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En recherche de la formule cyclable

Sceaux à vélo a le sens de la convivialité. Quand ils organisent une rencontre, ce fut le cas vendredi dernier, ils la font accueillante et détendue. Elle aurait pu être empreinte de cette sévérité qui accompagne parfois les plaidoyers en faveur des mobilités actives. Ce fut l’inverse, ce qui n’a rien retiré au contenu substantiel de la soirée.

Sceaux à vélo est une antenne de MDB-IdF (Mieux se Déplacer à Bicyclette Ile-de-France) qui agit pour le développement du vélo dans la région tout entière. Elle est scéenne comme son nom l’indique, mais elle considère que les projets doivent être pensés à un niveau plus large que la commune. Plusieurs le diront pendant la soirée : penser le vélo comme moyen de déplacement alternatif ne peut se satisfaire de tronçons de 200m recollés les uns aux autres. Il faut des distances pertinentes. C’est la raison pour laquelle furent invitées des associations de communes voisines et les échanges furent d’autant plus intéressants que se croisaient des points de vue conçus sur un territoire assez vaste.

Moitié-moitié

La bonne vingtaine de participants s’est partagée en parts à peu près égales entre Scéens et non-Scéens de Fontenay, du Plessis, d’Antony et de Bourg-la-Reine. Barbara Wülfken, qui avec Dounya Hallaq et Jean Christos Troger anime l’association, commence par présenter les actions : braderie aux vélos, marquage des vélos, propositions d’arceaux répartis sur la ville, école du vélo aux Blagis puis Petit Chambord. Avec Marie-Curie, c’est un projet ambitieux mené avec ZEN 2050 Maintenant (dont la Gazette a parlé récemment) qui comporte trois volets : l’augmentation de la taille du parking à vélos sur la cité scolaire, la participation des élèves à des sondages (comme le baromètre des villes cyclables) ; l’organisation au printemps d’un atelier de réparation, pour les initier aux menues tâches d’entretien. Enfin, les élus sont rencontrés régulièrement, ce qui permet de situer les actions dans les orientations de la ville, d’y être une force de proposition.

Une discussion s’ouvre (malgré les masques) venue de la curiosité pour les projets. Des précisions sont apportées qui s’appuient sur un PowerPoint très pro. Puis, insensiblement, l’espace s’élargit et on passe aux pistes cyclables et à l’incontournable RER Vélo (dit RER V) avec les hypothèses de tracés qui sont formulées ici ou là.

RER V

Pour mémoire, le RER V est une proposition associative basée sur le modèle des transports en commun avec des « lignes » cyclables de grande capacité. Cette initiative aurait pu rester discrète et pour tout dire confidentielle si elle n’avait pas reçu le soutien de la région Ile-de-France qui a même engagé un budget conséquent en mai 2020. Un an et demi plus tard, l’idée générale (et généreuse) doit passer à un stade beaucoup plus pratique. Et là, ça se complique.

Pour les participants, il est difficile de comprendre les différentes responsabilités entre la région, le département, le territoire et les communes. C’est un écheveau de participations, de contributions, de décisions qu’il faut démêler pour en saisir les interactions. Mais tous semblaient convaincus que la décision finale revient finalement aux maires. Et que c’est avec d’eux, rapportées à leurs propres contraintes, que des perspectives peuvent être imaginées. Ni affrontement ni flatterie, de la coopération.

Le rôle du vélo est apprécié fort différemment par les communes : pour certaines c’est du loisir, pour d’autres, c’est une alternative à développer dans le but de diminuer les émissions de GES. Certaines voient dans le 30km/h urbain une disposition suffisante pour partager les chaussées entre voitures et vélos ; pour d’autres il faut des pistes cyclables isolées. Dans tous les cas, les maires se sentent liés à leurs électeurs qui, dans leur écrasante majorité, se déplacent en voiture. D’où l’impasse. Ou plutôt la difficulté à imaginer des actions susceptibles de convaincre. Comment aller à l’encontre des habitudes de la majorité au nom d’un horizon purifié mais futuriste.

