Un article précédent a évoqué le sondage commandé par la Tribune à l’IFOP à propos du réchauffement climatique. Les questions posées interrogent : Qui doit agir ? Sur quoi agir ? Comment agir ? Sur tous ces points, le sondage et les réponses des sondés montrent à quel point domine la confusion.
Qui doit agir ?
L’IFP a demandé aux sondés : « Pour chacun des acteurs suivants, diriez-vous qu’il a la capacité de faire avancer les choses en matière de lutte contre le réchauffement ? »
Une nette majorité a répondu positivement pour tous les acteurs proposés : les propositions recueillent entre 81 et 84 % d’avis positifs, sauf pour l’Union européenne. On s’étonnera cependant des propositions de l’IFOP. Pourquoi proposer les grandes entreprises et pas toutes les entreprises ? Pourquoi proposer les régions, les départements et les métropoles et pas l’ensemble des communes ?
On pourra contester le classement obtenu. En réalité, les différences entre scores sont, sauf pour l’Union européenne, de l’épaisseur du trait et inférieures à la marge de précision d’un tel sondage.
Soyons positifs : relevons qu’une majorité de Français a compris que l’atténuation du réchauffement climatique est l’affaire de tous, que tous les acteurs doivent apporter leur part, chacun à son niveau.
L’IFOP a aussi demandé aux sondés s’ils faisaient plus ou moins d’efforts que les autres. 46% ont répondu qu’ils en faisaient plus (10% « beaucoup plus ») et 4% qu’ils en faisaient moins. Qu’ajouter ?
Mesures jugées prioritaires
Autre question du sondage : « Parmi l’ensemble des mesures suivantes, quelles sont celles qui devraient selon vous être mises en œuvre en France pour lutter contre le changement climatique ? En premier ? Et en second ? »
Comme indiqué dans l’article précédent, le choix parfois bizarre des questions et propositions s’explique par la priorité donnée aux sujets polémiques.
Les réponses font apparaitre trois duos de questions recueillant respectivement environ 45%, 35% et 13% de citations.
45 % des sondés citent « Accélérer la transition écologique de l’industrie ». Nous avons vu dans l’article précédent que l’industrie manufacturière et celle de l’énergie sont les deux secteurs dont les émissions ont le plus baissé depuis 1990. Et la baisse précédente liée à la montée du nucléaire n’est même pas dans cette baisse. Mais ils représentent encore à eux deux 29% de l’inventaire national.
Pourtant, il y a encore des marges de manœuvre, car il y a toujours beaucoup d’innovations dans ce secteur. Faisons donc l’hypothèse que c’est la connaissance de ces innovations qui explique la priorité exprimée par les sondés plutôt que leur méconnaissance de ces secteurs. De toute manière, pour de nombreuses raisons, l’industrie est bien partie pour mettre en œuvre ces innovations.
Investir dans la rénovation thermique des bâtiments vient quasiment à égalité. Une action effectivement incontournable au regard des émissions du secteur.
Mesures jugées importantes
Développer davantage les espaces verts fait partie du deuxième duo. On se demande pourquoi l’IFOP a fait cette proposition. Les espaces verts sont une solution pour limiter les ilots de chaleur donc dans une logique d’adaptation. Du moins si on pense espaces verts en ville.
L’augmentation de la surface boisée depuis au moins 150 ans en France, participe de la capture du CO2. Elle est prise en compte dans ce qu’on nomme l’UTCATF (pour « Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie »). Celle-ci joue un rôle clé : atteindre zéro émission nette n’est envisageable que si les captures de CO2 compensent les émissions restantes. Mais est-ce ce qui a été compris par les sondés ?
Dans le même duo, on trouve « Limiter le transport aérien ». Celui-ci représente 1% des émissions dans l’inventaire national. Certes, cela ne comprend pas les vols internationaux, mais les discussions sur le sujet ne concernent pour l’instant que les vols intérieurs.
Mesures jugées secondaires
La première proposition du troisième duo est « Favoriser l’implantation de commerce de produits locaux /bio ». Les sondés ont eu raison de ne guère la citer : ce qu’on appelle la logistique du dernier kilomètre représente la plus grande part du trafic de marchandises. Quand au bio, si son intérêt pour protéger la biodiversité paraît avéré, son intérêt pour limiter les émissions de GES reste à prouver.
Et enfin, la dernière proposition, celle qui est la moins citée : Réduire l’usage des véhicules thermiques et favoriser l’utilisation des mobilités douces ou des véhicules électriques. On rappellera simplement que les transports terrestres représentent 30 % des émissions de l’inventaire national.Et que les transports sont le seul secteur qui a augmenté ses émissions depuis 1990…