Le récent premier article sous ce titre a suscité divers types de réactions : certains disent leur certitude que le projet est bien en route, d’autres affirment qu’on en parle depuis des lustres mais qu’il ne se fera jamais. Certains disent qu’il va dans le sens de l’histoire, d’autres que Sceaux y perdrait son âme et beaucoup de son charme unique, d’autres enfin que les Réginaburgiens n’ont aucun intérêt à partager le déficit de Sceaux…. Peu importe qui a tort ou raison pour LGdS, car, dès lors que le sujet circule dans la population locale, il est utile de faire le point sur la fusion de communes à toutes fins utiles : principales conditions de réussite, principaux risques d’échecs, principales conséquences financières, principaux avantages et inconvénients… Les objectifs d’une fusion peuvent être multiples et ambitieux : il s’agit souvent de réaliser des économies, de mutualiser des moyens matériels et humains, de promouvoir un territoire plus attractif, notamment pour le tourisme et l’économie, de renforcer le poids de cette nouvelle commune dans son contexte local.
L’indispensable préalable politique : l’adhésion des populations et personnels communaux concernés
Nous avons vu dans le précédent article sur le sujet que, selon le contexte, la consultation des populations concernées n’était pas toujours une obligation juridique. Pourtant, nous savons tous que le cadre juridique est une chose mais que l’assentiment des populations impactées est une ardente obligation morale, car faire contre ou sans l’avis favorable des citoyens est la première des conditions pour vouer le projet à l’échec. En effet, finalement, l’objectif est bien que les usagers y trouvent un bénéfice : pour leurs impôts, pour la qualité du service public et la cohésion du territoire dans lequel ils vivent quotidiennement.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme territoriale voulait permettre une fusion plus simple des communes pour mieux lutter contre l’émiettement communal. Mais, après quatre années et 13 fusions seulement, il a fallu la loi du 16 mars 2015, qui a complété le dispositif en donnant plus de place aux conseillers municipaux des anciennes communes et surtout, un pacte financier garantissant pendant les trois premières années le niveau de dotations de l’État. Ainsi, depuis la loi de 2010, ce sont 787 communes nouvelles qui ont été créées fusionnant 2536 communes (Source : Les communes nouvelles : un bilan décevant, des perspectives incertaines. Rapport de l’Inspection générale de l’administration) Le nombre total de communes a ainsi diminué de près de 5% depuis 2010 pour passer sous le seuil des 35 000.
Historiquement, l’État avait d’abord tenté de les imposer autoritairement dans les années 1970 lorsque le ministre de l’Intérieur de l’époque, Raymond Marcellin, a voulu forcer la main des élus locaux. En vain.
Depuis, et sur le constat de nombreux échecs de fusions, la nécessité de l’adhésion des populations impactées au projet de fusion s’est heureusement imposée comme une évidence incontournable.
Il parait utile et nécessaire :
- Susciter l’adhésion de la population, à travers un travail d’information et de pédagogie. Ouvrir le débat sur la commune nouvelle est de nature à renforcer le lien social et à apaiser les craintes.
- Développer « l’esprit commune nouvelle » via divers moyens d’information et d’association de la population : réunions publiques, bulletins municipaux, réseaux sociaux, presse locale, ateliers participatifs, …
- Associer le personnel communal (problématique de la nouvelle répartition des tâches et de l’évolution de leur travail). Cette association est particulièrement importante pour les personnels administratifs, premiers acteurs de la commune nouvelle (prise en compte du changement de nom, modification des logiciels, accueil de la population, gestion des difficultés administratives, réponses aux interrogations des habitants…).
Notons que si le choix d’une consultation des populations de Sceaux et de Bourg-la-Reine était fait soit par exigence juridique soit par choix politique, la décision finale de fusionner reste, quel que soit le résultat de cette consultation, l’apanage exclusif du préfet qui n’est pas lié par cet avis. Une telle consultation n’a pas de caractère décisionnel.
Un passé commun de collaboration est un atout majeur
Quand les communes ont déjà une histoire ensemble, des collaborations dans un syndicat, pour une école, elles ont des habitudes de travail. Avoir une continuité urbaine est des conditions essentielles de réussite d’une fusion et, de ce point de vue l’étroitesse des collaborations entre Sceaux et Bourg-la-Reine est un point acquis dont les deux maires se félicitaient à juste titre dans l’éditorial du dernier SceauxMag déjà cité dans le premier article. Cette condition d’un passé commun de collaboration est donc remplie ici.
