Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Canicule et climatisation : beaucoup de sous-entendus

La ville de Fontenay-aux-Roses a fermé ses écoles le 1er juillet, comme l’ont fait de nombreuses autres villes, face à la canicule qui les aurait rendues invivables. Cela n’a pas été le cas à Sceaux, où les classes sont climatisées. Une solution à implanter partout ? Ce n’est pas l’avis des sites gouvernementaux sur le sujet.

L’idée mise en avant est qu’il est possible, par diverses mesures, de construire des bâtis protégeant ceux qui y vivent des fortes chaleurs.  Les opposants estiment que c’est impossible et qu’il faut utiliser des pompes à chaleur réversibles, qui fourniront, avec un excellent rendement, de la chaleur en hiver et du froid en été.

Les bons réglages

Vivre avec la chaleur est le nom d’un site qui affiche clairement sa dépendance à l’État français (il émane de Santé Publique France). Il propose de nombreuses solutions pour s’adapter aux conditions de fortes chaleurs : aménager la pièce la plus fraîche de son logement, installer des protections solaires (type volets ou pergolas), végétaliser à l’extérieur pour créer de l’ombre… Autres solutions : fréquenter des lieux publics plus frais, passer quelques jours ailleurs (chez des proches dont le logement est moins chaud).

La climatisation n’est évoquée que comme dernier recours :  

Si malgré toutes les solutions mises en place, la température de votre logement dépasse 26°C, une utilisation raisonnée de la climatisation peut être envisagée. 

Le site explique aussi pourquoi la climatisation n’est pas la meilleure solution en période de forte chaleur ?

Mal réglée, la climatisation refroidit trop votre logement et provoque des différences de températures importantes avec l’extérieur en cas de forte chaleur. Cela peut vous causer un réel inconfort au moment où vous sortez de chez vous, voire un choc thermique, ce qui est mauvais pour votre santé.

Enfin, l’évacuation de l’air chaud augmente la température extérieure et amplifie les phénomènes d’îlot de chaleur en ville.

Pourquoi ne pas donner des conseils de bon réglage si là est le problème ? D’autres documents permettent de constater une méfiance globale vis-à-vis de la climatisation.

Plan national d’adaptation au changement climatique.

Ce plan, publié le 10 mars 2025, vise à « Adapter la France à plus 4° ». Il fait 388 pages car il aborde de nombreux sujets liés au changement climatique. Le premier des 5 axes vise à « protéger la population ». Il comprend 20 mesures, par exemple sur les risques d’inondation, de feux de forêts ou de déformation des bâtiments liées au gonflement/retrait des argiles.

La mesure 9, « Adapter les logements au risque de fortes chaleurs » propose avant tout d’améliorer l’isolation des logements.  Plusieurs mesures visent à protéger des populations particulières. La mesure 12 entre dans le concret du quotidien avec « Un État exemplaire pour intégrer l’adaptation au changement climatique dans le quotidien de travail des agents publics. »

La première action vise l’immobilier. Il s’agit, pour toute opération immobilière de l’Etat, de « Proposer des solutions adaptatives qui peuvent porter sur le bâti (travaux), les aménagements intérieurs et extérieurs, et les usages. Elles devront être, autant que faire se peut, passives, c’est-à-dire ne consommant pas d’énergie. » La dernière phrase est claire : pas question de climatisation. Ceux qui connaissent un peu les problèmes d’énergie en France ne peuvent qu’être étonnés : en période de canicule, on a plutôt trop d’énergie disponible. Sur les images ci-dessous, correspondant aux journées de la dernière canicule, on observe que, pendant la journée, les centrales nucléaires tournent au ralenti pour s’effacer par rapport à la production photovoltaïque. L’exportation d’électricité diminue parce que les pays voisins ont eux aussi trop d’électricité. Les prix instantanés baissent fortement, jusqu’à devenir nuls. Source :

A défaut de climatisation individuelle, la mesure 10 propose de « Déployer à grande échelle les technologies de froid renouvelable ». Concrètement, il s’agit de réseaux de froid comme il y a des réseaux de chaleur (avec la géothermie par exemple). L’objectif serait de passer d’une livraison des réseaux de froid et de récupération de 0,78 TWh en 2021 pour atteindre 2 TWh en 2030 et entre 2,5 et 3 TWh en 2035. Il est écrit sans rire : « Ils permettent également de reporter en heures creuses les consommations électriques via la fabrication et le stockage de glace. » Les graphiques insérés plus haut montrent à quel point ce report en heures creuses est inutile, puisque la production est au maximum le jour.

Pour comprendre ce rejet manifeste de toute solution de climatisation, il faut se pencher sur les publications de l’ADEME.

La climatisation va-t-elle devenir indispensable ?

La réponse de l’ADEME à cette question est claire : la climatisation en dernier recours. L’ADEME donne ici la parole à un de ses experts :

Si tout le monde s’équipe d’une climatisation en ville et la règle à 23°C, on augmente de 2 à 3,6° la température de l’air extérieur d’ici 2030 » précise Hakim Hamadou.

Il est conseillé de régler la température de consigne de la clim à plus de 26°C. Cela divise entre 2,5 et plus de 4 la consommation énergétique selon la localisation, ce qui allège considérablement la facture.

