Lundi 25 octobre, RTE, le gestionnaire du transport électrique publiait son rapport sur les « futurs énergétiques 2050 ». La Gazette en a fait un bref compte rendu.
Ce rapport aborde deux éléments clés pour notre avenir et celui de nos enfants : la question de l’émission des gaz à effet de serre d’une part, celle de notre capacité à produire dans de bonnes conditions une énergie qui est au cœur de notre mode de vie d’autre part. Rappelons ici à quel point nous bénéficions de l’énergie dans tous nos gestes quotidiens. Jean-Marc Jancovici a ainsi calculé que l’énergie que nous consommons correspond à ce que qu’auraient pu fournir jadis 200 esclaves pour chacun d’entre nous ! Pour continuer à pouvoir bénéficier d’une électricité toujours disponible, il s’agit d’investir chaque année environ 1% du PIB de la France.
La réaction des politiques
Les réactions à ce rapport se sont étalées en trois temps : au moment de sa sortie, après les déclarations de Macron sur la mise en chantier de nouveaux réacteurs et enfin à l’occasion d’événements propres à tel ou tel parti (quand un leader intervient dans un média, pour la primaire LR par exemple). A lire ces réactions, le sentiment dominant est que ces politiques n’ont pas lu le rapport (même s’ils prétendent en parler, voire s’appuyer sur ses conclusions) et qu’ils n’ont pas changé d’avis.
Les écologistes
Yannick Jadot, probablement celui qui donne la plus grande place à ces questions dans son programme, a réagi dès le lendemain de la publication du rapport, à l’occasion d’une intervention sur LCI :
« Le travail mené par RTE démontre que le 100% renouvelable est possible. C’est une excellente nouvelle. Mais il existe une manipulation du gouvernement pour présenter les EPR comme inéluctables, ce qui ne tient pas compte de la maîtrise des consommations dans les scénarios. »
Mathieu Orphelin, porte-parole de sa campagne ajoute :
« Dans notre scénario 100% renouvelable, la consommation d’électricité augmente en 2050, mais à 543 térawatts-heures [contre 645 TWh pour le scénario de référence RTE], car il y a des leviers de sobriété très concrets à utiliser, qui offrent d’ailleurs des avantages pour le pouvoir d’achat »
Yannick Jadot continue par ailleurs à affirmer que le renouvelable coûte beaucoup moins cher que le nucléaire, alors même que le rapport RTE a permis d’estimer le coût (important) des installations visant à compenser la variabilité subie de ce renouvelable. Manifestement, EELV refuse de prendre ce coût en compte. Il amène pourtant, selon RTE, un sur cout total des scénarios 100 % renouvelables, de 11 à 19 milliards par an par rapport au scénario avec 14 nouveaux EPR.
Les autres candidats de gauche
Jean-Luc Mélenchon avait un moment pris la position d’une fermeture de tout le nucléaire au plus vite (en refusant le Grand Carénage dont il estimait le coût à 150 milliards d’euros). Il est un peu revenu sur ces propos pour se déclarer (comme Yannick Jadot) favorable au scénario Négawatt (100% renouvelable en 2050), et évoque la sortie totale du nucléaire pour 2030. Pour lui, le danger principal est le nucléaire.
De son côté Anne Hidalgo estime qu’il faut prolonger les centrales nucléaires le temps de monter en charge avec le renouvelable, mais refuse la construction de nouveaux EPR. Dans le même temps, elle propose de baisser la TVA sur l’énergie, mesure qui ne va pas vraiment dans le sens d’une baisse de la consommation.
Fabien Roussel se démarque par une position pronucléaire constante. Il en est de même d’Arnaud Montebourg.
Les positions à droite
A droite , la position est de privilégier le nucléaire, considéré comme une technologie maîtrisée dans le pays et avantageuse pour une économie décarbonée. Xavier Bertrand se démarque en voulant arrêter tout nouveau projet éolien, position que Valérie Pécresse ne partage pas.
L’extrême droite
Marine Le Pen va plus loin en déclarant le 15 novembre : « l’objectif est qu’il n’y ait plus d’éoliennes. La première chose que je vais faire c’est arrêter les chantiers qui sont en cours ». Elle souhaite même rouvrir Fessenheim et relancer le projet Astrid.
Le gouvernement
Emmanuel Macron a déclaré une relance de la construction de réacteurs quelques jours après la parution du rapport. Si cette décision contraste avec la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim en 2020, elle va dans le sens de signes multiples donnés par le Président de la République depuis un an.
La presse
La presse s’est fait l’écho de la publication du rapport. Elle est revenue sur le sujet lors de la déclaration de Macron sur la construction de réacteurs. En général, elle a présenté le rapport dans sa globalité et ses principaux résultats : Le Monde, Le Figaro, Le Point, l’Humanité, l’Usine Nouvelle, Libération, l’Obs, RTL, Europe 1, France Culture, la Croix, Public Sénat…
Quelques-uns ont abordé un point particulier : ainsi Marianne avec la position de Marine Le Pen, La Croix sur la facture d’électricité des Français, Ouest-France sur l’implantation de nouveaux réacteurs. 20 minutes a analysé « ce qui se cache derrière la sobriété proposée par Jadot et Mélenchon ». Les Échos ont observé comment la question de l’avenir électrique apparaît comme un sujet clivant pour la présidentielle. L’Usine nouvelle a expliqué pourquoi le recours au nucléaire est moins cher qu’une solution 100% renouvelable. Le Monde a réagi aux annonces de Macron sur le sujet. France Inter a abordé la question du coût comparé du renouvelable et du nucléaire. Sur cette antenne, Thomas Legrand propose son analyse politique.
La Cour des comptes
La Cour des comptes a publié le 18 novembre un document de quelques dizaines de pages qui pose de manière générale le problème. Elle présente l’urgence de prendre des décisions sur le sujet. Interrogé sur Europe1, son président, Pierre Moscovici, propose un scénario avec 25 à 30 réacteurs nucléaires. A noter que la Cour des comptes envisage une augmentation de 35% des besoins, quand RTE l’estime à 20%
Les techniciens
Sur les réseaux sociaux, des vulgarisateurs se sont progressivement connaître sur le sujet de l’énergie ou du nucléaire. On citera notamment Maxence Cordier, Nicolas Goldberg, Tristan Kamin, Rodolphe Meyer, Michel Mangeon, il y en a d’autres. Ceux-là ont lu attentivement le rapport. Ils le trouvent particulièrement riche et documenté (ce qui ne veut pas dire qu’ils sont pour autant d’accord sur tout) et y voient un document de référence. Ils partagent généralement le sens des conclusions : la plupart d’entre eux estiment que la priorité est de réduire l’utilisation des combustibles fossiles (qui émettent des GES). Pour cela, il ne s’agit pas de choisir entre nucléaire et renouvelables, mais de s’appuyer sur les deux.
On trouve chez d’autres intervenants des remarques sur deux points : le gain attendu de la sobriété et l’évaluation des besoins électriques.
Sur la sobriété, l’objectif d’une réduction de la consommation (par la sobriété, mais aussi l’efficacité énergétique) paraît d’autant plus ambitieux que l’année de référence est 2020, année de sous consommation à cause du Covid.
Sur l’évaluation des besoins, un commentateur remarque que d’autres pays prévoient une augmentation beaucoup plus forte de leur consommation, comme le montre le graphique ci-dessous, issu du rapport RTE. Il considère que sur le sujet, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (qui ont selon lui l’approche la moins idéologique) prévoient de très fortes augmentations des besoins.
Pour Maxence Cordier, un des experts du domaine, « en 2021, la plupart des candidats à l’élection présidentielle (encore heureux, pas tous…) n’ont pas encore compris que l’urgence absolue pour le climat et notre sécurité énergétique est de sortir de façon organisée des combustibles fossiles. » Faut-il suivre ce jugement dans toutes ses conséquences ?