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En avant, marche !

A l’heure des mobilités douces, références obligées de tout projet urbain, des opinions tranchées s’expriment pourtant. Elles ne remettent pas en cause le principe. Au contraire, on est dans la nuance, dans le choix pratique. Certaines voix dénoncent l’automobile, ses émanations de gaz et le carbone induit par sa construction, d’autres accusent le vélo, le mépris du Code de la route, l’incivilité sur les trottoirs. Mais qui pourrait s’en prendre, qui osera s’en prendre un jour, à la marche à pied ? Que peut-on reprocher à un piéton ? A la rigueur de ne pas traverser au feu, mais plus, c’est impossible à moins de militer pour la greffe généralisée de prothèses ; pour un transhumanisme intégralement mécanisé.

Tout individu, de sa naissance à sa mort, peut ignorer la voiture, le vélo, le triporteur, les patins, la trottinette, mais pas ses jambes. On peut même considérer que « Tout déplacement commence et finit par une marche. »[1] On pourrait ajouter sans grand risque d’erreur qu’en général, il commence le matin à la sortie du lit et s’achève le soir quand on y retourne. Et pourtant, le piéton reste souvent un méconnu de l’action publique, surtout par comparaison avec les moyens et les communications accordés au vélo.

Christian Machu, dans un article du 20 janvier 2020[2] ouvre des pistes. « Une explication possible à cette non-prise en compte est que la marche à pied ne serait pas considérée comme un mode de déplacement à part entière par les décideurs politiques ainsi que par les techniciens en charge de la voirie. Elle serait vue essentiellement comme un aimable loisir, associé à la randonnée. »

« Une autre explication vient peut-être des méthodes d’observation des déplacements dont les indicateurs, souvent, ne prennent en compte qu’un mode : le mode principal, ce qui minore les déplacements les plus courts comme celui de se rendre à pied à la gare. La marche à pied est donc vue comme un déplacement de proximité sans enjeu dans la problématique des déplacements. »

Toujours est-il que, pour faire entendre leur voix, leurs voix, devrais-je dire, car il existe plusieurs façons de marcher[3], des associations ont créé le collectif Place aux piétons qui appelle à rendre la ville aux piétons et développer une culture de la marche.

On sait combien la vitalité d’une ville comme Sceaux est liée à ses facilités piétonnes. Entretenir et développer cette attractivité impose de penser les rénovations avec un certain sens de la priorité pour les piétons. Si nous sommes bien lotis en matière de ressources pédestres avec notamment les sentiers et les ruelles, on est sensible à l’un des axes forts de la demande du collectif : que les trottoirs soient en quelque sorte sanctuarisés pour l’usage piéton, ce qui reviendrait à les élargir et surtout à éviter la confusion avec la circulation des vélos.

D’ailleurs, c’est ce qu’exprime, Stein van Oosteren, porte-parole du Collectif vélo Île-de-France, dans Le Parisien daté de samedi dernier[4] « C’est dangereux de mélanger des piétons et des cyclistes parce qu’ils ont une vitesse différente…. Ce sont des cohabitations qui se passent mal. »

Le quotidien relève que « le fait de tracer des pistes cyclables sur les trottoirs, normalement dévolus aux marcheurs, entraîne une hausse sensible de ce type d’accidents. » Il fait état de « 149 accidents relevaient d’un choc cycliste contre piéton. Si aucun accident mortel n’est à déplorer cette année-là, 2 cyclistes et 11 piétons ont été blessés gravement. 35 cyclistes et 133 piétons ont été légèrement blessés. ». Ce qui est à ajouter à la mortalité des piétons due aux automobiles et qui reste très importante.[5]

Pour réfléchir plus avant sur le sujet, suivons le point de vue de l’urbaniste Jan Gehl[6] : « Contrairement aux logiques de flux qui sont celles de la circulation des vélos, les mouvements des piétons ne sont pas toujours linéaires : on s’arrête sur un banc, on fait un détour pour faire un achat, on revient sur ses pas parce qu’on a vu quelqu’un qu’on connaît… Il s’agit donc de traiter des surfaces pour permettre au piéton de « circuler et de séjourner » dans l’espace public. »

Ne reconnaît-on pas ces hésitations qu’on aime prendre quand on flâne ? Autant conserver et élargir ce modeste mais précieux privilège.


[1] Programme du collectif « Place aux piétons »
[2] L’article complet est disponible sur le site de 60 millions de piétons.
[3] Même s’il est indéniable que « La meilleure façon de marcher / C’est encore la nôtre ! / C’est de mettre un pied d’vant l’autre / Et d’recommencer ! Pour écouter le chant scout.
[4] Article de Laura Wojcik et Victor Alexandre en page 12 du Parisien du 20 février 2021.
[5] Voir le site de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière : www.onisr.securite-routiere.gouvr.fr
[6] Voir Modes actifs et déconfinement : imaginer la ville des piétons, publié par Rue de l’Avenir, p.2

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