Des objectifs communs réels, clairs et partagés : Travailler sur l’établissement d’un projet de territoire voire sur une charte
L’objectif initial pour promouvoir cette fusion de communes peut-être pour faciliter la réalisation d’investissements coûteux, permettre la poursuite d’un service public de qualité dans le cadre d’une réforme en profondeur de la gouvernance locale. Pour cela, l’arme principale consiste dans les avantages financiers induits par ces fusions et la création d’une nouvelle commune.
Si un projet de fusion entre Sceaux et Bourg-la-Reine devait se concrétiser, il faudrait impérativement mettre au clair ce qui est recherché : atteindre un seuil jugé critique, mutualiser davantage, faire profiter le partenaire des points forts de l’autre commune et, à l’inverse, partager, donc diluer, les inconvénients de l’une et de l’autre…
Avantages financiers liés à la création d’une commune nouvelle
Le regroupement de plusieurs communes permet d’augmenter les capacités financières et de mutualiser ressources matérielles et humaines. En outre, plusieurs mécanismes garantissent un pacte de stabilité financière pour les communes nouvelles.
- Dotation globale de fonctionnement (DGF)
Les communes nouvelles créées à compter de 2020 et qui regroupent jusqu’à 150 000 habitants bénéficieront pendant 3 ans de la somme des montants de dotation forfaitaire (DF) et de la somme des dotations de péréquation (DNP, DSU, DSR) perçues par les communes fondatrices l’année précédant la création de la commune nouvelle.
Ces dotations seront complétées par une « dotation d’amorçage », versée pendant trois ans, au taux de 6 € par habitant Fonds de compensation de la TVA (FCTVA).
Les communes nouvelles bénéficient du FCTVA l’année même de la réalisation de la dépense, selon les mêmes modalités que les communautés de communes ou d’agglomération (états déclaratifs trimestriels).
- Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR)
La DETR soutient prioritairement les projets d’équipement des communes nouvelles.
Que deviennent les communes fusionnées ?
La commune nouvelle créée a la qualité de collectivité territoriale. Les anciennes communes qui la composent peuvent ou non former des communes déléguées.
Des communes déléguées reprenant le nom et les limites territoriales des anciennes communes peuvent être instituées au sein de la commune nouvelle, sauf délibérations contraires des conseils municipaux fondateurs.
Une annexe de la mairie chargée des actes d’état civil est créée dans chaque commune déléguée.
Le conseil municipal d’une commune nouvelle peut se réunir dans les mairies-annexes (deux réunions par an doivent au moins se tenir à la mairie de la commune nouvelle).
Le conseil municipal de la commune nouvelle peut décider à tout moment de la suppression de tout ou partie des communes déléguées (ou des mairies-annexes) dans un délai qu’il détermine.
Le maire délégué est officier d’état civil et officier de police judiciaire. Il peut recevoir d’autres délégations de la part du maire de la commune nouvelle. Chaque commune déléguée possède une annexe de la mairie où sont établis les actes de l’état civil. Le conseil municipal de la commune nouvelle peut cependant décider de la suppression des communes déléguées.
La loi du 1er août 2019 apporte des mesures tendant à rapprocher les communes fusionnées du droit commun. Chaque commune nouvelle a la possibilité de s’organiser librement, selon la spécificité de son territoire. La loi permet notamment :
- au conseil municipal de la commune nouvelle de supprimer, sous certaines conditions, une partie ou la totalité des communes déléguées ou des annexes ;
- l’organisation de conseils municipaux dans les annexes des communes déléguées.
En revanche, la loi de 2019 prolonge les mesures dérogatoires et transitoires qui permettent aux communes nouvelles d’intégrer davantage de conseillers municipaux. Le nombre de conseillers municipaux peut égaler le 1/3 de l’addition des conseils municipaux des anciennes communes, dans la limite de 69 élus.
À quelle date l’arrêté de création de commune nouvelle prend-il effet fiscalement ?
L’année de la création de la commune nouvelle est celle au cours de laquelle l’arrêté préfectoral de création a été signé.
Toutefois, selon le code général des impôts (article 1638 III) l’arrêté de création de la commune nouvelle ne produit ses effets au plan fiscal qu’à compter de l’année suivante et ce, à la condition qu’il soit signé avant le 1er octobre.
À défaut, il ne produit ses effets au plan fiscal qu’à compter de la deuxième année suivant la signature de l’arrêté préfectoral.
Réduire les écarts de fiscalité entre les communes fondatrices
Lorsque plusieurs communes décident de se regrouper pour créer une commune nouvelle, les taux d’imposition de chacune des taxes foncières et de la cotisation foncière des entreprises sont souvent différents, et c’est le cas dans la situation étudiée ici.
