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Le démolisseur de la Bastille

Le 30 novembre 1793 (10 Frimaire An II), Sceaux, renommée Sceaux-l’Unité, célébra la fête de la Raison et l’inauguration des bustes des martyrs de la Liberté, tel Marat, assassiné quelques mois plus tôt. L’organisateur de la cérémonie était alors une personnalité bien connue des Scéens, des Parisiens et même de toute la France : Pierre-François Palloy, celui que l’on appelait le démolisseur de La Bastille. Entrepreneur en bâtiment, il n’avait pas attendu l’autorisation officielle pour détruire l’ancienne prison devenue le symbole de la monarchie et la tyrannie. Mais il ne se contenta pas de la démanteler : « communicant » avant la lettre, soignant son image, il eut l’idée d’envoyer des pierres de La Bastille gravées du texte de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen à travers tout le pays, de vendre des reproductions de la prison et même de forger des médailles avec les fers de chaînes trouvés dans les cachots, le tout accompagné d’enthousiastes déclarations révolutionnaires.

Le « patriote » Palloy et sa famille fréquentaient Sceaux depuis les années 1780. Pendant la Révolution, il adhéra à la Société populaire de la ville qui réunissait les plus ardents Jacobins. Il s’y distingua en organisant, entre 1791 et 1794, différentes fêtes : fête de la Liberté, de la Fraternité, des vieillards et d’Agricol Viala et de Joseph Bara, deux enfants morts pour la Révolution. Pour l’occasion, on invita même la mère de Viala qui était né à Palaiseau. On aimait en effet, en ces temps révolutionnaires qui voulaient changer le monde et le cœur des hommes, réunir le peuple autour de célébrations à la fois touchantes et grandioses.  

Si la popularité de Palloy était indéniable dans la ville de Sceaux où il fit construire vers 1795 une maison qui existe toujours rue des Imbergères, elle subit des éclipses à Paris. En 1794, il fut accusé de concussion, emprisonné quelque temps, sauvé par des amis. Il célébra son élargissement par une déclaration retentissante signée de sa main et de celle de sa femme, de son fils et même de sa fille « révolutionnaire pour toujours ». C’est elle en effet qui représenta la Liberté (ou de la Raison, cela dépend des historiens), coiffée d’un bonnet phrygien et habillée d’un tricot couleur chair qui laissait voir ses belles formes.

Après ces instants de gloire, la fortune de Palloy se mit à pâlir, tout comme son ardeur révolutionnaire. Il eut beau rédiger des odes successivement à Napoléon, Louis XVIII et Louis-Philippe, il vécut dans la gêne jusqu’à sa mort à Sceaux en 1835.

Pour aller plus loin

  • Gourdin Jean-Luc, La république de Sceaux. Un siècle, un village, des hommes, 2e volume, Patrice du Puy Editeur, 2001.
  • Bocher Héloïse, « Le patriote Palloy et la démolition de la Bastille. Un succès par les réseaux ? », Hypothèses, 2011/1 (14), p. 247-257. DOI : 10.3917/hyp.101.0247. URL : https://www.cairn.info/revue-hypotheses-2011-1-page-247.htm

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