Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Bienvenue chez les tebés

Quel réconfort que de lire la venue d’un grand de ce monde dans le petit monde des niais (entendre par là: les pas assez méfiants). Encore que celui dont je vais parler ne s’est pas fait vraiment avoir. Il a humé le truc juste avant. Mais il y était presque. Et profitons de nos futilités du samedi pour introduire un nouvel indispensable: le mot tebé.

Jean-Claude Herrenschmidt et moi, lors de coming out non coordonnés, avions déjà confessé sur la place publique d’avoir été (mais de près ou de loin seulement) roulés dans la farine. Eh bien, apprendre que David Abiker, chroniqueur sur Radio Classique, auteur d’un billet hebdomadaire dans le supplément week-end du Parisien, a connu ou disons à faillir connaître pareilles mésaventures, on se sent différent.

Les joies de l’internet de l’Administration

Dimanche dernier[1], fidèle à sa manière de se gausser des travers de notre temps, il moquait, égratignait plutôt la procédure de renouvellement du passeport. Il s’était trompé, avait confondu deux cases et ne le voilà-t-il pas embarqué dans un enchaînement idiot. Il est devenu David Abiker-David, ce qui en soi n’est pas grave si on peut revenir en arrière. Justement, ce n’est pas possible. Le site en ligne ne souffre aucun manque d’attention.

Bloqué, il s’agite. Personne à appeler, pas d’aide. Sauf à prendre un rendez-vous, mais une paire de mois plus tard. A le lire, on sent qu’il est porté à péter un câble à cause des rigidités informatiques. Son image médiatique le donne calme en toutes circonstances, les lecteurs du Parisien le voient hebdomadairement avec un bon vieux chien dans les bras, ses articles sont souvent spirituels, mais visiblement il a aussi ses nerfs. Allez savoir si ce n’est pas grâce au toutou qu’il retrouve la sérénité.

On ne sait pas comment il s’est sorti du labyrinthe déclaratif, toujours est-il qu’il a eu d’autres déboires. Il s’en est ouvert dans son billet de 01Net[2]. C’est une revue bihebdomadaire qui traite de maints sujets touchant au numérique allant des comparaisons entre matériels aux technologies d’identité numériques en passant par l’éventail des thèmes informatiques. Pour les amateurs.

Mais David Abiker y dispense aussi ses humeurs. Personnellement, je m’y régale. Que lui est-il arrivé ? Une histoire qui ressemble bien à celle que Jean-Claude Herrenschmidt a racontée dans la Gazette. On n’est pas loin de l’entourloupe à l’horodateur.

Le bon vieux coup de la carte bleue

C’est un coup de fil d’un type qui lui demande de se mettre en règle avec l’Administration pour continuer à bénéficier de sa couverture maladie. Quoi de mieux intentionné ? Le ton y est. Le type est courtois, sûr de lui. Il ne s’agit que d’étendre les prestations, rien à redire. La confiance s’installe. Pas de brusquerie. Mais peu à peu on passe aux choses sérieuses. Au détour d’une phrase, il demande les coordonnées bancaires.

Le cervelet, centre des réactions réflexes et siège de l’instinct de survie, semble avoir envoyé un signal fort à David Abiker. Il se méfie, ce en quoi il est plus malin que nous (ce qui est normal, il est très sollicité), il lance à son interlocuteur : « vous v‘foutez d’ma gueule ? ». C’est dans le texte. On lui raccroche au nez. Ce qui est peu de chose. Il y a des situations où les formules de politesse deviennent superflues.

L’intéressant dans ce récit est le regret : « Je me dis, quand même tu aurais pu le garder une heure au téléphone, lui donner de fausses coordonnées bancaires, lui poser des questions, bref, faire durer le plaisir pour bien lui dire m… à la fin. Hélas, j’ai loupé l’occasion. » Qui n’a pas ressenti pareil regret. Qui ne s’est jamais senti appartenir à la catégorie des tebé, selon l’expression apprise dans l’article, un verlan d’ado qui semble en vogue et que l’auteur a lui-même appris de sa fille de 14 ans. Le mot aide à se situer dans l’échelle des âges comme dans celle de la naïveté.

« Le pire, dit David Abiker, c’est qu’on n’apprend pas de ses erreurs ». Difficile parfois de discerner chez lui ce qui relève de l’humour ou de l’opinion. Dans le deuxième cas, espérons qu’il se trompe.


[1] Le Parisien week-end du vendredi 4 février 2022, p.10
[2] L’article cité est de 01Net n°967, du 02 au 15 février 2022, p.74

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *