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Conséquences d’un accident nucléaire majeur

Le nucléaire peut éradiquer toute vie sur terre pour certains antinucléaires quand les pronucléaires souligne que c’est le mode de production d’énergie qui a fait le moins de victimes. La position s’appuie sur une évaluation implicite du danger de la radioactivité. Le sujet a été évoqué dans un article précédent : le danger de la radioactivité dépend de la dose reçue. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la formule de Paracelse s’applique : c’est la dose qui fait le poison.

La notion d’accident majeur

L’échelle Ines (ou Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) classe les événements nucléaires civils selon leurs risques radiologiques. L’échelle est de 1 à 7. Les trois premiers niveaux sont ceux des incidents. Les suivants sont des accidents, classés selon l’importance des rejets. Le niveau 7 est qualifié d’accident majeur.

L’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) a publié en 2007 une étude sur 50 ans d’accidents liés à la radioactivité dans le monde. Ce bilan montre d’abord à quel point les incidents sont suivis (même si on les découvre parfois avec retard comme le montre l’étude). Un tableau donne la répartition du nombre d’accidents radiologiques suivant les domaines d’utilisation des rayonnements.

Pourquoi un faible part du civil nucléaire ? Parce que de ce côté on a un nombre restreint de grandes installations avec beaucoup de moyens et de professionnels. Alors qu’ailleurs, un nombre important de petits équipements sont installés dans des lieux dont le nucléaire n’est pas le métier principal.

Mais bien entendu, un accident concernant une installation contenant des dizaines de tonnes d’uranium a potentiellement un impact plus important que celui concernant une source de moins d’un gramme.

Différence majeure avec ce qui se passe dans la bombe

Dans les réacteurs français comme ceux du même type dans la plupart des autres pays la réaction en chaîne ne peut s’emballer (comme elle le fait dans une bombe). L’uranium utilisé n’est en effet pas assez enrichi pour cela. Au point qu’une réaction en chaine ne peut s’y maintenir sans un ralentisseur de neutrons. En effet, une partie des neutrons produits par les désintégrations atomiques sont des neutrons dits rapides. Leur vitesse est égale à un dixième de celle de la lumière, soit 30.000 Dakm/seconde. Pour qu’ils puissent provoquer la désintégration d’un atome, il faut les ralentir, par exemple avec de l’eau(contenant du bore).

Il y a deux milliards d’années, quand la proportion de l’isotope 235 dans l’uranium était celle qu’on a aujourd’hui dans l’uranium enrichi, un réacteur nucléaire s’est constitué naturellement à Oklo, dans l’actuel Gabon. De l’uranium s’étant accumulé, de l’eau s’est infiltrée et a ralenti les neutrons rapides, provoquant une réaction en chaîne. Celle-ci a produit de la chaleur qui a fait évaporer l’eau. Les neutrons rapides n’étant plus ralentis, la réaction en chaîne s’est arrêtée. L’eau s’est de nouveau infiltrée et le cycle a recommencé. Le processus a duré plus de 100.000 ans avec des cycles de deux heures et demie environ. Il aurait consommé environ 500 tonnes d’uranium.

L’emballement de la réaction en chaîne ne peut se produire, mais le combustible peut entrer en fusion s’il n’est pas suffisamment refroidi. A Three Miles Island comme à Fukushima, c’est ce qui s’est produit. Il y a eu fusion de tout ou partie du cœur. De l’hydrogène s’est formé (à partir de l’eau), s’est accumulé en hauteur et a fini par exploser. A Three Miles Island, l’enceinte de confinement a tenu, ce qui a limité les rejets radioactifs.

On l’a compris, l’explosion évoquée ici n’est pas une explosion nucléaire (comme celle provoquée par une bombe atomique).

Les accidents de Tchernobyl et de Fukushima sont les seuls classés au niveau 7 de l’échelle INES. Celui de Three Miles Island en 1979 est classé 5. Cet accident avec fusion partielle du cœur a conduit à une forte évolution des méthodes de sécurité nucléaire. La filière internationale a également tiré de nombreuses leçons de l’accident de Fukushima. Le cas de Tchernobyl, est très particulier.

Tchernobyl

L’accident de Tchernobyl est atypique pour de multiples raisons. Le type de réacteur est spécifique du monde soviétique. L’événement fait suite à un essai qu’il est aberrant de faire sur une installation de production. Les procédures n’ont pas été respectées. Il y a eu emballement de la réaction en chaîne (à 100 fois la puissance nominale). Cela ne peut pas se produire sur les modèles de réacteurs existant en France (et dans les autres pays occidentaux).

La chaleur a provoqué une explosion du réacteur. Une partie des produits contenus dans le réacteur a été expulsée dans l’atmosphère jusqu’à 1200 mètres de hauteur. Voir le récit de la catastrophe sur Wikipédia et le site de l’IRSN.

