Il peut arriver bien des choses sur un banc public, surtout lorsqu’il borde de considérables pots de fleurs. Prenez la roseraie, le charmant petit parc, juste en face de la station RER Fontenay-aux-Roses. On s’y balade lentement, on s’y détend. Ce calme repli du monde permet la conversation. Voilà un homme qui revient de Jerez de la Frontera, en Andalousie, et qui a envie d’en parler. Entre deux pluies, sur un banc encore sec, il raconte.
Les chevaux qui dansent
Jerez est à une petite heure en train de Cadix. Elle est très connue pour son vin d’apéritif qui porte son nom quand ce n’est pas celui de Xérès. En fait, « ce que nous connaissons en France, c’est de la gnognotte par rapport à ce qu’ils font, vous n’avez pas idée ». Mais, avant d’en dire plus, il faut savoir que Jerez est aussi un haut lieu espagnol de l’art équestre. Il y a une école avec des manèges, des écuries superbes, des salles toutes en boiseries où sont entreposés les harnais. Il y a aussi des voitures et des carrioles travaillées dans des bois luisants et des cuirs épais. Un petit musée les présente.
Ah ! ce spectacle dans une arène avec des chevaux qui dansent ! « Croyez-moi, c’était époustouflant ! » C’est un ballet équestre accompagné de musique espagnole et de costumes style XVIIIe siècle. Des mouvements improbables des chevaux avec des déplacements de côté, des sauts et des cabrioles forment des chorégraphies qui laissent deviner un dressage appliqué. Ce talent se voit d’autant mieux lors des carrousels de chevaux et de cavaliers, mais aussi d’attelages qui se déplacent dans une parfaite coordination.
Fermentation étrange
A la découverte du savoir-faire équestre s’ajoute celle de ces vins peu connus par ici. Ils sont difficiles à trouver, à moins peut-être d’y laisser sa chemise. Alors que ce sont en Andalousie des vins populaires d’un prix très abordable. On prendra facilement un verre de fino avec une petite assiette d’anchois marinés ou des olives. A quoi ça ressemble ? A première vue, on dirait un blanc. Ce qui n’est pas faux puisqu’il est blanc. Mais le goût est bien différent. D’abord avec ses 15° il est un peu plus alcoolisé (l’abus… est dangereux… etc…,). Ensuite, il est très sec et d’une amertume singulière (c’est pourquoi il est mieux avec des anchois). Et avec des chips ? Oui, c’est bien aussi, mais des chips espagnoles. Notez qu’elles sont grasses.
Le vin français qui est travaillé dans le même esprit est le vin jaune. Un vin du Jura connu pour ses arômes de noix et certains disent de curry. On aime ou on n’aime pas. Il est très clivant. Travaillé dans le même esprit, kesako ? « Pendant son élaboration, la « part des anges » celle qui s’évapore naturellement dans les fûts n’est pas compensée. » Une sorte de voile se forme au-dessus du vin en formation, il vieillit sous un voile de levure et … ça le rend si particulier.
L’homme hésite. « En fait, le processus est compliqué. Allez voir sur Wipkipedia à « vin jaune » pour des détails. » Mais si des lecteurs peuvent éclairer ces phénomènes, leurs explications seront les bienvenues à la Gazette.
L’essentiel
Bueno, mais l’important est que le fino n’est pas le seul vin de la région de Jerez. Vous avez la Manzanilla (pas la camomille ! le mot a plusieurs sens), c’est comme du fino, mais un peu plus quelque chose. « Je n’ai pas trouvé quoi. » Il y a l’Oloroso, l’Amontillado, le Pedro Rodriguez un cépage d’enfer qui donne un vin sombre comme un Banyuls.
A Puerto Santa Maria, les caves de Grant ou d’Osborne, installées depuis longtemps, montrent que des Anglais n’ont pas hésité. Preuve qu’il y a de la qualité. Les Anglais ont depuis trois bons siècles le nez creux en matière de vins. Ils ont bien développé Bordeaux et Porto.
De ce brillant échange avec un voyageur, retenons que le pied de vigne et le sabot sont à Jerez ce que la fontaine et les roses sont à Fontenay. L’héraldique décrit ainsi le blason de la ville : D’azur à la fontaine d’or jaillissante d’argent, posée sur une terrasse du même, au chef d’or chargé de trois roses de gueules boutonnées d’argent. Avec un peu d’imagination, on peut se transporter dans une de ces cathédrales andalouses toutes chargées d’ors, de saintetés et de fleurs et admirer les façades depuis un café où le soleil jette sur le verre de fino un voile supplémentaire.