A part quelques fâcheux, la promotion du vélo fait l’objet d’un consensus. Elle serait plus juste si elle ne négligeait pas des effets collatéraux qui ressemblent à des nuisances. Les témoignages affluent et se complètent : les piétons souffrent des incivilités quotidiennes. Ils ressentent l’injustice d’être menacés partout : sur les routes comme sur les trottoirs, et même sur les chemins qui traversent les bois et les parcs… et sans aller bien loin, la Coulée verte.
Si les voitures abusaient des trottoirs en s’y garant parfois, elles ne roulaient pas dessus. Désormais, ils sont les voiries « naturelles » des vélos, trottinettes, patinettes, planches, patins, quoi d’autre demain ? Espérons que si le vent tourne, ce ne soit pas des chars à voile !
Ce qui a deux roues, ou quatre petites, se trouve paré d’une légitimité écolo-médaille d’or, qui donne à certains cyclistes (minoritaires, mais hélas bien nombreux) l’idée que rien ne doit gêner, freiner, ralentir, leurs pédalages écumants. J’en parlais récemment. Le boulevard Magenta avait offert la vision de naseaux fumants. Evidemment, la scène ne se passait pas à Sceaux. Mais qui peut soutenir que la tendance parisienne ne se répand pas au-delà des fortifications (le périphérique).
On le sait, on le dit, on le redit, mais il faut bien que ça sorte, le piéton n’a qu’à se pousser (dégager) au surgissement du biclou. L’effet de surprise est garanti. La sonnette semble être optionnelle sur de nombreux engins et dans le contraire on ne l’entend pas. Le temps de sursauter, le vélo est loin. Si même, par esprit de vengeance (illicite, soulignons-le) il cherche à pousser le vélo dans les orties, comme on en menace mémère, c’est trop tard. Il ne lui reste qu’à ronger son frein. Il était de sortie dans un quartier familier, il rêvassait. Mais rêver en marchant s’interrompt de plus en plus souvent par une engueulade, sorte de « fatal error » que les ordinateurs catapultent avant le crash.
Curieuse, la mutation d’une revendication de lenteur, de temps de vivre, de mépris des automobilistes pressées de doubler, en harcèlement des plus lents. Curieux comment s’enfile vite le costume de la discourtoisie beauf.
Tous les cyclistes, loin de là, ne crachent pas sur leurs prochains. Il en est qui se souviennent qu’un jour, ils furent à pied et continuent même à y prendre plaisir. Leur proportion est difficile à connaître. Mais quelle qu’elle soit, elle laisse au dépit, à l’exaspération, un assez large espace. En témoignent les associations qui se créent pour faire entendre les droits de la marche, de la promenade et la rêverie en ville. En témoigne aussi l’article d’un grand quotidien qui voit dans la révolution du vélo comme une embrouille générale. Ca rassure, ce n’est pas une hallucination personnelle.