L’élection présidentielle s’approche à grands pas et on commence à y voir plus clairement qui seront les candidats, même si la décantation n’est pas terminée. Mais après tout, il y a 5 ans, les dernières incertitudes sur la liste définitive des candidats n’ont été levées qu’en mars.
Quels sont, ou seront, les principaux thèmes de débat ? Difficile de s’en faire une idée pour l’instant, d’autant plus que chaque candidat a intérêt à imposer comme thèmes centraux ceux pour lesquels il avance ses propositions les plus importantes.
Nous avons donc encore la possibilité de nous demander quels devraient être les thèmes sur lesquels les candidats devraient se prononcer.
Exercice difficile bien entendu et sur lequel il semble inimaginable de porter un regard un tant soit peu objectif. Nous nous proposons ici de signaler quelques apports d’observateurs qui font vœux de prendre de la hauteur, après avoir fait quelques questions préalables.
Questions préalables
Le Président est élu pour 5 ans et sa responsabilité porte sur l’ensemble du pays. Qu’est-ce que cela signifie sur l’horizon et la dimension des questions que l’on attend qu’il traite ?
Il devra gérer des sujets imprévus : en 2017 ; les candidats ne nous ont pas expliqué ce qu’ils feraient face aux Gilets jaunes ou au Covid 19. Comment évaluer à l’avance la qualité des réponses qui seront apportées aux imprévus des 5 prochaines années ?
Quelques questions peuvent être traitées par une loi « définitive » : on a ainsi depuis 50 ans décidé de la majorité à 18 ans, de la dépénalisation de l’avortement, de la fin de la peine de mort, du mariage pour tous… Mais la plupart des questions sont complexes : les solutions sont assez peu d’ordre juridique, s’inscrivent beaucoup plus souvent dans la durée et sous la forme d’éventails d’actions pour lesquelles la qualité de la mise en œuvre compte souvent plus que la pertinence. Comment en tenir compte ?
Ceux qui travaillent dans de grandes organisations savent qu’il n’est pas seulement attendu d’un dirigeant d’avoir de bonnes idées, mais aussi de savoir s’entourer, décider, mobiliser, communiquer, écouter, faire coopérer ses équipes… Comment en tenir compte ?
Une personne en charge d’une responsabilité dans la collectivité se doit d’œuvrer pour l’intérêt général, alors que chacun l’attend d’abord sur ses propres intérêts particuliers. Comment concilier le collectif et les individus ?
Le point de vue d’un économiste engagé
Jean Pisani-Ferry a dirigé France Stratégie avant d’animer en 2017 le groupe d’experts qui a contribué au programme du candidat Macron. Il a depuis repris sa liberté de chercheur ; analysant souvent, proposant ou critiquant parfois. Dans un article publié le 21 novembre 2021 par le Monde, dans sa rubrique « débats », il pointe 5 enjeux (attention, seule une partie des explications est reprise ici) :
- La transition écologique et les actions à mener dans ce cadre, depuis le développement des énergies renouvelable en passant par le prix du carbone et la lutte contre l’étalement urbain, avec la problématique majeure de l’équité dans la répartition des efforts
- Le redressement productif alors que « l’analyse suggère que notre déficit de compétitivité tient aujourd’hui moins à un problème de coût qu’à un défaut de compétences, de numérisation, d’innovation et de dynamique entrepreneuriale »
- L’éducation et les compétences : le retard qualitatif persiste et même s’aggrave s’agissant de la capacité de l’école à réduire les inégalités de naissance. Nous sous-investissons lourdement dans l’éducation, les candidats doivent se prononcent sur l’effort budgétaire nécessaire, mais aussi sur les missions assignées à l’école et sur les transformations qu’appelle un système éducatif refermé sur lui-même et rétif à l’innovation.
- Les inégalités : la France demeure un pays où les inégalités monétaires sont contenues, mais où l’ascenseur social est trop souvent bloqué et où le pessimisme domine. Cela plaide pour une politique d’accès et de mobilité. Mais cela ne peut dispenser d’une réflexion sur le partage des coûts de la crise sanitaire et la réforme de la fiscalité directe.
