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Jardin des oubliés

LIRE Mouloud Akkouche a publié récemment aux éditions Gaïa/Actes Sud, Jardin des oubliés. Il est l’auteur d’une dizaine de romans, de nouvelles et de pièces radiophoniques. Celui-ci est suffisamment rare pour qu’on n’hésite pas à en parler. Surtout en ces moments de vacances, avec son temps de lire, et de cadeaux avec son temps d’offrir.

Le roman est singulier dans sa prose et il est étrange dans son histoire. C’est un conte moderne avec un imaginaire chargé de sens très réels. Le personnage principal est une sorte de Robinson non pas isolé dans une île perdue au milieu des mers mais dans une île, territoire gentrifié aux belles villas, dont les habitants sont partis. Il est seul, prend soin du sol et des maisons.

Il prend soin aussi, si l’on peut dire, de corps de marins ou d’ouvriers peut-être tombés de bateaux-usines « ces nouveaux carnassiers de métal » qui dépècent la mer « quand l’horizon se transforme en un mur noir ». Tous ces noyés, il les enterre consciencieusement au fond du champ des Dunes. Dans le Jardin. Celui des oubliés.

Il est régisseur et seul témoin de ce qui lui arrive, seul avec deux chiens, Sud et Nord. Régisseur, comme son père et son grand-père. Il assure des chantiers dans les villas. Leurs propriétaires ne reviennent plus dans l’île. Plus aucun avion, ni hélicoptère, ni téléphone. Il pourvoit à l’entretien quand même. Son atelier est dans un ancien séchoir à poissons dont l’odeur colle à la peau. « Ses repas sont rythmés par son potager, le poisson et les réserves. »

Avec elle

Le tour complet de l’île, La Vaurély, c’est quatre ou cinq heures à pied. Des goélands volent en cercles concentriques.

Après sept ans sans avoir vu un vivant, apparaît un jour, une échouée, « arrivée dans son histoire ». Rien pour l’identifier. C’est une femme d’une trentaine d’années, blonde qui semble avoir perdu la mémoire. Au début incapable de se déplacer, elle le suit du regard, sans faire un geste ni prononcer un mot. Il lui adressera des signes. Elle sera plus tard avec lui sur les chantiers des villas.

Le livre, dont on ne dévoilera pas le cours, pourrait sembler funèbre. Il ne l’est pas. L’écriture est trop intense et rêveuse. Il parle du temps qu’il fait et du temps qui passe, de la mémoire et de l’oubli, d’une rencontre lente et prudente. Les personnages sont dépeints avec une délicatesse qui leur donne force et présence, force parce qu’aux prises avec une solitude qu’ils dépassent, présence parce que l’imaginaire du lieu est pénétré de quotidien et de gestes ordinaires. La compagnie du vent, de la mer et du sable investit les personnages d’une beauté digne et émouvante et donne à ce livre très facile à lire une profondeur qui s’impose à notre insu.

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