L’intégration fiscale progressive (IFP) est un procédé consistant à faire converger les taux de chaque taxe locale des communes qui fusionnent vers les taux que la commune nouvelle aura votés pour chacune de ces 3 taxes.
L’intégration fiscale progressive ou encore, convergence des taux des taxes locales peut s’effectuer dans la limite d’une période de 12 ans. Les taux seront identiques la 13ème année de l’IFP.
L’IFP est instituée par une délibération de la commune nouvelle, qui doit indiquer la nature des taxes (taxe foncière, taxe foncière non bâtie, cotisation foncière des entreprises) appelées à faire l’objet de cette convergence. La délibération doit également déterminer la durée de L’IFP, comprise entre 2 et 12 ans maximum. La durée peut varier selon la nature de la taxe.
Les opérations de convergence s’appliquent sur les taux d’imposition N-1 des communes fondatrices qui seront comparés aux taux moyens pondérés, lesquels deviennent les taux de référence de la commune nouvelle.
Conclusion
Tout un chacun partagera sans doute le constat que, l’union faisant la force, les démarches de mutualisation, comme celles que Sceaux et Bourg-la-Reine gèrent ensemble depuis longtemps, procèdent d’un principe positif qui ne peut que susciter l’adhésion des populations concernées.
Dès lors, faut-il ou pas aller plus loin ? Un projet de cette nature est-il ou pas dans les cartons ? Tout est question de pertinence, du contexte, de vision d’avenir pour le territoire. Grossir pour grossir ne peut être une fin en soi. Le pragmatisme – les avantages sont-ils supérieurs aux inconvénients ? – doit prévaloir et prévaudra sans doute, car la création d’une commune nouvelle est le fruit d’un consensus exprimé par les conseils municipaux des communes fondatrices (Avis favorable de chaque conseil municipal), accompagnées tout au long du processus par l’État et les organismes publics locaux, préfecture en tête.
La question du périmètre de la fusion mérite également une réflexion à part entière, surtout dans le cadre de Vallée Sud Grand Paris, le rapprochement entre Sceaux et Bourg-la-Reine est-elle la bonne maille ?
Un autre article est en préparation sur le sujet qui recensera en particulier quelques réactions des populations de nos deux villes.
Bonjour,
Conseiller municipal de Bourg-la-Reine, je découvre votre site.
Je trouve très intéressante la présentation initiale qui y est faite d’une éventuelle fusion de nos deux communes. Il est clair qu’un tel projet soulève de nombreuses questions et en particulier celle du « comment associer nos concitoyens à son étude d’opportunité ». Et, en cas de décision favorable de notre population, comment l’associer aux différentes étapes d’un projet concerté ?
Je trouve de ce fait très pertinentes les remarques déjà formulées par les différents intervenants.
A suivre.
Jean Lacoin
Cher Monsieur,
Content que vous appréciez ce que j’ai publié sur ce sujet qui occupe légitimement l’esprit des Réginaburgiens comme des Scéens. Les réactions, commentaires et échanges sur ce sujet sont plus nombreux que d’habitude dans nos colonnes et c’est une bonne chose, car cela permet de poursuivre le débat entre habitants dans la mesure où, pour le moment, il n’y a pas de discussion officielle ouverte avec les populations de nos deux villes piloté par nos deux maires qui contestent qu’un projet de fusion soit en préparation. Comme cela a été dit et répété, il est d’ailleurs possible que nous débattions « pour rien », puisqu’aucun projet de fusion n’existe officiellement en l’état. Mais il vaut mieux se poser les bonnes questions en vain que de nous faire surprendre lorsqu’il sera trop tard…d’autant que nos arguments et réflexions sont proches que l’on parle de mutualisation, de rationalisation ou de fusion. En outre, nos discussions peuvent peut-être être utiles à nos décideurs…De mon côté, un troisième article est en préparation. Il comportera une partie consacrée aux réactions de nos concitoyens interrogés lors d’un « micro-trottoir ». Je vous invite à poursuivre les échanges via LGdS. Nous n’excluons pas de changer de méthode si les contributions devaient se multiplier ! (visio, réunions, par exemple).
Bien à vous
Frédéric Négrerie
IL y a quelques années une intercommunalité fut créée entre Sceaux, Chatenay-Malabry, etc. qui devait nous permettre une rationalisation de certains engagements et de faire baisser nos dépenses, par exemple pour le ramassage des ordures. En fait notre fiscalité a augmenté de plus belle.