Les rejets considérables se sont répartis dans tout l’hémisphère Nord.

L’accident fait un peu moins de 100 morts avérés (de personnes dont on connait les noms) : parmi les 600 pompiers intervenus le premier jour (une trentaine) et parmi des enfants logeant à proximité et victime d’un cancer de la thyroïde (un peu moins de 60). 

Il faut ajouter les victimes dans le temps de cancers entrainés par l’exposition aux radiations. On ne peut les distinguer nominativement des personnes ayant eu un cancer pour d’autres raisons. Les estimations à partir du modèle linéaire sans seuil (donc probablement surestimées) sont de 3 à 4000 décès. Les observations et analyses faites depuis n’ont pas conduit à modifier ces premières estimations.

Fukushima

La cause initiale de l’accident de Fukushima est le tsunami provoqué par un tremblement de terre particulièrement important. Celui-ci a conduit à la perte des alimentations électriques puis à celle des circuits d’eau de refroidissement. Les réacteurs sont d’un modèle classique à eau pressurisée.

L’accident a conduit à évacuer 1150 km2 autour de la centrale. La zone a été restreinte en 2018 à 370 km2.

Il n’y a pas eu de décès dus aux radiations sur cet accident, pas plus qu’à Three Miles Island.

En revanche il y en a eu liés au déplacement de la population. Mais pas chez ceux qui ont refusé d’être évacués ! Au point qu’une étude britannique a conclu qu’il serait préférable de diminuer les zones d’évacuation. Cela reviendrait à relever le seuil de radioactivité à partir duquel il est jugé préférable d’évacuer. Le seuil choisi à Fukushima était de 20 mSv. Alors que le seuil de danger connu est d’au moins 100 mSV. Ce que montre l’étude britannique est que le choix d’un seuil prudent pour le risque radioactivité a eu des conséquences néfastes à cause d’un autre risque lié à l’évacuation (dépression, suicide etc.

Tchernobyl et Fukushima, les épouvantails

Logiquement, les antinucléaires mettent en avant ces deux accidents majeurs pour justifier leur opposition au nucléaire. Quitte à exagérer leurs conséquences (Tchernobyl aurait fait « des centaines de milliers de morts ») ou même à prendre quelques libertés avec les faits.

Dans un entretien sur la chaîne Backseat en avril, Marine Tondelier situe l’accident de Fukushima en 2015 (en réalité 2011) et en fait la conséquence d’une catastrophe climatique. Une incompétence assez étrange pour la secrétaire nationale d’un parti (EELV) qui a fait de l’action contre le nucléaire sa marque de fabrique.

Il est vrai qu’en 2017, un présentateur de France inter a pu dire à l’antenne « Le 11 mars 2011, les cœurs de 3 des 6 réacteurs de la centrale japonaise entraient en fusion provoquant un tsunami et 18.000 morts ».

Le 15 mai, le député Aymeric Caron de la France Insoumise a fait une intervention à l’Assemblée nationale à propos du nucléaire. Il y affirme « Le nucléaire a besoin du mensonge pour être accepté ». Puis il enchaine les mensonges. D’abord en affirmant que le nucléaire civil et le nucléaire militaire sont liés. Ensuite en alléguant que le nucléaire civil peut « créer l’apocalypse ». Passons sur les centaines de milliers de morts dus à Tchernobyl : le député choisit l’estimation qui l’arrange. En revanche il prétend que les autorités françaises ont affirmé que le nuage s’était arrêté aux frontières.  C’est clairement faux. Cela a été prouvé depuis longtemps, y compris par Libération. Il affirme que les autorités ont menti à cette occasion, mais c’est lui qui ment.

En fin d’intervention, il tente d’enfermer le gouvernement dans un faux dilemme : la ministre peut-elle garantir qu’il n’y aura jamais d’accident majeur ? Garantie qu’on ne peut donner sur aucun sujet. Il n’y a pas de risque zéro de ne pas avoir d’accident domestique ou de se noyer à la piscine ou de crash avion. On y reviendra dans un prochain article.

En revanche on peut raisonnablement comparer les risques inhérents aux alternatives qui s’offrent à nous. Le taux de décès au milliard de kWh produit par du nucléaire est beaucoup plus faible que celui des énergies fossiles et pas plus élevé que celui de l’éolien ou du solaire. Pourquoi laisser fonctionner des centrales au charbon qui font en Europe plus de 20.000 morts par an, mais vouloir arrêter le nucléaire dont le bilan et très largement meilleur ?

Gestion des déchets à Tchernobyl

L’IRSN a publié en 2021 une étude sur la gestion des déchets résultant de l’accident de 1986. Quelques extraits.

