Mardi 11 octobre, le conseil municipal tenait séance. Le premier sujet abordé après les formalités usuelles était intitulé « Plan municipal de sobriété ». La note de présentation a été lue par le maire.
Le sujet était à l’ordre du jour en raison de la forte augmentation attendue des prix de l’énergie (gaz et électricité) qui pourrait coûter plus d’un million d’euros supplémentaires à la ville en 2023. Mais il s’inscrivait aussi dans les diverses démarches menées depuis plusieurs années pour réduire la consommation des énergies fossiles responsables des émissions de gaz à effet de serre.
Dans la suite de cet article, on fera une distinction classique, mais qui n’a pas été faite formellement dans le débat au conseil. Trois méthodes peuvent en effet être utilisées pour réduire la consommation d’énergies fossiles.
La première est la substitution, consistant à remplacer une énergie fossile (pétrole, charbon, gaz) par une énergie bas carbone (hydraulique, éolienne, nucléaire, solaire, géothermique). La deuxième consiste à améliorer l’efficacité énergétique (par exemple en isolant un bâtiment ou avec un procédé plus performant). La troisième est la sobriété consistant se passer d’un service (je voyage moins) ou à diminuant sa qualité (je chauffe moins fort, je roule moins vite…).
Le titre de l’ordre du jour faisait allusion au troisième levier, mais d’autres ont été évoqués. Ce choix peut s’expliquer, car un changement de comportement(donc la sobriété) peut se faire (au moins en théorie) de manière instantanée, alors que substitution et efficacité énergétique passent généralement par des investissements et donc des délais.
Présentation par Philippe Laurent
En introduction, le maire cite des actions déjà menées par la ville « depuis de nombreuses années » :
- Mise en place du dispositif « Ville 30 » en 2019
- Réduction du nombre de véhicules à moteurs thermiques
- Mise à disposition de vélos
- Matériel d’entretien électrique
- Récupération des eaux
- Initiatives des enfants des écoles contre le gaspillage alimentaire
- Développement de l’économie circulaire avec notamment la Manufacture
- Diminution de la consommation de papier grâce au numérique
- Appel au volontariat d’éco-pulseurs dans les services
On notera que ces mesures sont en partie de la substitution, en partie de l’efficacité énergétique, en partie de la sobriété (dispositif « Ville 30 », mais le passage de 50 à 30 Km/h économise-t-il l’énergie ?).
Il aborde ensuite le plan Sobriété proposé, en commençant par les bâtiments gérés par la ville, soit 44.695m2. La plupart sont chauffés au gaz pour une consommation de 6.359Mwh, pour un coût de 330.000€, qui pourrait bien monter en 2023 au-delà de 1,4 M€ et peut-être jusque 2,3M€.
Les écoles représentent 56% de cette consommation, les équipements sportifs 25%.
Il est proposé de passer la température en journée de 19°C à 18°C et de 16°C à 15°C la nuit dans les bâtiments, et de 16°C à 14°C dans les gymnases, les chauffages d’appoint étant proscrits. Le gain attendu est de 500Mwh (et 30.000€ environ) soit 8,2%
Par ailleurs, un système automatique de gestion des lumières en fin de journée sera progressivement mis en place.
Philippe Laurent aborde ensuite la question de l’éclairage public, qui représente une consommation de 1.169Mwh pour un coût annuel de 172.000€. L’enfouissement du réseau est en cours. 25 % de l’éclairage est en LED. Pour les installations en LED qui le permettent, la puissance d’éclairage, qui est déjà modulée actuellement le sera de manière plus importante. On passera ainsi d’une réduction de 0% à 25% jusqu’à 23h, de 25% à 50% à 23h, de 50% à 75% à 1h, de 25% à 50% entre 5h et 6h, de 0 à 25 % jusqu’au lever du jour.
Par ailleurs, les bâtiments éclairés la nuit(église, marché, mairie) le seront jusqu’à 23h et non plus minuit.
