Lors des récentes élections professionnelles dans la fonction publique, le taux d’abstention a été de plus de 56%. Il n’était que de 50,2% en 2018. Parmi les 2,3 millions d’agents qui ont voté, 107.000 ont déposé un bulletin blanc ou nul.
Ce n’est qu’un exemple de la perte de confiance de beaucoup de Français. Que ce soit vis-à-vis de leurs diverses institutions, de leurs dirigeants ou de leurs représentants. Comme le disait une manifestante gilet jaune à la radio « je n’ai confiance ni dans les politiques ni dans les syndicats. Ils ne nous écoutent pas. »
Défiance vis-à-vis des politiques
La présidentielle est le scrutin qui a le plus haut taux de participation en France. Pourtant celle-ci n’a fait que baisser depuis 15 ans. Au premier tour, elle est de 83,77% en 2007, 79,48% en 2012, 77,77% en 2017 et 73,69% en 2022. 10 points de participation en moins, correspondant à près de 5 millions d’électeurs abstentionnistes de plus. Il est vrai que la participation avait déjà été faible en 2002 (79,71%). Mais la tendance à la baisse est nette depuis le premier scrutin de ce type en 1965.
La présidentielle est l’élection qui rassemble le plus d’électeurs. L’abstention a été supérieure à 50 % aux législatives de 2022 (1er comme 2e tour). L’abstention atteint 50% aux européennes de 2019, près des deux tiers des inscrits aux régionales comme aux départementales de 2021, et 55% aux municipales de 2020, il est vrai marquée par le Covid.
La faible popularité des politiques, mesurée dans les sondages, est très révélatrice de l’opinion de beaucoup de Français. Exemple : le sondage Elabe publié par les Échos en décembre 2022. Il porte sur 30 personnalités diverses (en plus du président et de la Première ministre).
Si on fait la différence entre les « favorables » et les « défavorables », seul Édouard Philippe a un score positif (43—37 = 6). Le suivant est Olivier Veran, avec un score de -15 ! Parmi ceux qui scorent à -40 voire pire, on trouve Mélenchon (-42), Zemmour (-54) ou Hidalgo (-51) et Quattenens (-44, avec 9 pour et 53 contre…). La moitié des personnes testées recueillent moins de 20 % de « favorables ».
Les discours sur le vote blanc sont peut-être les plus révélateurs d’une fracture démocratique. On y entend en effet, au-delà de l’argument « le vote blanc n’est pas pris en compte » l’idée d’un « eux » (les politiques) et d’un « nous » (les citoyens). Si les citoyens ne se retrouvent pas dans l’offre politique, qu’est-ce qui les empêche de se regrouper pour en présenter une autre ?
Défiance vis-à-vis de diverses institutions
Le Covid a montré aussi la défiance que certains ont pour les vaccins, les grandes entreprises ou la science. Une défiance mortelle pour ceux qui sont décédés du Covid après avoir refusé le vaccin.
Autre exemple à propos de la défiance envers la justice, l’affaire Sauvage. Des millions de Français ont adhéré en quelques minutes à une tribune parfaitement partisane, à propos d’un dossier dont ils ne savaient rien. En imaginant ainsi avoir raison contre deux jurys populaires qui avaient chacun étudié le dossier sous toutes ces coutures pendant une semaine complète. S’ils avaient confiance dans la justice, auraient-ils eu une telle réaction ?
La source du complotisme
Les discours de Donald Trump fustigeant les « élites » de Washington » illustrent comment la défiance peut mener au complotisme et menacer l’existence même de la démocratie.
Des causes multiples
Cette défiance a de multiples causes : économiques (le chômage, la très faible progression du pouvoir d’achat depuis 20 ans …), environnementales (des problèmes qui apparaissent comme des menaces auxquelles les autorités ne font pas face), sociétales (montée de l’individualisme et perte du collectif). Chacun peut rajouter des raisons à la liste.
Mais puisqu’on parle de défiance, il paraît important d’examiner ce qui se passe dans la relation entre les décideurs et les citoyens
Ce sera l’objet de prochains articles. Pour commencer autour d’un livre précurseur, La société de défiance. Ensuite autour de l’évolution des modes de management, au sein des entreprises puis de l’État. Avant de prendre l’exemple de l’armée, curieusement (ou non ?) une institution qui pratique la confiance en interne. Puis de conclure.