Le 1er décembre, Libération a publié un graphique soulignant que 25% des plus pauvres meurent avant 62 ans.
Espérance de vie et revenu
L’article de Libération s’appuie sur une publication de l’Insee datant de 2018. On en retiendra le graphique ci-contre :
Le montant en euros indiqué ici est un niveau de vie du ménage, c’est-à-dire un revenu divisé par le nombre d’unités de consommation dans le ménage. Pour faciliter le lecture, nous parlerons de revenu dans la suite de cet article
Chaque point correspond à un vingtile (une vingtième donc 5%) de la population. On voit donc que les 5% les plus pauvres parmi les femmes ont un revenu mensuel de 466 € et une espérance de vie de 80 ans. Les 5% les plus pauvres parmi les hommes ont un revenu de 500€ et une espérance de vie d’environ 71 ans.
Le graphique fait apparaitre que :
- Les femmes ont une espérance de vie nettement supérieure aux hommes (réalité observée depuis longtemps).
- L’espérance de vie croit avec le revenu.
- La différence de revenu d’un vingtile au suivant est inférieure à 100 € entre le 4ème et le 12ème vingtile : elle est plus forte pour les premiers et les derniers vingtile. Le revenu augmente fortement pour le vingtile le plus élevé.
- Le niveau de revenu moyen pour le premier vingtile est particulièrement faible : 466 € (cela correspond à un montant plus élevé si le ménage comprend plus d’une personne). La plupart des membres de ce groupe vivent essentiellement des minimas sociaux (et d’un peu de travail à temps partiel pour certains). C’est probablement aussi le cas pour une partie (plus faible) des membres du vingtile suivant (niveau de vie moyen à 762 €)
- L’écart d’espérance de vie entre les plus modestes et les plus aisés est de 13 ans chez les hommes (c’est d’ailleurs le titre de la note de l’Insee
- L’écart d’espérance de vie entre vingtile le plus pauvre et le niveau médian atteint près de 6 ans pour les femmes et près de 8 ans pour les hommes. L’écart entre le niveau médian et le vingtile le plus riche est inférieur à 3 ans pour les femmes et atteint 5 ans pour les hommes.
Prendre en compte le revenu ?
Le titre de l’article de Libération (A l’âge de la retraite, 25% des plus pauvres sont déjà morts) pose directement la question de la prise en compte de ces différences d’espérance de vie dans les conditions de départ en retraite.
Si les plus pauvres ne sont pas forcément concernés par la question de la retraite, le lien entre espérance de vie et revenu reste important, même si on exclut les 10% les plus pauvres (pas forcément au travail) et les 5% les plus riches (pas forcément salariés).
Deux solutions ont déjà été proposées et même mise en œuvre, qui, même si elles ont été avancées pour d’autres raisons, répondent en partie à cet état de fait : la première consiste à tenir compte de la pénibilité du travail et à anticiper (de deux ans maximum) le départ des personnes concernées, parce qu’elles ont eu un travail reconnu comme pénible ou qu’elles sont devenues inaptes.
La seconde a consisté à faire du critère du nombre d’années cotisées un critère prépondérant par rapport à l’âge. L’étude de l’Insee a montré le lien entre espérance de vie et diplôme. En raccourci, les personnes au plus haut revenu ont pour la plupart fait des études longues qui les amènent à partir nettement plus tard que les personnes à plus bas revenu qui ont généralement fait des études courtes et commencé plus jeunes à cotiser.
Aujourd’hui ceux qui remplissent les conditions de départ à 60 ans, parce qu’ils ont commencé à travailler jeunes ou ont eu un métier pénible, ont généralement eu également un revenu assez faible. A l’opposé, ceux qui ont un revenu élevé ont pour la plupart commencé à cotiser à plus de 23 ans et ne remplissent les conditions d’une retraite à taux plein que vers 65 ans, voire plus. Les règles de départ compensent donc en partie seulement les différences d’espérance de vie.
Mais elles le font partiellement : une raison de plus pour préférer que la condition « nombre de trimestres validés » soit plus discriminante que la condition « âge » pour le départ en retraite
[…] utilisent un argument de justice sociale en évoquant « les plus pauvres, dont ¼ sont déjà morts à 62 ans ». Techniquement, c’est un argument pourri : les plus pauvres en question ont un niveau de […]