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Attirer le travail

Sceaux Smart, l’espace de coworking de la rue Gaston Levy fête son 5e anniversaire. Sceaux Mag de décembre 2020 raconte la progression impressionnante de son activité depuis 2015 et cite en particulier les 25% gagnés en 2018, l’ouverture d’un lieu additionnel en 2019, le Petit Voisin, et l’explosion du télétravail en 2020 que l’on connaît.

Si les circonstances sanitaires expliquent en partie cette forte croissance, la volonté persuasive de Valérie Andrade y prend une large part. Elle pilote le lieu avec une imagination et un sens de l’accueil qui transforment l’espace de travail en espace de vie tout court.

En même temps, cela s’inscrit dans une tendance lourde. Dans Le Figaro[1] Marc Sabatier, fondateur du collectif cabinet de conseil Julhiet Sterwen, estime que la « … crise sanitaire n’a fait que confirmer et accélérer un mouvement qui existait déjà depuis quelques années : l’éclatement des lieux de travail et la montée en puissance des tiers lieux de travail ».

Le télétravail à la maison

Une femme interrogée dans le cadre d’une enquête réalisée par Libération[2] explique : « Mon compagnon est lui aussi obligé d’être à la maison. Comme on passe la journée au téléphone ou en réunion, on ne pouvait pas être tous les deux assis à une même table. On a organisé un bureau dans notre petite chambre pour lui et je suis installée dans le salon. Avant la crise, lorsque je rentrais du bureau à vélo, je coupais vraiment. J’arrivais chez moi, l’ordi était éteint et le téléphone pro rangé. Depuis le début de la pandémie, je termine souvent tard le soir pour checker une dernière fois mes mails. On ne se rend pas compte qu’on n’arrive pas à déconnecter. Une nouvelle économie du temps se met en place. »

Une enquête menée par des universitaires[3] montre que « les femmes restent plus exposées à des risques d’épuisement que les hommes. Le télétravail tel qu’il a été organisé a en effet contraint les salariés à travailler en présence de personnes dépendantes, généralement des enfants. Parmi les télétravailleurs, les femmes ont été plus accaparées par des personnes dépendantes, c’est-à-dire demandant « plus de 4 heures d’attention qui empiètent sur le temps de travail » chaque jour. Elles sont 10,3% des répondantes, en France, à être dans ce cas extrême, contre 7% des hommes. »

Rappelons que le télétravail à la maison a eu le grand mérite de répondre rapidement à une situation d’urgence. Par nature, il a été improvisé et les enquêtes précédentes témoignent de conséquences inévitables : la difficulté à trouver des compromis entre vie professionnelle et privée. Leur séparation répond à un besoin profond qui a un rôle protecteur.

Le télétravail en tiers-lieu

A côté de ces situations de télétravail isolé, de nouvelles formes émergent, dont celle de corpoworking, que Pierre Souloumiac, Directeur Régional Adjoint chez Action Logement Services, défend. Dans la Tribune du 5 décembre 2020[4], il présente le « concept » comme « un tiers-lieu conçu par les entreprises pour les salariés ». Une entreprise, pour des raisons diverses, estime pertinent de répartir sa présence sur des lieux distants, dans des locaux qui ne lui appartiennent pas forcément (ce qui n’est pas nouveau) et éventuellement partagés.

Pierre Souloumiac y voit de multiples bénéfices : « Cela contribue à revitaliser les villes moyennes, dit-il. Nous améliorons le quotidien des salariés qui se déplacent moins et gagnent en pouvoir d’achat. Des tonnes de Co2 sont économisées et l’entreprise optimise son immobilier d’entreprise. Elle va pouvoir alléger l’immobilier du siège au profit d’un immobilier beaucoup plus liquide… »

Complétons. Le télétravail en tiers-lieu répond au principal inconvénient du télétravail chez soi : l’isolement. Pour Maxime Besson-Vivenzi[5] :« Le télétravail à 100% est incompatible avec la nature humaine. Personne n’a envie de cela. Le collectif, plus que jamais, est essentiel. Seulement, nous allons basculer dans un monde où nous allons moins nous voir, mais mieux nous voir. » Relativisons son propos, l’homme dirige une entreprise qui offre du tiers-lieu. Mais l’argument ne tombe pas pour autant. On a besoin les uns des autres 😉 Qui s’en plaindra. N’entend-on pas autour de nous des témoignages du sentiment de solitude professionnelle, de la perte d’une dimension essentielle du travail ?

