L’Insee vient de publier une cartographie permettant de connaitre le nombre de décès en 2020 et leur évolution dans chaque commune par rapport à 2019. On y apprend ainsi instantanément qu’il y a eu en 2020 197 décès de scéens (chiffre provisoire), en hausse de 20,1 % par rapport à l’an dernier. La carte permet de visualiser immédiatement les mêmes données dans les villes voisines et d’établir le graphique ci-dessous :
Comme on peut le voir, Sceaux et la plupart des communes voisines ont eu une sur mortalité supérieure à la moyenne française. Verrières le Buisson et Fontenay aux Roses font exception. Le résultat en Ile de France est plus élevé que la moyenne française : on sait que la première vague Covid a particulièrement touché notre région. La surmortalité de Sceaux est un peu supérieure à celle de la région.
On ne peut qu’être frappé par la grande diversité des résultats : comment expliquer la très forte surmortalité de Bagneux (37,3%) et l’absence de surmortalité à Fontenay aux Roses ? On peut en effet estimer que le hasard statistique, sur des valeurs assez limitées, explique sans aucun problème les variations autour du taux observé à Sceaux : les villes de Chatillon, Le Plessis Robinson, Sceaux, Clamart, Châtenay-Malabry ont une surmortalité assez comparable. Un peu plus éloignées, on peut éventuellement en dire autant pour Fresnes et Bourg la reine (surmortalité plus élevée) ainsi que pour l’Hay les Roses et Antony (surmortalité plus basse). Il n’en est pas de même pour Chevilly Larue et Bagneux d’un côté, pour Verrières le Buisson et Fontenay aux Roses de l’autre.
Tentative d’explications
On sait que la mortalité due au virus augmente fortement avec l’âge, et qu’il y a eu beaucoup de morts dans les Ehpad. D’où l’idée de comparer le nombre de maisons de retraites selon les villes. On s’aperçoit qu’il en existe dans chacune des communes, sans exception, mais qu’il n’y en a pas plus dans les villes ayant eu plus de surmortalité : il y a ainsi 2 maisons de retraite à Chevilly et 4 à Bagneux (ville deux fois plus peuplée que Sceaux, qui abrite également 4 maisons de retraite). En revanche, Verrières, ville de 15 000 habitants compte 5 maisons de retraite et Fontenay aux Roses 3 !
La cartographie de l’Insee permet aussi d’observer la part de plus de 65 ans dans la population (voir graphique ci-dessous). Il apparait une fois de plus qu’il ne s’agit pas d’un facteur explicatif : les villes ayant le plus de surmortalité font partie de celles qui ont le moins de seniors !
La pauvreté, vrai facteur de risque
Début juillet, l’Insee a fait paraitre une étude montrant « une hausse des décès deux fois plus forte pour les personnes nées à l’étranger que pour celles nées en France en mars-avril 2020 ». L’écart est même plus important si l’on regarde la seule région Ile de France :
L’étude explique ces différences par les conditions de vie et d’emploi :
L’environnement des personnes (conditions de logement, utilisation des transports en commun, profession exercée, etc.) a sans doute joué un rôle dans l’ampleur de la hausse des décès pendant la pandémie et sur les possibilités de distanciation physique… Elles ont les logements les plus exigus…utilisent habituellement le plus les transports en commun pour aller travailler…sont parmi les plus exposées au risque de contamination en raison de leur métier. On retient parmi les « travailleurs clés » les personnels de santé, les aides-soignants, les pharmaciens, les ambulanciers, les personnels de la Poste, des forces de l’ordre, des transports publics, les pompiers, les personnes travaillant dans la vente de produits alimentaires, les livreurs, les buralistes et les agents de nettoyage, professions en contact avec le public et qui ont souvent continué à travailler sur site pendant la période de confinement.
Cette approche semble donner des résultats plus convaincants, du moins en ce qui concerne les deux villes qui ont le plus de sur mortalité, Chevilly-Larue et Bagneux. Des 13 villes observées, Bagneux est celle qui a le plus de logements sociaux (de très loin), le plus faible pourcentage de ménages imposables et le revenu médian le plus bas. Sur ces mêmes critères, Chevilly-Larue arrive en deuxième place, derrière Bagneux.
Attention, pour mieux montrer les écarts, l’axe vertical ne commence pas à 0 sur les deux premiers graphiques
De son côté, Verrières le Buisson a la plus grande part de ménages imposables, le revenu médian le plus élevé (juste devant Sceaux) et la part la plus faible de logements sociaux.
Le résultat de Fontenay aux Roses, avec ses 43 % de logements sociaux (autant que Chevilly-Larue) et des critères de richesse qui mette la ville dans la moyenne de l’ensemble, parait d’autant plus remarquable. On pourra supposer que la ville a su éviter l’entrée du virus dans chacune de ses trois maisons de retraite ?
A l’aune de ses analyses, la performance de Sceaux, la plus riche des 13 villes, avec Verrières, n’apparait pas particulièrement remarquable.