Par 16 voix contre, 15 pour et 3 abstentions, le conseil municipal de Bourg-la-Reine a retoqué un projet présenté par son maire. Pas n’importe lequel : le projet de mutualisation de la fonction de DGS avec la ville de Sceaux. En toile de fond, une possible fusion des deux communes. Rumeur ? Intention ?
Ceux qui sont intervenus en séance contre le projet mettent en doute son réalisme. Ils rejettent aussi la méthode, peu démocratique à leurs yeux. Et ils pensent qu’une éventuelle fusion n’est pas dans l’intérêt des Réginaburgiens.
Un projet particulier dans un contexte général
Début novembre, Réginaburgiens et Scéens avaient découvert dans leur magazine municipal respectif, un éditorial commun de leurs deux maires. Le titre annonçait la couleur : « Sceaux et Bourg-la-Reine, ensemble pour être plus efficace ». Le contenu annonçait « la mutualisation de certains services et prestations ». Sans plus de précision.
L’éditorial commun mettait en avant les ressemblances entre les deux villes et la réussite des coopérations passées. Pour justifier une intensification de la coopération. Au point que beaucoup se sont demandé si l’objectif n’était pas simplement une fusion entre les deux communes. Comme l’a rapporté la Gazette, même la presse nationale a fait écho à cette éventualité.
Nous rapportions dans un autre article que l’accord des deux conseils municipaux est juridiquement nécessaire et suffisant pour une fusion. Mais qu’il est conseillé de consulter la population.
L’éditorial commun des maires ne le précisait pas, mais une première mesure avait déjà été prise : l’arrivée d’Isabelle Deverre, DGS de Sceaux comme DGS à mi-temps à Bourg-la-Reine.
Patrick Donath l’explique en séance : le DGS de Bourg-la-Reine est parti en province pour raisons personnelles. La recherche d’un remplaçant s’est faite au mois d’août, sans résultat : un candidat était trop qualifié et les 4 autres ne convenaient pas. D’où la solution de mettre en place une nouvelle coopération avec la ville voisine. Le profil Linkedin de l’intéressée précise que la mesure a pris effet début octobre. Mais la décision devait être validée par le conseil municipal.
Le contexte ne pouvait être plus marqué d’implicites.
Division dans l’équipe municipale
Membre de l’équipe élue en 2014, Patrick Donath est élu maire en 2016, succédant à Jean-Noël Chevreau, démissionnaire. Celui-ci avait annoncé lors des élections de 2014 qu’il n’irait pas au bout de son mandat. En 2020, l’équipe dirigée par le maire sortant remporte les élections et obtient 28 élus, contre 6 à la liste de gauche menée par Christophe Bonazzi et 1 à une liste dissidente. Sur ces 28 élus, un est exclu à la suite de son ralliement officiel à Eric Zemmour et une ne vient jamais et ne donne pas de pouvoir. Le maire peut donc en théorie compter sur au moins 26 voix. Or la motion concernant la mutualisation du poste de DGS n’en a recueilli que 15. Il y a donc eu 11 défections, les élus d’opposition ayant expliqué qu’ils voteraient contre.
Qui sont ces onze « frondeurs » ? On ne peut le savoir exactement, le scrutin ayant eu lieu à bulletins secrets, à la demande de Christophe Bonazzi, qui a même fourni des bulletins de vote.
Cependant, plusieurs membres de la majorité s’expriment contre le projet en séance : Cécile Andrieux (la présidente de l’association pour le prolongement de la ligne 4), Daniel Rupp, ancien DGS de la ville, Joseph Hayar et Jean Lacoin (étiquetés Modem). Aucun d’entre eux n’est adjoint, mais rien ne garantit que tous les adjoints aient voté pour.
