MJC SCEAUX Josselin Auger, Josse pour les intimes, est à l’impro théâtrale ce que l’entraineur est aux sports de balle: il montre et il stimule. A la MJC, Josse encadre 3 groupes : ados, adultes débutants et adultes avancés. Si l‘excellence au ballon tient à la qualité des passes, des esquives et de l’avance vers le camp averse, dans l’impro on cherche plutôt le lâcher-prise, la spontanéité, la répartie. Ce qui nous manque parfois.
L’équipe scéenne, les Sorciers, affrontait dans un match amical La Liane de Paris. La salle de spectacle de la MJC se prêtait bien au hard rock lancé pour chauffer la salle. On tape dans ses mains. MC, le maître de cérémonie, danse sur la scène. Mettre l’ambiance. « Bonsoir, vous allez bien ? …. J’entends mal ! On la refait. Vous allez bien ? » Cette fois-ci le public réagit. Pas possible de ne pas entendre…. D’une voix forte, il annonce : « Les histoires seront ce soir uniques, éphémères, ensuite elles disparaitront ! »
Sur un rythme charleston, les deux équipes arrivent sur scène avec des maillots de sport numérotés. Ce théâtre-là est considéré comme un sport. Échauffement réglementaire. Ils se mettent tous ensemble, forment une mêlée disent de plus en plus fort « tictac, tictac ! » De plus en plus vite. Ils tournent, les joueurs se vident, ils tombent, même pas mal, se relèvent d’emblée. Mouvements. Voix entremêlées comme dans les aéroports. Ils disent n’importe quoi. Ils sont vidés, prêts pour les impros.
L’impro n’est pas n’importe quoi. Elle a ses règles.
Règles : pour chaque « match », l’arbitre, Josse, donne le thème, la catégorie et le temps imparti. S’il dit 3 minutes, le public doit crier (pour une raison qui reste obscure) « 3 minutes !! Oh la la, c’est long ! ». Compris ? Oui ! A son arrivée sur scène, Josse est hué. Signe que le public connaît les codes. L’arbitre est sifflé, le MC applaudi. Ils sont antagonistes.
Dans l’impro, chacun sur scène invente l’histoire, la met en scène, l’interprète. Mais, il y a un gros mais, il faut être cohérent avec les autres. Pire, les matchs d’impro intègrent deux contraintes (c’est plus rigolo) : le thème et la catégorie. Le thème est un lieu, un mot, une idée, un contexte, qui doit nourrir l’histoire ; il peut venir de l’arbitre ou du public.
La catégorie est la façon imposée de mener l’impro. Cela peut être une figure de style (à la manière de, le film d’action, un soap-opéra). Cela peut être une posture : on doit, tout en déroulant l’histoire, se tenir figé dans une position du départ. Pour Josse, « une catégorie est la mise en difficulté. C’est elle qui crée la bienveillance du public. Si je réussis, je suis au top. Si j’échoue, on me soutient parce que : Ouaf, c’est dur ! ». Il souligne ensuite que : « même dans une improvisation libre on peut se mettre volontairement des contraintes à soi ou à nos partenaires de jeu. »
Impro mixte
On démarre la soirée avec le thème verre, vert, vers (entre les homonymes, on ne peut pas deviner). Catégorie, carré hollandais. Quesako ? Vous allez voir, c’est sympa. Les équipes devront alterner dans cet ordre quatre styles « à la manière de ». 1) Western 2) Soap-opéras 3) Drame noir 4) Dessin animé pour enfants. On change de registre au coup de sifflet.
Hey Joe, t’as le meilleur patron du saloon. Sûr. Accent cowboy, on crache (pas en vrai). Une histoire de sales types qui veulent mettre la main sur les ranchs… Sifflet. Brenda, ce n’est pas ce que tu crois. Tu ne dois pas me soupçonner. Scène languissante… Sifflet. L’inspecteur Morlay apparaît avec un acolyte. Ils causent d’une sombre affaire. Sifflet. Voix d’enfants super joyeuses. Ouiiiiii, Kouki… quel jour sommes-nous ? Celui de la grande foire ? Ouiii ! Au public : vous êtes d’accord avec Kouki ? C’est le jour de la grande foire ? Etc… Sifflet. Alors, comme ça Joe, on veut aussi faire main basse sur le saloon ? Te fous pas d’ma g… Les Indiens vont bientôt arriver… Sifflet. Julien, ne me prends pas dans tes bras… On se jette l’un sur l’autre, on se repousse… Sifflet. Morlay poursuit l’enquête. Terrible situation. Sifflet. J’ai perdu la bague de Shoopy !! Les amis, avez-vous vu la bague de Shoopy ?
Mine de rien, 4 couples qui ne se connaissent pas (un de chaque équipe) qui alternent les rôles… pendant 5 minutes…. ce n’est pas du gâteau. Mais l’effet comique des ruptures continuelles de style est garanti. Et visiblement, ils s’amusent et ne restent jamais secs.
Faute ! L’arbitre, « arrogant » à souhait donc hué, appelle les capitaines des équipes. On sent qu’il va sévir. Oui, il y a eu faute. Le thème vert (ou verre, vers…) où était-il ? Je n’ai pas entendu. Le capitaine des Sorciers ne manque pas de répartie : « Dans le fruit ! »
Impro comparée
Cette fois-ci, chaque équipe joue sa partition. Thème : bras long et courte vue. Trois minutes. Le public : « 3 minutes ! Oh la la, c’est long ! »
Caucus. Ce qui veut dire que les équipes ont un petit temps pour se concerter. Les Sorciers partent sur la clinique d’un docteur qui opère les membres courts. Les mains, les bras… Autre chose de trop court ? demande l’infirmière. Le public apprécie. D’autres chirurgiens arrivent. Le patient a peur… On imite un accent allemand, puis un accent russe. Pourquoi ? Pourquoi pas ?