- Le budget et la gestion des déficits
Un dossier de la revue Sciences humaines
Le numéro 65 du trimestriel « Grands dossiers des sciences humaines », paru en décembre, est consacré aux « grands enjeux du monde contemporain ». Une approche mondiale qui va bien au-delà des questions purement françaises bien sûr, mais qui a l’avantage de donner un autre éclairage à des questions qui se posent bien sûr aussi chez nous ! Le dossier comprend des descriptions de situations, vues par des observateurs cherchant à prendre de la hauteur, et des zooms sur des solutions possibles, vues par leurs partisans.
Au sommaire :
- Relations internationales : qui domine le Monde, Gouverner la santé, un défi global, Le dilemme d’une puissance moyenne, Migrations, où en est-on ? Faire la paix au 21e siècle
- Économie : Sortir de la croissance, viser le bien-être, Les flux de la mondialisation, Pas encore nés déjà protégés ? Pour une économie plus juste et plus verte
- Climat : Réchauffement climatique : s’adapter ou atténuer ? Gaz à effet de serre, où en sommes-nous ? La biodiversité en danger, Comment éviter le pire
- Société : un désir d’’autorité ? Liberté ! De Hongkong aux « antivax », Vers une égalité hommes/femmes, Une jeunesse optimiste ? Ce que le covid-19 fait à notre intimité
Les enquêtes de l’Insee
Depuis bientôt 15 ans, l’Insee sonde des Français sur leurs préoccupations, parmi 8 items proposés : terrorismes (et attentats), chômage (et précarité de l’emploi), pauvreté, santé, délinquance, racisme (et discriminations), environnement, et sécurité routière.
Édouard Philippe a-t-il regardé ce sondage avant de baisser la vitesse maximale sur les départementales ? Le même Édouard Philippe considère aujourd’hui qu’on néglige des thèmes qui lui paraissent majeurs pour l’avenir, comme celui de l’intelligence artificielle, qui modifiera beaucoup de métiers.
Les instituts de sondage interrogent régulièrement les Français sur leurs priorités. Par exemple, dans ce sondage, 15 thèmes étaient proposés. La santé arrivait en premier, mais on était en pleine pandémie Covid…
D’autres exemples : ici ou là, ou encore là, avec des résultats contrastés…
Point de vue personnel
C’est une question difficile, qui demande d’abord à identifier les thèmes où une action de l’État est nécessaire (une intervention de l’État n’est pas forcément la meilleure réponse à un problème de société…), puis à prioriser entre ces thèmes.
Je suis globalement assez d’accord avec la liste proposée par Pisani-Ferry, pas forcément dans le détail. Je citerai donc plutôt les questions qu’il n’évoque pas.
Il omet une question, mise en avant par Sciences Humaines, celle des relations internationales : en France, c’est un dossier majeur pour le Président de la République, et il y consacre une part substantielle de son temps.
Le manque de confiance dans les élites et les institutions me parait un problème majeur, on l’a vu avec les Gilets Jaunes et avec les antivax. Cette question ne peut cependant être traitée ici en quelques lignes (peut-être un article un jour…).
L’affectation de la dépense publique est à revoir. Malgré des dépenses supérieures à celles de nos voisins européens (à l’exception des scandinaves), on se retrouve avec des déficits criants dans certains domaines qui demandent de l’anticipation. On peut citer le nombre largement insuffisant de magistrats ou de médecins, deux métiers qui demandent une formation longue. On peut citer aussi les moyens de production d’électricité, dont la construction est très longue. Justice, Santé, École et Enseignement supérieur, la liste des secteurs en crise larvée est longue. C’est probablement en partie une question de moyens, mais certainement pas seulement.
La question des moyens renvoie à deux autres questions : quels sont les secteurs où on peut dépenser moins ? L’action de l’État facilite-t-elle ou gêne-t-elle la production de richesses dans notre pays ?
Et pour vous, quels sont les thèmes les plus importants, pour lesquels vous attendaient des réponses des candidats ?