C’est un retour sur les premières années d’un établissement prestigieux que nous propose Christian Bardot. Son petit livre, Le lycée Lakanal à Sceaux de 1882 à 1914, est une analyse des causes et des effets d’une construction pensée dans des dimensions très originales. Il est richement joliment illustré de photos d’élèves, de professeurs, de l’établissement autour des années 1900. C’est émouvant, bizarrement proche (pour les riverains) et lointain tant les tenues, les attitudes, les situations semblent étrangères. C’est le propre de l’histoire que de nous raconter ce prodigieux écart.
Il est disponible au pavillon du tourisme de Sceaux, à l’entrée du jardin de la Ménagerie côté rue Houdan.
Une modernité sculpturale
Et l’auteur, côté histoire, en connaît un rayon. Le professeur agrégé, normalien, qui a enseigné en classes préparatoires, notamment au lycée Lakanal, a écrit ou contribué à plusieurs ouvrages d’histoire et de géopolitique.
Il a ajusté sa focale sur la relation entre le lycée Lakanal et la ville de Sceaux. Logique puisque son éditeur est la ville elle-même. Mais auparavant, il situe plus globalement les lycées depuis leur création par Bonaparte, leur développement pendant le XIXe siècle et le contexte idéologique qui amène la IIIe République à décider de sa construction en 1881.
Le choix de Sceaux, la conception d’une « moderne abbaye de Thélème » ne relèvent pas du hasard, mais d’une vision que Christian Bardot décrit fort bien. Le « palais scolaire » avec son internat et son parc immense forment dans l’esprit de l’auteur un « lycée d’expériences ». Le pluriel, la diversité des intentions sont bien campés et expliquent pourquoi la modernité de Lakanal est parfaitement perçue lors son inauguration en 1885.
Rigueur historienne oblige, le chapitre « Être élève à Lakanal » commence par une statistique sur l’évolution de l’effectif entre 1885 et 1912. La progression est claire ! Mais les nombres (il y en a d’autres) viennent seulement camper l’emprise du lycée. On retient surtout les observations sur la discipline, héritage napoléonien, avec le « lever à 5h30 au son du tambour […et] le coucher à 21h » ! On s’étonne devant les uniformes quasi militaires (les lycées au XIXe siècle étaient réservés aux garçons !), devant la stricte tenue des professeurs. Les activités sportives des lycées sont bien illustrées : on les voit à la leçon d’escrime, au saut à la perche (déjà !) et bien entendu au rugby. Un match est immortalisé sur une grande et célèbre toile d’Octave Guillonnet qui orne les murs du parloir.
Pour les anciens et les présents élèves de Lakanal… et même les autres
Le lycée Lakanal contribua manifestement à l’essor de Sceaux. Cet impact est observé sous deux angles. Le premier est la « corrélation nette » entre son développement et l’accroissement de la population. Le second relève l’influence sur l’image de la ville de célébrités passées par le lycée, dont Pierre Curie, Charles Péguy et bien d’autres. Quelques résumés biographiques illustrent les parcours.
Ce petit livre élégant au plan impeccable est d’une pédagogie exigeante. Il offre une réflexion passionnante sur l’éducation et la société de l’époque.