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Sceaux, ville « marchable »

La Gazette avait annoncé, il y a quelques mois, une initiative concernant la « marchabilité » des villes. Derrière le néologisme était l’idée de sonder la facilité à se déplacer à pied dans les villes. L’initiateur en était Place aux Piétons, un collectif fondé par trois associations : la Fédération française de randonnée pédestre, Rue de l’Avenir et 60 millions de piétons. Il a reçu l’aide de l’ADEME.

Le questionnaire, accessible sur Internet, a reçu 43.000 réponses exploitables, réparties sur l’ensemble du territoire national. Les résultats ont été publiés récemment et la presse nationale s’en est fait l’écho. Ils sont visibles à cette adresse : www.ffrandonnee.fr

Sceaux a de quoi se sentir flattée, l’étude la situe parmi les 5 premières villes « marchables » de France. Mais ce n’est pas bouder ce plaisir que de souligner que l’effectif des votants est faible, 53 personnes, et qu’il faut par conséquent prendre les chiffres avec des pincettes. Et ne pas chercher à leur faire dire plus que ce qu’ils peuvent dire. On ne privera pas d’arrondir, persuadé que ce sont moins les valeurs absolues qui comptent ici que les comparaisons entre les réponses.

Pour qualifier les Scéens qui ont participé à l’enquête, disons qu’ils se répartissent à égalité entre femmes et hommes, qu’ils sont aux 3/4 âgés de plus de 45 ans, que les moins de 25 ans sont pratiquement absents. Pas de surprise de ce côté, les jeunes gens se livrent peu à ce genre d’exercice. Ils sont équipés aux 3/4 d’une voiture, aux 2/3 d’un vélo et 1/8 d’un VAE (Véhicule à assistance électrique). Les proportions de détenteurs de vélos ou de VAE, bien plus élevées que les moyennes nationales, indiquent une sensibilité plus marquée aux questions de mobilité. On notera que l’Insee recense 72,4% de ménages scéens comme ayant une voiture.

Pour quoi marche-t-on ? A 100% pour faire ses courses, 57% pour se promener, à 47% pour pratiquer du sport, à 32% pour se rendre au travail. Rien d’exclusif entre les options ; il est normal que la somme soit supérieure à 100%. On peut retenir que les courses se font à pied, donc localement ; il est vrai qu’aucun hypermarché à proximité n’attire une chalandise en voiture, comme dans de nombreuses banlieues. L’important est qu’aucun véhicule n’est utilisé. Passons sur la promenade et le sport qui se font logiquement à pied et soulignons le tiers pour le parcours travail ; il est vraisemblablement couplé avec les transports en commun. Il serait intéressant de vérifier ce chiffre, car une marge de progression est sans doute possible. L’Insee trouve en 2017 que 39,2 % des actifs utilisent un véhicule pour se rendre au travail, que 43,9% utilisent les transports en commun et 7,4% uniquement la marche[1].

L’évaluation de la ville se traduit par des notes très positives sur l’agrément des déplacements à pied (92% d’agréable à très agréable) et la qualité de la voirie (83%). Par ailleurs, la ville profite de points forts qui lui sont extérieurs : l’accès facile aux transports en commun ; l’endroit le plus apprécié est le parc.

Mais les conflits avec les utilisateurs de véhicules non motorisés sont considérés comme fréquents par 1/4 des répondants contre 3/4 d’une opinion inverse. A comparer aux 15% d’automobilistes discourtois et 85% courtois. Même écrasante majorité pour le sentiment de sécurité lors des déplacements. La volonté de séparer les espaces de marche à pied des autres mobilités (vélos, trottinettes) est considérée comme importante par environ 90%.

Les espaces réservés aux piétons sont satisfaisants pour les 3/4 tandis qu’une moitié seulement considère que la signalétique favorise les déplacements à pied. Que manque-t-il ? Ce n’est pas précisé ; mais les questions suivantes semblent indiquer des pistes : manque de bancs, de placettes… peu d’actions de promotion de la marche, peu de cheminements piétons spécifiques.

Certains résultats demanderaient à être creusés. Ainsi, la moitié des répondants considère que la commune est peu à l’écoute des besoins des marcheurs, mais 11% seulement voient une dégradation de la situation des piétons.

Enfin, les trois premiers critères d’amélioration sont dans l’ordre de :

  • Modérer la vitesse des véhicules motorisés dans les lieux fréquentés par les piétons
  • Avoir des cheminements piétons (trottoirs) plus larges, bien entretenus, sécurisés et désencombrés
  • Réserver l’usage des trottoirs aux déplacements à pied

Le premier axe a été pris en compte avec la limitation à 30km/h qui, du reste, est devenue un standard européen. Les deux autres restent des sujets à débattre. On les retrouve dans d’autres villes, comme le rapporte Benoît Hasse dans un article du Parisien[2] qui évoque les attentes dans la capitale : sanctuarisation des trottoirs réservés aux seuls piétons, verbalisation systématique des stationnements gênants, éducation à la vitesse en ville….

La ressemblance entre des villes de tailles aussi différentes n’est pas tout à fait fortuite. Si pour Hervé Dupont, de 60 millions de piétons, « les conflits d’usage entre piétons, cyclistes, automobiliste, usagers de trottinettes, commerçants qui déploient sur leur terrasse arrivent en tête des problèmes de la capitale. », on sait bien que le problème est très général.

Anne Faure, présidente de Rue de l’Avenir, qui fut invitée à la Ménagerie lors de la fête du vélo, dans un entretien avec Ombline Roche d’Europe 1 poursuit cette idée quand elle pointe les insatisfactions que les piétons manifestent un peu partout : trottoirs encombrés par les vélos ou les poubelles, le sentiment de ne pas avoir un espace à la fois réservé et confortable.

C’est à ses yeux le mérite de cette enquête d’être le premier document à restituer les attentes sur la base d’un nombre bien significatif de réponses. Elle n’interprète pas l’aspect palmarès comme déterminant dans la mesure où ce sont des moyennes par ville et dans chaque ville les opinions sont aussi contrastées que les quartiers qui la composent.

L’écho qu’a rencontré l’étude est un moment important pour la sensibilisation des villes. La priorité donnée au vélo, qui est bien sur le fond en ce qu’elle a permis de rattraper largement notre retard, doit être poursuivie et accompagnée par un effort particulier sur la marche. Tout le monde, pour maintes raisons, ne fera pas du vélo. Aussi, il faudrait donner à la marche toute la place qu’elle mérite, l’accompagner comme on accompagne les autres moyens de déplacement, prévoir des commodités comme des fontaines, des toilettes, des bancs, en un mot la traiter en tant que telle. Faut-il justifier cela par une exigence « justice spatiale » pour reprendre l’expression d’Olivier Razemon dans le Monde ? Si elle ne résonnait pas un peu vindicative, on dirait bien que oui.


[1] Des statistiques assez complètes sur la ville de Sceaux sont disponibles ici : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-92071#chiffre-cle-5
[2] « Baromètre des villes « marchables » : les piétons ont la note sévère. » dans Le Parisien du mercredi 8/9/20201 p.XII

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