« Les travaux de décontamination engagés dans l’urgence autour de la centrale accidentée ont généré de grandes quantités de déchets radioactifs (près de deux millions de mètres cubes de végétaux, sols, matériaux de construction, équipements divers, etc.) qui ont été disposés dans la zone d’exclusion autour du réacteur accidenté. »

Les déchets ont été enterrés à proximité de la centrale, parfois dans la précipitation (au début). Les tranchées font quelques mètres de profondeur et de largeur, mais des centaines de mètres de long. Il y a en a près d’un millier.

On notera ici que le volume concerné est un peu plus important que celui de l’ensemble des déchets accumulés en France depuis le début du nucléaire civil.

L’étude s’est intéressée à la vitesse de circulation des atomes dans le sol.

« Les vitesses de migration du 90Sr (strontium 90, ndlr) estimées sont de l’ordre du mètre par an dans les années 1990, puis diminuent au cours des années 2000 pour atteindre quelques dizaines de centimètres par an. Le plutonium migre dans la nappe à une vitesse similaire à celle du strontium. Le 137Cs (césium 137, ndlr) ne se déplace qu’à une vitesse inférieure au centimètre par an. »

A Oklo, les radioéléments n’ont pratiquement pas bougé en deux milliards d’années. On comprend qu’il vaut mieux enterrer les déchets dans des terrains argileux semblables à ceux existants à Oklo que dans des terrains sableux comme à Tchernobyl.

Mutation des chiens à Tchernobyl

Un récent article de LCI l’affirme : À Tchernobyl, les chiens errants ont muté. Le titre attire l’œil : une des craintes, souvent montée en épingle par les antinucléaires, est que l’exposition à la radioactivité produise des mutations parmi les descendants de ceux qui y auront été exposés. D’où les dessins où l’on voit des personnes à proximité des centrales avec quatre bras ou des yeux derrière la tête.

LCI rapporte une étude qui montre en effet que les chiens errants de Tchernobyl ont une « signature génomique unique ». Les chiens vivant près de la centrale portent d’importantes traces d’irradiation, notamment des dépôts de césium-137.

L’explication donnée par un expert cité par LCI n’a rien à voir avec les mutations dues à la radioactivité et tout à voir avec le darwinisme le plus classique : « Je pense que les gènes impliqués dans la réparation de leur ADN devaient être plus efficaces en situation hostile que chez un chien lambda qui n’aura pas survécu. »

Il n’y a donc pas besoin d’aller chercher une mutation provoquée par les radiations pour comprendre la situation de ces chiens : ceux-ci ont subi une pression de sélection dans un environnement particulier. Cet environnement a sélectionné des gênes (ou des combinaisons de gênes préexistant. Les chiens dont l’organisme permettait une meilleure réparation de l’ADN ont survécu et transmis leurs gênes.

Conclusion

Les accidents de Tchernobyl et de Fukushima sont des catastrophes qui ont eu un coût humain et financier très important. Ils n’ont évidemment pas » éradiqué toute vie » autour d’eux : la zone d’exclusion de Tchernobyl a au contraire attiré les espèces animales à l’instar d’une zone naturelle. Les victimes de ces catastrophes sont en nombre limité : le nucléaire reste une industrie qui fait beaucoup moins de victimes que d’autres dans le domaine de l’énergie.

Sur le même sujet :

évaluer les dangers de la radioactivité

Sureté nucléaire et probabilité d’un accident majeur

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 10 juin 2023

    Je lis : « De l’hydrogène s’est formé (à partir de l’eau), s’est accumulé en hauteur et a fini par exploser. »
    Il y a bien eu explosion. Mais ce n’est pas parce que l’hydrogène est un explosif.

    Dans le document publié par l’INRS – FicheTox_326.pdf auquel on peut accéder à l’adresse Internet :
    https://www.inrs.fr/dms/ficheTox/FicheFicheTox/FICHETOX_326-1/FicheTox_326.pdf,
    il est écrit : « L’hydrogène est un agent réducteur puissant, qui s’enflamme très facilement avec l’oxygène. Il est à l’origine de réactions qui peuvent devenir violentes jusqu’à l’explosion… »
    C’est le mélange hydrogène + oxygène (de l’air) qui a explosé à Fukushima. Évidemment cette précision ne change rien au résultat qui a largement contribué à l’aggravation de la situation.
    Mais il ne faudrait pas que la généralisation de l’utilisation de l’hydrogène puisse s’accompagner de craintes nouvelles naissant de mauvaises interprétations.
    Certes l’utilisation de l’hydrogène requiert des précautions. Certainement au moins que pour les hydrocarbures que nous mettons dans nos automobiles. J’ai bien souvent vu au cinéma des autos ou des stations-service en proie aux flammes accompagnées d’explosions violentes.
    Je n’ai pas vu que cela dissuade quiconque d’utiliser quotidiennement une voiture à moteur thermique dont le réservoir contient de quoi faire un beau plan de cinéma.

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