De nouvelles perspectives

Le tiers-lieu comme moyen terme entre l’entreprise et l’individu permet d’envisager des espaces de progression. La présence dans un collectif, la proximité avec l’habitat. Reste à voir, et ce n’est pas simple, comment rester partie prenante de l’entreprise, comme inclure sous des formes adaptées des gestions de projet capables de rassurer les managers sur le suivi et la confidentialité des travaux.

L’enquête universitaire citée plus haut donne un début de réponse à ces questions : « Le sentiment de méfiance qui ressort de notre enquête est en effet faible : une minorité de salariés pensent que « les membres de leur équipe en télétravail passent du temps à faire autre chose que les tâches qui leur sont assignées. » Les managers étaient parfois présentés – avant la crise du coronavirus – comme un frein à la diffusion du télétravail du fait de leur sentiment de perte de contrôle. Or, 65 % des managers (contre 60 % des non-managers) affichent une confiance élevée à l’égard des membres de leur équipe. Seuls 10 % avouent être méfiants. »

Puisse ce nouvel état d’esprit favoriser une meilleure répartition du travail entre les villes d’Ile-de-France.


[1] Site web, article du 26 novembre 2020, « En télétravail oui, mais pas à la maison ! »
[2] Libération, 23/11/2020, « Maintenant, le travail à distance, on connaît », propos recueillis par Charles Delouche Bertolasi et Fanny Guyomard
[3] « Enquête scientifique sur le télétravail – Pendant le confinement : des télétravailleurs surchargés, mais globalement satisfaits. », publiée le 12 juin 2020 sur le site de TBS (Toulouse Business School).
[4] La Tribune du 5 décembre 2020, « Avec Action Logement, le projet de corpoworking entre dans sa phase concrète à Toulouse »
[5] Fondateur de Metafore

  1. Dominique Seban Dominique Seban 17 décembre 2020

    Ajoutons que Sceaux Smart a commencé il y. a 5 ans avec une page blanche, beaucoup d’huile de coude, et la très forte intuition de Valérie Andrade sur le développement du coworking, une réalité à peine émergente alors en France. Sceaux Smart n’est pas le nième tiers lieu de l’Ile de France mais un précurseur et une référence de cet écosystème. Souhaitons à Sceaux Smart de prolonger tous ses projets, avec l’audace et la persévérance qui ont présidé à son succès.

  2. Andrade Valérie Andrade Valérie 10 décembre 2020

    Merci Maurice de mettre ici Sceaux smart en lumière. Le télétravail est devenu la norme, le pas de progrès est énorme même si nous savions depuis longtemps que le phénomène était irréversible. C’est encore plus vrai et plus palpable aujourd’hui. 82% des salariés veulent continuer de télétravailler. Par contre, le recours au coworking reste encore timide et nous sommes impactés par la crise sanitaire. Au niveau national, la baisse des revenus des espaces comme les nôtres est en moyenne de 30%. Il nous faut tenir car là aussi les  prévisions sont très encourageantes. 46% des entreprises veulent rationaliser leurs m2 et mixeront entre des locaux fixes plus petits et des solutions alternatives telles que le coworking. Autre grande avancée toute fraîche, le coworking  est enfin et officiellement identifié comme une alternative au télétravail à domicile dans la nouvelle définition du télétravail de l’accord interprofessionnel conclu entre le MEDEF et les différents syndicats CFDT CFE CGC CC. Au niveau national, avec Cowork in France, association à laquelle nous sommes membres , nous travaillons sur un projet de chèque mobilité dans le cadre de la Loi LOM qui permettrait de financer la période de transition durant laquelle les entreprises vont revoir leurs baux immobiliers. En attendant, beaucoup de télétravailleurs convaincus par le coworking payent à leurs charges leurs postes en coworking. Par chance, à Sceaux, inscrits dans le cadre de l’économie sociale et collaborative et en partenariat avec la Ville de Sceaux, nos tarifs ne sont pas prohibitifs.

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