La flotte automobile de la ville sera réduite de 8% par non-remplacement. La part en électrique ou hybride passera de 25 à 35% d’ici 5 ans.
D’autres mesures sont prises (visioconférence, usage des mails etc.) dans le cadre de la gestion courante par l’encadrement.
Le débat
Fabrice Bernard est le premier à intervenir. Il insiste sur deux points, avant de préciser que son groupe votera favorablement, malgré les insuffisances relevées.
Il note positivement que le maire donne enfin quelques chiffres sur le sujet de la consommation énergétique et rappelle que son groupe a demandé plusieurs fois des données sur la consommation énergétique et les émissions de GES sans obtenir de réponse.
Il relève que les mesures sur l’éclairage ne concerneront que les seules lampes LED, soit 25% de l’éclairage public. Il compare ce faible pourcentage à ce qui a été fait dans d’autres villes qui sont aujourd’hui proches de 100% LED, comme Sète dont le plan date de 2013. Les économies obtenues vont jusqu’à 70% du montant initial. La RATP a 100 % de LED, pour 250.000 points d’éclairage.
Liliane Wietzerbin se déclare très déçue par ce plan (son groupe s’abstiendra) : elle estime que les appels à la sobriété ne sont pas à la hauteur de la hausse des prix, que les entreprises et les communes vont souffrir. Elle note que les mesures de sobriété sur l’éclairage ne portent que sur 25% du parc (les LED) et qu’il y a donc un levier important d’action disponible sur le reste soit 75 % du réseau. Arrêter l’éclairage entre 2 et 5h du matin permettrait de réduire de 25 à 30% la facture. Elle note que d’autres villes ont fait ce choix proposé par l’AMF et que, contrairement à une idée a priori, cela n’a pas dégradé la sécurité, au contraire. Son groupe a proposé une motion sur le sujet, discutée en fin de séance.
Au-delà de cette question, elle note que beaucoup de citoyens ont compris la nécessité d’agir sans attendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle regrette que ce sujet ne soit pas un sujet dépassant les clivages politiques et demande (une nouvelle fois) un groupe de travail avec les élus. Son collègue Philippe Szynkowski souligne l’importance de faire de la pédagogie pour un changement des comportements.
Jean Christophe Dessange souhaite des investissements pour réduire les émissions de CO2 (il existe une ligne de crédit de l’État à ce sujet) et l’affichage d’objectifs chiffrés pour 2023 et au-delà.
Numa Isnard souligne le risque de confondre sobriété et économie. Il alerte sur le risque de faire peser les problèmes sur les agents (question des chauffages d’appoints) et se déclare opposé à la baisse de l’éclairage public. Il propose de faire des économies ailleurs, par exemple sur la publication sous forme papier de Sceaux Mag. Il est applaudi par Xavier Tamby.
Florence Presson intervient pour rappeler l’enquête en cours sur l’éclairage public, dans le cadre d’un projet tutoré avec les élèves de l’IUT de Sceaux (résultats attendus pour la mi-novembre). Elle évoque également les réflexions menées sur les possibilités d’économie dans les services ainsi que le forum de la rénovation organisé pour la 6e fois avec Antony et Bourg-la-Reine.
Quelques commentaires
Sur le chauffage des bâtiments
Si on reprend les chiffres donnés par le maire, on observe une consommation annuelle de 6.359Mwh pour une superficie de 44.695 m2, soit 142 Kwh/m2/an. Cette valeur est un minimum puisqu’il est indiqué que « la plupart des bâtiments sont chauffés au gaz ». Si ce « la plupart » compte pour 90%, on passe à 158 Kwh /m2/an . Il n’est pas précisé que la surface indiquée correspond à une « surface habitable », valeur utilisée dans les diagnostics DPE. On sait aussi qu’il y a utilisation de chauffage d’appoint (électrique on le suppose) qui diminue forcément la consommation de gaz. Il est donc probable que la moyenne des bâtiments en question soit au-dessus des 150Kwh/m2/an qui font la limite entre la catégorie C et la D de la DPE.
