’interprétation
Pourquoi Jean-Pierre Lettron a-t-il voulu une première fois un vote à bulletin secret ? Pourquoi les autres élus d’opposition ont-ils fait de même pour le vote suivant ? Probablement pas pour donner au (maigre) public une leçon de fonctionnement démocratique !
Faute de connaître la réponse, on peut rappeler le contexte : lors du conseil municipal de décembre, un bulletin secret a abouti à une mise en minorité du maire (à une voix près). Il est raisonnable de penser que le bulletin secret avait facilité cette mise en minorité. De là à penser que l’opération serait renouvelable à une autre occasion, le pas est vite franchi (trop vite très probablement).
À partir du moment où la majorité n’a pas proposé de candidat face à Arnaud Hertz, la manœuvre n’avait véritablement plus aucun intérêt. Il faut cependant noter que le résultat montre une diversité des comportements des conseillers de la majorité. Rien ne prouve cependant qu’un vote à main levée aurait abouti à un score différent.
Sur le résultat, deux raisonnements sont possibles. Le premier est que le secret a permis à ceux qui regrettent l’abandon d’un poste à l’opposition de s’exprimer par des bulletins blancs. Le second est au contraire que le candidat a bonne presse chez une partie des élus de la majorité, qui reconnaissent la qualité du travail mené par l’association ADS dont il est président.
En 2020, le vote s’était fait à l’unanimité, mais pour trois candidats en même temps.
Les lieux ont-ils un impact ?
A Sceaux, ville très semblable à Bourg-la-Reine, les conseils municipaux ont lieu dans une très grande salle. Les tables sont disposées pour former les trois côtés d’un rectangle, le public formant le quatrième. Les conseillers d’opposition sont relégués au plus loin du maire, de chaque côté : les différents groupes d’opposition se font face
Cela crée une impression de froideur, assez conforme à la tonalité des débats.
La salle du conseil à Bourg-la-Reine est plus petite (elle permet bien sûr d’accueillir les 34 élus et quelques rangs pour le public). Les tables sont disposées pour former un ovale. Les élus d’opposition se retrouvent face au maire et ses premiers adjoints. Le public est derrière les élus d’opposition.
La salle est ornementée de diverses décorations sur les murs. Derrière le maire, on remarque le drapeau français, flanqué de chaque côté par le drapeau européen et celui de la ville (ce qui en fait 5 en tout).
La disposition des tables donne un côté moins formel, plus intimiste qu’à Sceaux : il y a l’impression que tous les élus participent d’une seule entité, le conseil municipal. Ce qui n’interdit pas les différends. Au moins sur cette séance et celle du 13 avril 2022, les désaccords ne se traduisent pas par de l’agressivité ou du mépris.
Assister à une séance du conseil
Les séances du conseil municipal sont publiques, conformément à la loi. Il est cependant parfois difficile de les suivre, faute d’avoir sous les yeux les documents reçus par les conseillers. Il faut donc ici saluer une initiative propre à Bourg-la-Reine : des dossiers sont disponibles pour les citoyens présents. Un moyen simple pour un supplément de démocratie.
Un ordre du jour bien rempli
Ce jour-là, les conseillers municipaux devaient traiter de pas moins de 33 points à l’ordre du jour. Parmi eux, le budget primitif et les subventions aux associations pour 2023. Du lourd donc.
D’autres paraissent plus anecdotiques, comme cette approbation de la constitution d’une provision pour créance douteuse. L’inscription de la plus grande partie de ces points répond à une obligation légale.
C’est ainsi que la loi fait obligation au maire de communiquer un certain nombre d’informations au conseil, ce qui est un moyen de les rendre publiques (puisque la séance est publique). C’était par exemple le cas ce soir-là pour « l’état de l’indemnité de toutes natures des élus siégeant au conseil municipal en 2022 ». Le conseil n’a pas à approuver ou non cet état, mais simplement à valider que les informations ont bien été données.
Ce n’est pas anecdotique : la qualité de l’information publique est une des conditions d’une saine démocratie. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à voir ce qui se passe dans certains pays qui n’ont de démocratique que le nom.
Belle description.
Deux villes, deux maires de même appartenance politique. Mais que tout semble séparer dans la manière de gérer leurs conseillers et leurs administrés.
Et une belle illustration de ce qui fait qu’on ne peut pas réduire la vie démocratique à une simple opération de vote, fut-elle publique ou secrète.
Nos représentants élus ont-ils bien pris conscience que le monde d’aujourd’hui comporte une majorité de citoyens instruits ayant souvent plus de connaissance et de compréhension de la société civile et des problèmes qu’ils ont à traiter, qu’eux-mêmes.
Merci Gerard d’avoir observé le conseil municipal de BLR si proche de Sceaux mais où s’observent bien des différences cependant.
Ainsi à BLR, l’opposition est représentée au sein du CA des collèges ce qui n’est pas le cas à Sceaux ni d’ailleurs au sein d’aucun des autres établissements scolaires ni de l’IUT.
Sceaux ne donne pas accès aux élus de la minorité à nombre de commissions ni aux conseils d’administration des associations, sans doute jugés stratégiques.
Contrairement à Sceaux, BLR a une commission des finances ouverte à l’opposition et un PPI (plan pluriannuel d’investissement). L’absence de ce document, de préparation préalable en commission des finances sont sources de tension en conseil municipal à Sceaux.
BLR votait le 8 février son budget primitif. Ce vote est précédé d’un débat d’orientation budgétaire à partir de la présentation du ROB (rapport d’orientation budgétaire). Je vous invite à comparer le ROB quand ils seront mis en ligne par les 2 villes (on peut comparer les ROB des années précédentes). L’un permet de comprendre le fonctionnement du budget de la ville, rappelle l’endettement par habitant (faible à BLR), chiffre les investissements et les projets. L’autre donne des informations parcellaires, des variations de taux, sans montant, et aucune donnée chiffrée sur les investissements en cours et à venir. A Sceaux au lieu que le débat porte sur le ROB, il porte sur l’insuffisance des éléments communiqués !
Que craint-on en limitant l’accès des élus à certaines commissions et à l’information ?