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Violences, police et droit

Ce qui s’est passé samedi 28 au soir place de la Bastille, le policier à terre frappé par plusieurs individus, et le tabassage de Michel Zecler par des policiers le samedi précédent dans le 17ème arrondissement ne s’excusent pas mutuellement. Les faits sont inadmissibles dans les deux cas. Il n’est pas acceptable que des casseurs mettent le feu aux poubelles et aux voitures, cassent les vitrines et les abribus, cherchent à casser du flic. Il n’est pas acceptable que des policiers, « gardiens de la paix » se transforment en brutes aux dépens d’un passant. Ce qui donne sur Twitter ceci :

« Les violences policières sont inadmissibles. Les violences contre les forces de l’ordre sont inadmissibles. Tout discours consistant à utiliser les unes pour justifier ou minorer les autres est honteux. »

Les policiers étant des personnes à qui on donne des moyens d’être violents (matraques, arme diverses…), il est utile de préciser à quelles conditions on peut parler de « violence policière », ce que fait Wikipédia :

La violence policière, ou brutalité policière, caractérise l’action violente conduite par des policiers, dans l’exercice de leurs fonctions, envers d’autres personnes hors du cadre défini par la loi. On parle de bavure policière dans les cas les plus graves, en particulier dans les cas conduisant à la mort de la personne violentée. Sous le terme de violence policière, on regroupe différents actes d’abus policiers tels que l’abus de surveillance, l’arrestation frauduleuse, l’intimidation, la répression politique, l’abus sexuel.

La violence policière est autorisée dans le cadre de la loi lorsqu’elle est commanditée par le gouvernement dans le but de protéger les citoyens d’actes criminels. Mais, même dans ce cadre, les policiers sont tenus de n’employer la force qu’à des fins légitimes ou pour exécuter des ordres légitimes et ce, proportionnellement au risque couru.

La notion de fin légitime et celle de proportionnalité de l’action sont majeures. Elles ne sont pas toujours simples à établir, ce qui explique qu’une évaluation d’un événement (par l’IGPN par exemple ou par la justice) puisse déplaire. Les conclusions ne vont pas forcément dans le sens de ce que pense l’observateur n’ayant ni l’expérience de ce genre d’évaluation ni une connaissance approfondie des faits. En France, il existe des cas où les évaluateurs (IGPN ou justice) ont conclu à une faute et des cas où la conclusion fut inverse. On ne peut en conclure qu’il y a un biais dans un sens ou dans un autre.

Violences des individus et des groupes

La crise des Gilets Jaunes a connu des épisodes très violents. On se souvient par exemple de l’incendie d’une partie de la préfecture du Puy-en-Velay, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. La violence est venue d’une partie des Gilets jaunes eux-mêmes, d’activistes d’ultragauche et d’ultradroite venus dans un but insurrectionnel, et de pillards venus vandaliser des magasins. L’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie, qui avaient stocké des bouteilles de gaz et en avaient jeté plusieurs dans des feux, est révélatrice de l’inconscience de certains dans l’utilisation sans limite de la violence. Les premières actions des Gilets Jaunes autour des ronds-points ont occasionnées une dizaine de morts, dans leurs rangs ou celui des passants (la plupart pouvant probablement être rangés dans la catégorie des accidents de la circulation). Et que dire de ces manifestations pour lesquelles aucune demande n’a été faite ? Dans lesquelles se mélangent des individus violents et d’autres qui, armés d’une caméra ou d’un téléphone, ne semblent attendre que l’occasion de pouvoir filmer une bavure, sans jamais filmer les provocations des manifestants ?

Des violences de toutes sortes, on en trouve bien sûr dans le pur gangstérisme ou pour couvrir des activités délinquantes. L’action de la police est rarement mise en cause par la population dans ces situations (ce qui ne prouve pas que les comportements policiers y soient toujours proportionnés !). Quand la police se retrouve dans un véritable traquenard après avoir été appelée sur le terrain, quand certains attaquent des commissariats, on comprend toute la difficulté du métier. Des motifs plus généraux (ou généreux !) affichés dans d’autres circonstances sont convoqués pour justifier les comportements violents, que ce soit dans des manifestations ou des actions de lutte contre tel ou tel projet ? Comment trouver normal un slogan comme « Tout le monde déteste la police » ?

Violences policières

Le mouvement des Gilets Jaunes a conduit aussi à des reproches récurrents contre les forces de l’ordre, pointant notamment les nombreuses blessures subies par les manifestants. Si on peut se demander si les blessures à la main n’illustrent pas surtout la bêtise (ou au moins le mauvais réflexe) de celui qui ramasse une grenade explosive, l’utilisation des LBD a fait polémique, les observateurs les plus qualifiés faisant remarquer que ces armes ne sont pas autorisées chez nos voisins (Allemagne par exemple).

Au-delà de ce cas particulier, peut-on considérer qu’il y a beaucoup de cas de violences policières en France et sont-elles en augmentation ? Le défenseur des droits voit le nombre de plaintes qui lui sont adressées augmenter fortement avec le temps : 363 en 2011 et 1520 en 2018. Cette progression s’explique-t-elle par une augmentation de la violence ou par un plus grand taux de recours en cas de problème ? Peut-être les deux ?

Entendu ce matin sur France Inter, Sébastien Roché, directeur de recherche au CNRS, faisait remarquer que la durée de formation d’un policier était de 8 mois en France, contre 24 au Danemark et 36 en Allemagne.

Qui a regardé quelques séries policières françaises aura pu remarquer que les instances de contrôle de la police y sont systématiquement dénigrées (avec le surnom de bœuf- carottes mais aussi l’affirmation que ceux qui en font partie ne connaissent rien aux réalités de terrain). Si cela signifie qu’être du côté des forces de l’ordre conduit à ne pas accepter qu’on contrôle leur comportement, nous avons collectivement un problème !

Ces derniers jours, j’ai entendu ou lu plusieurs fois le nom de Pierre Joxe comme exemple d’un ministre qui a voulu une police à la fois exemplaire et moderne (par la création d’une direction de la formation, la professionnalisation, la généralisation de l’outil informatique, le développement de la police scientifique, selon sa page Wikipédia). Difficile de juger du bien fondé de cette position sans être spécialiste. On peut cependant noter que le souci prioritaire de la professionnalisation des forces de l’ordre n’apparait dans les pages Wikipédia d’aucun des 20 ministres qui se sont succédé au ministère de l’Intérieur depuis 1991 !

Dernier point, à propos de l’affaire Michel Zecler : le plus inquiétant est-il que 3 policiers se soient laissés emportés dans le feu de l’action vis-à-vis d’une personne qu’ils estimaient dangereuse ou que plus de 20 policiers aient tranquillement regarder l’un d’entre eux tabasser un suspect à la sortie du local ? Si on peut parler pour les trois policiers de « brebis galeuses » ne faut-il pas voir à travers le comportement des 20 autres un problème systémique ?

Respect du droit

L’existence de forces de l’ordre est une nécessité dans un État de droit. Mais un État de droit ne peut tolérer que les forces de l’ordre ne respectent pas le droit. Collectivement, elles ne le font pas, mais sur un effectif important, le risque est évident qu’il y ait des brebis galeuses. Donc la question se pose en permanence de la manière d’éviter que quelques individus dérogent à ce qu’elles doivent respecter, comme on l’a vu dans le 17ème arrondissement samedi 21 novembre. Une investigation rapide ne permet pas de montrer que ce souci soit celui de nos 20 derniers ministres de l’intérieur. Quelle serait une action efficace ?  On en reparlera !

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