Au tour de La Liane. Rien à voir. Ils sont sur un bateau qui s’appelle le Bras long. Il y a un perroquet (il envoie les ordres), un gros bidon à la cuisine, un capitaine et une vice-capitaine. Ils vont bientôt arriver sur une île ou tout va bien. On y boit du jus de papaye.
Sifflet. Vote. L’arbitre roule des mécaniques.
Mes mains viennent de derrière
On ne va détailler toutes les catégories. On comprend que la seule limite est l’imagination. Citons seulement quelques types épreuve. Thème : je sais que tu sais. Catégorie : clé de bras. MC explique : les joueurs vont par deux, se collent l’un à l’autre. Celui qui est derrière joue les mains de celui qui est devant.
Impro contrariée. Contrariée veut dire qu’au terme du caucus, chaque équipe dit à l’autre ce qu’elle a imaginé. Et on échange les idées. L’impro n’en est que plus …. impro. Thème : le 5e sens. Catégorie : libre. Caucus.
Une équipe part sur une histoire d’un médium qui reçoit les parents d’un fils dont ils sont sans nouvelles. L’autre équipe se situe à la création de l’humanité et joue l’arrivée des sens aux hommes. Le corporel intervient beaucoup.
L’arbitre réprimande le deuxième groupe (houhou, fait le public…). Un des personnages s’appelle Louis. C’était bien vu. Mais pourquoi se jette-t-il par terre comme pour simuler le toucher. Vote. Péché pardonné.
Impro mixte. Thème : roi de la poisse. Catégorie la boucle est bouclée. Ça veut dire que, tenez-vous bien, il faut que chaque personnage appelle un autre personnage de son équipe pour une raison suffisamment claire pour qu’il sache quoi faire. Jamais plus d’un joueur par équipe sur scène. Le dernier personnage doit appeler le premier (la boucle est bouclée). Quand une équipe choisit son personnage, l’autre équipe s’adapter. Évidemment, il faut que l’histoire tienne debout.
N’essayez pas de faire rire
Les possibilités du jeu sont infinies. Josselin Auger est intarissable sur les catégories possibles : le doublage d’un film (avec le décalage lèvres et mots), ou bien rimer, ou encore chanter, ou rester immobile. Il y a l’impro dégressive : on joue une première impro, puis on la rejoue en moitié moins de temps, et on recommence en moitié moins encore, etc… Jusqu’à ce qu’il ne reste plus que quelques secondes pour l’action élémentaire. (La substance ?)
Pour Josse, un match, par défaut, s’oriente vers la comédie. Le drame est plus compliqué à improviser et l’horreur plus encore. La « spontanéité, dit-il, est une arme atomique en comédie. Elle attrape le moment drôle dans des moments inattendus. »
« N’essayez pas de faire rire, conseille-t-il, ça ne sert à rien. Soyez spontané. Assumez vos erreurs. » On montre sa vulnérabilité et des décalages qui engendrent du comique. « Le public attend qu’on se plante. »
Josselin Auger a commencé l’impro voilà 11 ans, à la TIPS (Troupe d’Impro Paris-Saclay). Il est alors étudiant à l’école d’ingénieurs de la fac d’Orsay. Un soir, par hasard, il assiste à un spectacle d’impro de la TIPS. Il est conquis. C’est pour lui. En parallèle de ses études d’informatique, il participe à des matchs d’Improvisation ou à des cabarets joués par la seule troupe. Puis il est recruté par les Gibbons masqués et se produit régulièrement dans les spectacles de la troupe. Au théâtre de Ménilmontant, par exemple, à la Comédie Saint-Michel. Il y eut Best-seller, un spectacle de cabaret ; Confession, une impro d’une heure, dans le registre dramatique ; Impr’Hollywood sur le thème du cinéma. Les personnages entrent en tant qu’acteurs, jouent, puis redeviennent acteurs. Avec une contrainte de rôles prédéfinis.
Un antithéâtre
Dans l’impro, il faut s’adapter aux propositions, aux réactions des autres. « Si un personnage se fait menaçant, dit le coach, il faut jouer le menacé. Si le public rit alors que le thème est dramatique, il faut suivre », c’est-à-dire entendre et comprendre ce qu’il attend, ce à quoi il réagit. Voilà pour la partie spectacle.
Pour la partie développement personnel. Il y a le côté ludique. Prendre du bon temps n’est pas le perdre. Il y a les aptitudes théâtrales : placer sa voix, associer le corporel, utiliser des objets. Mais au théâtre, on déroule et on incarne au mieux un texte existant. Dans l’impro, il faut réagir immédiatement à tout ce se passe autour. Sous contrainte. On sent qu’on y apprend quelque chose de la vraie vie.
Horaires et inscriptions
- 11-17 ans : Jeudi 18h-19h30
- Adultes Débutants : Lundi 20h15-22h15
- Adultes Intermédiaires/Avancés : Jeudi 19h45-22h
Pour inscriptions ou renseignements
- Accueil MJC : 21 rue des Écoles, 92330 Sceaux
- Tel : 01 43 50 05 96
- Mail : contact@mjc-sceaux.com