Le combatif a perdu le combat : Bernard Tapie a terminé il y a quelques jours, à 78 ans, sa résistance face au cancer et un large consensus s’est fait pour saluer le départ d’un homme vraiment à part parmi les personnalités françaises. La plupart ont salué le départ d’un business man, d’un entrepreneur, d’un politique, d’un artiste, allant même jusqu’à trouver que ses ennuis judiciaires n’étaient pas des taches à effacer pudiquement du portrait, mais faisaient au contraire partie intégrante d’une personnalité hors norme qui pouvait à l’occasion s’autoriser à sortir un peu du cadre… Sans compter les adieux charnels et viscéraux des Marseillais, en particulier de la part des supporters de l’OM (c’est-à-dire de tous les Marseillais) qui n’oublieront jamais que le « Boss » a donné pour toujours à la ville la toute première coupe d’Europe de football française, en 1993, contre le Milan AC.
Pourquoi ce statut si particulier ? Certainement parce que Bernard Tapie représentait pour beaucoup ce que chacun rêverait secrètement d’être : combatif, osant tout, courageux, tribun forcément sincère tant sa force de conviction crevait l’écran, entrepreneur, et, cerise sur le gâteau, avec une « gueule », qui plus est « une belle gueule » !
Autant de vies en une seule et tout cela au-devant de la scène, voilà qui n’est pas donné à tout le monde tant cet homme était un vrai personnage de roman, d’abord et avant tout parce qu’il osait tout, toujours et partout.
Et les risques pris étaient réels puisqu’après avoir été milliardaire, il a expérimenté la ruine. Après avoir été ministre de la ville du gouvernement Bérégovoy pendant cinq mois : d’abord pendant 51 jours, contraint de démissionner du fait de sa mise en examen pour « abus de biens sociaux » dans l’affaire Toshiba, ayant obtenu un non-lieu en décembre 1992, réintégrant le gouvernement dans la foulée jusqu’aux élections de mars 1993, il a expérimenté la mise à l’écart politique jusqu’à son soutien au candidat Nicolas Sarkozy en 2007 et en 2012. Après avoir été le business man à succès et de référence des années 80, quittant bien vite son poste à la tête d’un entrepôt d’électroménager parisien pour se lancer dans les opérations immobilières, le conseil en entreprise… avec Jean-Louis Borloo comme mentor, multipliant à 30 ans les reprises d’entreprises en difficultés (Manufrance, La Vie Claire, Testut, Terraillon…), Il a expérimenté la prison pendant 6 mois à Luynes puis aux Baumettes pour le match truqué « OM-Valenciennes » au titre de son poste de Président de l’Olympique de Marseille.
Oser des coups financiers, oser des coups politiques, oser des coups sportifs, le tout sur fond de déclarations médiatiques enflammées, oser affronter Jean-Marie Le Pen dans des débats télévisés d’anthologie et remporter le match, oser animer une émission télévisée consacrée à la réussite au point de la symboliser, oser investir dans des entreprises en difficultés et les faire rebondir favorablement, oser affronter les magistrats du côté de ses ennuis judiciaires et oser leur tenir tête, oser, oser, oser….Bernard Tapie semblait incarner aux yeux de tous le courage fait homme tant rien ne semblait pouvoir le mettre à terre, ni la ruine après la fortune, ni l’opprobre après avoir atteint le zénith médiatique par sa présence permanente sur les écrans et les unes, jusque dans les urnes …Élu de la République, ministre, acteur de Lelouch, comédien sur les planches, chanteur dans ses jeunes années….Tant de vies en une seule vie : chacun en pensera ce qu’il voudra, mais ils sont peu de cette trempe et, un peu comme le vide laissé par Coluche n’est encore pas comblé depuis 1986, il y a fort à parier que le vide laissé par Bernard Tapie n’est pas près d’être comblé, car à personnages hors normes, absences hors normes ….
Finalement, Bernard Tapie était pour beaucoup l’archétype du combatif qui s’est fait tout seul et ne s’avoue jamais vaincu. Cela me fait penser à une citation de ma haute-Corrèze : « Il aurait mangé un âne avec la queue qui lui sortirait de la bouche, qu’il nierait quand même ! … » D’ailleurs, le Président de la République l’a dit à sa façon : « L’ambition, l’énergie et l’enthousiasme de Bernard Tapie ont inspiré des générations de Français ».
Chacun appréciera si, finalement, pour lui, l’homme doté de cette énergie vitale hors du commun était ou n’était pas plus malhonnête que beaucoup des donneurs de leçons, dont on découvre assez souvent une face sombre dans la durée…A chacun de se faire sa propre idée et non pas seulement d’adopter directement une des trois idées dominantes sur le sujet…: « Un escroc médiatique ! », « Un affairiste prêt à tout ! », « Un type formidable à 100% ! »….
Il est urgent que nos jeunes et chères têtes blondes aillent voir « Les tontons flingueurs », que celles qui savent déjà lire avec lucidité et recul prennent un peu de temps pour suivre la prose de Frédéric Négrerie, tentent alors de comprendre l’apostrophe de Vérel et… se marrent un bon coup.
Après, ils pourront se poser la question de savoir quel est le héros qui va entretenir leurs rêves.
On peut effectivement trouver au défunt des (grandes) qualités et des grands défauts
Mais en lisant ce texte, j’ai immédiatement pensé à la réplique culte de Lino Ventura dans « les tontons flingeurs » : les cons, cela ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnait
Cher Vérel,
J’adore les dialogues d’Audiard, particulièrement ceux des « Tontons Flingueurs », mais si ce n’est l’utilisation du même « nom d’oiseau », je ne vois guère de lien entre les cons auxquels il est fait référence dans le film et Bernard Tapie qui a tout de même réussi pas mal de choses dans le monde de l’entreprise, de la politique et de la création… Dans le monde de l’entreprise, par exemple, je lisais récemment que le solde des emplois créés sur les emplois supprimés dans ses entreprises étaient nettement positifs, en dépit de sa réputation de destructeur d’emplois. Sur le plan de l’enthousiasme et de la mobilisation de la jeunesse, l’OM de Tapie affiche me semble t-il un bilan également positif. Qu’en pensez-vous ?