Alors, quelle énergie choisir pour alimenter sa clim ? « Il faudrait pouvoir alimenter ses équipements avec de l’énergie photovoltaïque, en les faisant fonctionner pendant les heures de la journée où le pic de production solaire est en phase avec celui de la demande de climatisation ».

Ce dernier conseil n’a pas grand sens : comme la Gazette l’a déjà évoqué ici

Les critiques

Sur Twitter, des critiques s’élèvent sur les positions ci-dessus. Si personne ne remet en cause l’intérêt de se protéger des rayons du soleil (par des volets ou tout autre moyen), ou d’aérer la nuit pour apporter un peu de fraîcheur, la possibilité de garder une température supportable par un bâti adapté laisse sceptique (exemples à l’appui, ici ou ici) : « En toute saison, s’il n’y a pas de système actif de chauffage ou de refroidissement, la température intérieure et extérieure finit toujours par s’équilibrer. L’isolation n’est qu’un frein plus ou moins efficace, pas une barrière infranchissable. »

Les critiques sur la climatisation sont souvent plus techniques. A ceux qui avancent que la climatisation représente, dans le monde, 7% du total des émissions de gaz à effets de serre (GES), des techniciens répondent d’abord que l’électricité est beaucoup moins carbonée en France que dans le monde et en particulier par rapport aux pays les plus utilisateurs de climatisation : le rapport est au moins de 1 à 10. Par ailleurs, il s’agit de pays nettement plus chauds, avec un besoin en climatisation nettement supérieur à celui constaté en France.

Autre question : les fuites de réfrigérant expliquent en partie l’importance des émissions de GES, ce réfrigérant ayant un très important effet de GES. Les techniciens observent que le réfrigérant en question n’est plus utilisé dans les nouveaux systèmes : il a été remplacé par des réfrigérants ayant un impact GES beaucoup plus faible.  Toute nouvelle installation se fera avec ces nouveaux réfrigérants.

Les opposants à la climatisation observent que l’énergie utilisée pour celle-ci augmente l’effet de chaleur (voir plus haut). Ce n’est pas l’augmentation qui est contestée par les critiques, mais sa valeur estimée comme étant nettement plus faible que ce qui est avancé.

Enfin, les partisans de la climatisation sont généralement également des partisans des pompes à chaleur réversibles, utilisables donc à la fois l’hiver pour chauffer et l’été pour refroidir. Une solution qui émet en hiver beaucoup moins de GES que les chaudières à gaz. Des chaudières à gaz pourtant promues par l’Etat…

D’autres critiques portent sur l’évaluation de la situation : des températures supérieures à 30°C sont dangereuses pour les personnes fragiles et augmentent la mortalité. La méfiance vis-à-vis de la climatisation n’a pas lieu d’être dans les Ehpad, les hôpitaux ou les écoles.

Souvenirs personnels et réglage de la climatisation

Voyageant aux USA il y a une petite vingtaine d’années, j’avais pu constater que la climatisation y est omniprésente, ce qui explique que le maximum de consommation électrique se produise l’été, quand il se produit l’hiver en France. Il est vrai que les USA sont globalement plus au sud que la France : New York se situe à la latitude de Madrid ou Rome.

Le plus étonnant était que la climatisation était réglée pour une température de 18°C, ce qui est froid quand on est légèrement vêtu du fait d’une température extérieure élevée.

Dans un tout autre domaine, je me souviens aussi d’une réglementation minière qui imposait des limites pour le travail (souvent très physique) au-delà de 28°C (température calculée en fonction des températures sèches et humides et de la vitesse de l’air) et l’interdisait au-delà de 32°C. De mémoire, je n’ai jamais eu le cas d’un dépassement des 28°C dans les chantiers dont j’étais responsable. Ce qui explique que je ne me souvienne plus des limites au-delà, à part qu’elles étaient vraiment gênantes pour l’exploitant. Mais nous avons eu plusieurs occasions de l’approcher. Nous prenions alors des mesures pour augmenter la vitesse de l’air et pour livrer de l’eau fraîche aux ouvriers concernés.

Que disent ces deux anecdotes sur le réglage de la climatisation ? Qu’on peut effectivement la positionner assez nettement au-dessus de 18°C, mais qu’il est déraisonnable de s’approcher des 28°C. 23/24°C me parait alors un compromis plus raisonnable que 26°C, mais cela peut aussi dépendre de l’activité des personnes qui occupent la pièce.

Et pour l’automobile ?

Il ne semble pas y avoir de remise en cause de la climatisation dans les voitures (il est vrai dans un espace plus restreint). L’énergie utilisée est pourtant le plus souvent fossile, donc très fortement carbonée.

Deux poids, deux mesures ?

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 11 juillet 2025

    J’utilise un ventilateur qui me donne beaucoup de satisfactions. Mon pavillon n’est pas un modèle d’isolation mais avec les fermetures de volets le jour et l’aération pendant la nuit j’ai réussi à ne pas dépasser 29 °C. J’habite Sceaux dans un quartier pavillonnaire donc favorisé car il y a beaucoup de jardins et d’arbres assez grands. Un privilège !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *