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Blagis: Mettre des mots sur des maux

Le développement et le rayonnement des Blagis sont des sujets de longue durée. Avant les vacances, la Gazette avait suivi et discuté du « Parlons ensemble » initié par la mairie. Nous y revenons avec le recul dû aux mois d’été sous forme d’une réflexion qui s’exprimera par plusieurs articles. [LGdS]

Une des règles d’or en matière de communication est de ne jamais employer de forme négative. «Il faut positiver» comme le martelait un célèbre slogan publicitaire des années 80. La pensée positive a également envahi le champ du développement personnel et du management. Pour ses fervents partisans, il convient de se garder de nommer les choses négatives, car leur seule évocation pourrait conduire à l’inaction et à un comportement d’échec.

Le maire de Sceaux, qui a fait ses preuves en matière de communication, semble aussi devenu un adepte de la pensée positive. Lors des sept rencontres « Parlons ensemble des Blagis », il a introduit et conclu toutes les séances en réalisant ce tour de force de ne jamais évoquer la moindre difficulté que ce quartier pourrait rencontrer et qui aurait motivé la démarche. En revanche, il a souligné lors de chaque rencontre : le potentiel du quartier, l’amour des habitants pour Sceaux et leur quartier, et leur demande d’investissement.

Je suis pourtant persuadé que les élus ont initié cette démarche parce qu’ils sont parfaitement conscients des difficultés rencontrées, principalement par la résidence des Bas-Coudrais. Mais obnubilés par ce souci constant de positiver, ils s’abstiennent de qualifier la situation. La volonté de ne pas stigmatiser le quartier et ses habitants est louable. Peut-on pour autant faire l’économie d’une synthèse des débats ? Les élus considèrent peut-être que les 12 heures de témoignages des habitants suffisent pour se faire une idée du quartier. Examinons alors ce qui ressort des témoignages.

Malheureusement, tout et son contraire. Les Blagis : un lieu convivial ou froid, ouvert ou fermé, bien entretenu ou laissé à l’abandon ? Un lieu de mixité ou un lieu qui en manque cruellement ? Des problèmes d’insécurité ou seulement un sentiment d’insécurité ? Doit-on renforcer les équipements sur le quartier ou privilégier la fréquentation des équipements du centre-ville ? Parfois un même habitant passe d’un constat à son contraire dans la même intervention. Je ne mets pas en doute la sincérité des personnes qui se sont exprimées. Les représentations sont diverses et les contradictions existent chez chacun d’entre nous. Le parti pris d’alterner des témoignages positifs et des critiques, de solliciter aussi des habitants qui ne résident pas aux Bas-Coudrais rend le tableau final difficile à interpréter. En écoutant ces témoignages mis bout à bout, et en l’absence de débat véritablement contradictoire, il est impossible de partager un diagnostic. Tout le monde peut s’y retrouver par moment, mais personne ne peut se faire une idée précise de la situation.

Je peux, moi aussi, pratiquer la « positive attitude » et tirer de ces rencontres quelques enseignements constructifs. Il est toujours salutaire de libérer la parole pour éviter d’accumuler du ressentiment. Ces témoignages nombreux et riches permettent également de faire connaître les nombreux acteurs qui œuvrent pour le quartier. Ils peuvent donner envie de s’investir dans des structures existantes (amicale des locataires, CSCB…) ou même d’en créer de nouvelles (collectif pour parler aux jeunes, ). Mais mon esprit critique ne peut se satisfaire de ces bénéfices. Je suis mal à l’aise quand je pense aux habitants des Bas-Coudrais qui ont eu le courage de témoigner de leurs problèmes et de leur mal-être. Ils ont pris des risques, ils se sont exposés et ils attendent probablement que l’on prenne en considération leurs témoignages par la restitution d’un minimum de constats.

Les élus qui possèdent une information complète sur le quartier peuvent faire ce diagnostic et dégager les principaux enjeux. Je suis persuadé qu’il est nécessaire de le faire, dans un esprit constructif, bien sûr, en faisant la part des choses, sans cacher les problèmes, ni dramatiser la situation. Lors d’un conseil municipal en octobre, le maire présentera des actions. Une occasion pour lui de sortir de son obsession de la communication et de reconnaître les difficultés des Bas-Coudrais. Cet exercice de parler-vrai n’exclut pas les messages d’espoir et les incitations à l’action. Il peut redonner aux personnes qui se sentent oubliées, un peu de confiance dans la parole publique.

Pour paraphraser la célèbre formule d’Albert Camus, je dirai en conclusion que « Ne pas nommer les choses, c’est ajouter aux difficultés des Bas-Coudrais ».

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