La largeur dépend du débit

Source CEREMA

Une piste cyclable bidirectionnelle c’est entre 3 et 4 m, d’après le CEREMA. Où les trouver ? On est dans une zone très dense : donner une place au vélo, c’est en prendre à d’autres. Et même si c’est plus facile à certains endroits qu’à d’autres (allée d’honneur ou Le Notre, si on veut le faire en continu) on passe forcément par des arbitrages compliqués pour certains endroits. Comment obtenir une concertation entre les communes alors que les espaces disponibles y sont différents ? Il suffit de marcher sur la Coulée verte pour voir que sa largeur varie énormément.

Les transparents de Sceaux à vélo montrent les hypothèses faites sur les deux projets de RER V qui nous concernent directement : la « radiale » censée joindre Paris et Antony (voire au-delà) et la « transversale » d’est en ouest, de Bourg-la-Reine à Clamart (pour en rester à notre territoire Vallée Sud).

La radiale vers Paris

Pour la radiale, deux tracés font l’objet de discussion. La Coulée verte et la D63. Une sorte de consensus s’est exprimé pendant la soirée sur le fait que la Coulée verte n’avait pas vocation à accueillir un RERV. Elle est parfois étroite. Cela reviendrait à en chasser les piétons qui, face à un nombre croissant de vélos (c’est l’objectif d’un « RER V ») ne trouveraient plus la tranquillité ou la sécurité nécessaires à leur déplacement. Le piéton est déjà la victime facile des « nouvelles mobilités ». Il gêne. Ce serait détruire le lieu de promenade, de détente, de respiration qu’il est aujourd’hui.

Mais quid de la D63 ? Elle va de la A86 traverse Chatenay en passant devant le CREPS, Truffaut, longe la station de RER B Robinson, monte la colline de Fontenay, descend vers Montrouge suit la grande emprise SNCF de maintenance des TGV puis arrive à la porte de Châtillon. Il y a par endroits des bandes réservées aux vélos. Mais souvent la voirie n’est pas d’une grande largeur. Deux voies, une dans chaque sens, des places de stationnement. Des trottoirs pas immenses. Il faudrait sacrifier quelque chose. Le stationnement ? Qui est prêt ?

La transversale vers Bourg-la-Reine et Clamart

Pour la transversale, les deux options en cours sont la D60 et la D75. La D60 passe devant Lakanal, suit l’avenue Camberwell puis la rue Houdan jusqu’au RER Robinson. Le risque de l’engorgement du centre-ville qui est le poumon économique de Sceaux semble avoir dissuadé les élus. En revanche, la D75, du côté des Blagis, avec les avenues Jean Perrin puis Paul Langevin, offre de meilleures perspectives. Elle ouvre le quartier à une nouvelle chalandise, elle dispose souvent d’une largeur adéquate. Elle traverse des zones en rénovation urbaine qui laissent espérer des élargissements de voirie. Mais c’est entraîner dans un même objectif Bourg-la-Reine, Sceaux, Bagneux, Fontenay … Voilà bien de l’ambition ! Faut-il aller jusqu’à reprendre le slogan cheguevaresque, « Soyons réalistes, exigeons l’impossible » ?

Assurer la continuité des parcours vélos est d’une véritable complication. Tous en étaient conscients. D’où cette retenue, cette absence de prétention. Autour du petit buffet que les organisateurs avaient concocté, la parole s’est dépliée en échanges en tous sens (typiques du buffet) qui assemblaient les questions qui se posent dans les quatre villes: les façons de séparer efficacement la chaussée générale, de protéger les trottoirs de façon bien lisible. Une réunion de réflexion devant des sujets difficiles, dès qu’on entre dans le dur des tracés précis. Pas de rouspétance et ça changeait de l’ordinaire. Si des fenêtres ont dû être ouvertes pour aérer la salle, la fraîcheur du soir n’a pas dissipé l’empathie qui la réchauffait. Un principe physique jusque-là ignoré ? Ce serait alors une thermodynamique du plaisir de réfléchir ensemble.

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