Quel est l’objectif final de ce projet de fusion entre nos 2 communes? Je ne suis pas contre a priori, mais j’aimerais être sûre que les responsables politiques n’en profiteront pas pour augmenter encore la taxe foncière des Scéens qui a un taux très supérieur ( 37,05%) à celui de Bourg-la-Reine ( passé de 24,42 en 2021 à 28,33 en 2022).
Il existe suffisamment de liens possibles entre les communes, du syndicat ou de l’agglomération de communes au Grand Paris pour ne pas nous imposer une fusion avec une commune voisine. D’ailleurs, pourquoi celle-ci plutôt qu’une autre ?
Sceaux est actuellement victime d’une urbanisation galopante, inutile de lui faire perdre volontairement une plus grande partie de sa spécificité.
Voilà un beau plaidoyer en faveur de cette fusion, puisque les trois points qui paraissent utiles et nécessaires n’envisagent que de :
• Susciter l’adhésion de la population,…
• Développer « l’esprit commune nouvelle »…
• Associer le personnel communal…
La décision étant implicitement prise, il faut maintenant… faire avaler la pilule. Qu’elle soit utile, bienfaisante ou amère n’est plus la question.
Et la réflexion proposée ne porte que des ajustements de détails et de périphérie.
Cher lecteur,
Comme vous le savez, LGdS tente d’exposer le plus objectivement possible les sujets abordés et c’est ce qui a été tenté ici. Nul plaidoyer donc pour ou contre une éventuelle fusion, mais la poursuite de l’approfondissement du sujet, afin d’être utile à nos lecteurs. Cette utilité est de plus en plus évidente lorsque l’on constate que des reportages télé évoquent cette fusion ou qu’une réunion publique sur le sujet a été organisée cette semaine à l’ancienne mairie par un parti d’opposition…Notons, pour finir, que par rapport à ce qui est préconisé dans l’article en matière de démocratie locale, c’est plutôt silence radio de la mairie depuis l’éditorial du Sceaux Mag de novembre…Cela va peut-être changer…
Cher rédacteur,
Ce qui m’ennuie sur le chapitre de la démocratie locale c’est que ceux qui en parlent finissent toujours par nous entraîner sur le terrain des finances. Certes ces problèmes sont importants, surtout pour ceux qui sont nécessiteux ce qui ne me semble pas être le cas des intervenants dans cette gazette, ni les rédacteurs, ni les réacteurs.
Il me semble, mais on peut ne pas être de mon avis j’en conviens volontiers, c’est que nous devrions nous occuper des problèmes urgents et concrets (ce que ne sont pas les problèmes d’impôts et de taxes) et essayer d’y trouver des solutions, tous ensemble, c’est-à-dire démocratiquement, afin d’espérer pouvoir converger vers des choix compris et partagés.
En ces temps de transitions de toutes sortes qui se tendent de plus en plus au point de menacer radicalement la vie démocratique, je deviens extrêmement nerveux devant la tentation exprimée par beaucoup pour essayer de trouver des voies dilatoires aux problèmes concrets qui se dressent devant nous.
Un rapprochement de communes étudié dans l’opacité, et sans expliciter largement et clairement à quelles difficultés de gestion communale celui-ci devrait répondre, est un bon exemple de ce qui m’agace.
Je n’ai pas lu l’article comme cela
j’ai compris que s’il y a un jour un projet de fusion (et cela ne me semble pas le cas pour l’instant), ce projet doit avoir un objectif, une utilité. Il faudra que ses éventuels promoteurs puissent montrer qu’ils veulent faire quelque chose d’utile pour la collectivité et qu’ils ont besoin pour cela d’une fusion entre communes
Pour l’instant le discours des maires peut être lu comme « coopérer est utile et on peut le faire dans le cadre actuel »
Dont acte.
Juste une question : quelles sont les limites de la coopération dans le cadre actuel, sans un aval préalable demandé aux conseils municipaux ?
Avec comme déclinaison : un simple échange de points de vue ? Des études de dossiers ? Des partages de ressources ?…
Ce questionnement est-il outrancier ? Déplacé ? Contreproductif ?
je ne sais pas
Une initiative comme le forum de la transition énergétique n’a pas eu besoin de l’aval des conseils municipaux, ni apparemment le partage de la DGS
Par contre un investissement commun comme le conservatoire ou la piscine ne peuvent probablement pas se faire sans les CM. Mais ce n’est pas un pb de toutes manières : les deux maires ont une majorité solide
La demande d’étude à Sipperec pour le projet de géothermie ne m’a pas paru être portée devant le CM.