Point de vue de l’ancien maire
Il s’est dit que l’ancien maire a contribué à cette contestation. Il est en effet présent dans le public, fait inhabituel. Jean-Noël Chevreau, selon les propos recueillis par la Gazette, a été contacté par des membres du conseil municipal, avec qui il a longuement discuté des avantages et inconvénients des mesures envisagées.
A ses yeux, la fusion n’a pas de précédent entre deux villes importantes et de taille égale. Des cas comme Evry-Courcouronnes ou le Chesnay-Rocquencourt peuvent en réalité être vus comme des absorptions d’une petite ville par une nettement plus grande.
Sur la mutualisation de la fonction DGS, il pointe deux questions. D’abord la faisabilité pour une seule personne d’être suffisamment proche du personnel dans chacune des villes, avec des effectifs totaux qui approchent les 1000. S’il faut compenser cette situation par un DGA dans l’une des villes, voire les deux, l’avantage économique avancé disparaît.
Deuxième point, le rôle de DGS est plus politique que technique : il est vraiment le bras droit du maire. Il paraît difficile d’être le bras droit de deux maires…
Il reconnaît que les circonstances sont particulières : le DGS en place est parti rapidement et la période d’été n’a pas été favorable à un recrutement. Un coup de main temporaire par la DGS de Sceaux aurait pu s’envisager, mais ce n’est pas ce qui a été proposé. Des intervenants en séance ont d’ailleurs plaidé pour un dépannage temporaire, c’est peut-être la position de ceux qui se sont abstenus.
Les raisons du refus
Patrick Donath présente la motion en souhaitant revenir sur des « rumeurs dues à des précisions insuffisantes ». Il reprend des arguments de l’éditorial commun de novembre : les finances publiques sont de plus en plus restreintes, (autrement dit, « l’Etat nous abandonne »). D’où la nécessité de créer des liens de fonctionnalité afin de rationaliser la gestion des 2 villes. Il revendique la possibilité de surprendre en innovant.
Il affirme n’avoir jamais évoqué un projet de fusion, le maire de Sceaux ayant précisé de son côté que les conditions ne sont pas réunies.
Les interventions des conseillers de la majorité opposés au projet portent sur trois points. Un : la solution proposée ne leur parait ni adaptée ni gérable. Deux : la méthode ne respecte ni les membres de l’équipe municipale, non consultés, ni le vote des citoyens. Trois : la fusion est réellement envisagée, comme le montrent des déclarations à la presse. C’est un souhait du maire de Sceaux, pas un besoin réel de la ville de Bourg-la-Reine.
Christophe Bonazzi, le responsable du groupe d’opposition la Ville en partage évoque trois raisons de s’opposer à la proposition. Sur le plan démocratique la décision n’a jamais été présentée ni aux électeurs ni aux conseils municipaux. Sur le plan opérationnel, le projet n’est pas crédible, une personne ne peut obéir à une double hiérarchie. Ces deux raisons sont dans la droite ligne d’autres déjà évoquées. La troisième en diffère.
Sur le plan financier, « la nouvelle organisation va coûter plus cher que l’ancienne, car il est dit à demi-mot qu’il faudrait tout de même un ou une DGA en plus de la demi DGS … et surtout on parle d’une fusion avec une ville endettée à 80 % de plus que Bourg-la-Reine, avec un taux de taxe foncière très supérieur, de plus de 10 points. »
Suites du vote ?
En cours de séance, le maire note que la convention de mutualisation de la DGS peut être dénoncée sous un mois. Voyons ce qu’il adviendra.
Comment le maire de Bourg-la-Reine réagira-t-il à ce vote ? L’avenir le dira aussi.
Réuni le 15 décembre, le conseil municipal de Sceaux a décidé, « à compter du 1er janvier 2023, d’attribuer la sujétion particulière pour les postes qui seraient mutualisés entre la ville de Sceaux et toute autre commune. » Lors du débat, Philippe Laurent s’est refusé à tout commentaire sur ce qui s’était passé à Bourg-la-Reine trois jours plus tôt.
Clochemerle ?