Il s’agit d’une moyenne. On espère que l’actuelle mairie et les bâtiments adjacents, construits après 2000 sont d’une bien meilleure qualité. D’autres bâtiments sont donc moins bien classés. Peut-être certains sont-ils en E. Le fait est qu’on ne le sait pas, faute d’information détaillée.
Le 11 janvier 2021, la Gazette rapportait que la ville de Sceaux avait mis à disposition des membres du comité consultatif des transitions (CCT) le rapport de synthèse du bilan carbone réalisé en 2008. Celui-ci portait sur l’année 2006 et sur l’ensemble du territoire communal. Il y était précisé qu’un rapport spécial avait été remis sur ce qui dépendait de la ville. Ce rapport spécial n’avait pas été diffusé au CCT. Le bilan carbone pour la partie dépendant directement de la ville était évalué à 1000t en équivalent carbone, soit 3.667 tonnes équivalent CO2.
La consommation de 6.359Mwh de gaz a produit 2817 tonnes équivalent CO2. La comparaison avec ce qui était compté en 2006 donnerait une baisse de 23%, à prendre avec précaution : le calcul de 2008 intégrait certainement l’effet de la consommation électrique qui n’est pas prise en compte ici. les 23% indiqués sont donc une limite haute de la baisse obtenue sur 15 ans.
Sur l’éclairage public
Le maire n’a pas donné d’indications sur la part des LED dans la consommation de l’éclairage public, mais on peut essayer de l’estimer. Un quart du réseau est en LED, et ce type d’éclairage pourrait, d’après ses promoteurs, diminuer d’un facteur 6 la consommation des ampoules. Les exemples cités par Fabrice Bernard correspondent plutôt à un facteur inférieur à 4. Prenons donc un facteur 3 par prudence. Avec un tel facteur, la partie en LED de l’éclairage public, soit 25%, représenterait environ 10 % de la consommation totale, soit environ 117.Mwh pour un coût annuel de 17.200 €. Les mesures envisagées devraient aboutir à un gain de 31 %, soit 36 Mwh ou 3% de la consommation totale.
On aurait obtenu le même résultat en faisant passer la part des LED de 25 à 30%.
Il est dommage de devoir réduire le service rendu à la population faute de ne pas avoir fait suffisamment d’investissements nécessaires à une amélioration de la performance énergétique ou à une substitution vers des énergies bas-carbone
Sur la politique de la municipalité en matière d’énergie
Une évaluation rapide de l’action de la municipalité en matière d’énergie et de réduction de gaz à effet serre donnerait spontanément deux idées : 1 Il y a manifestement des actions 2 Peut mieux faire.
Mais l’évaluation la plus honnête consiste à dire qu’on ne peut pas évaluer, par manque de transparence de la part de la municipalité. On a vu plus haut comment il faut essayer de triturer les rares chiffres disponibles pour donner une estimation peu précise des résultats passés et attendus. Et c’est bien dommage, si on accepte de reconnaître que le sujet est important, ce que semble affirmer l’équipe municipale.
Au-delà du manque de transparence, se pose la question des indicateurs d’évaluation. Un des défauts fréquemment observés dans les actions et politiques de décarbonation est de considérer toutes les actions comme ayant la même importance, alors qu’elles peuvent avoir des impacts très différents, certains importants, d’autres très marginaux. Si la mairie veut réellement agir, il lui faut avoir une meilleure connaissance de la situation. C’est ce qu’elle pourrait attendre de l’étude de Carbone 4, dont on attend toujours les résultats. Pour l’instant, on ne dispose que de ce qui a été présenté au CCT (voir cet article), qui reprenait des données publiques. Cela ne concernait pas les émissions liées à la mairie elle-même.
Soyons optimistes : la séance du 11 octobre montre un début d’information par la mairie. Souhaitons qu’elle continue sur cette voie. On est preneur.