Les tests liés au coronavirus ont pris une grande place dans l’actualité. Quels sont leurs usages, leurs limites, leurs types ? Les avis sont multiples et parfois peu autorisés. Pour y voir plus clair, LGdS donne la parole un médecin scéen, le Dr M.P., qui nous fait l’amitié d’expliquer de quoi il retourne. Comme il le dit lui-même, en la matière, le diable se cache dans les détails. Aussi, nous lui sommes très reconnaissants de la pédagogie qu’il met à décrire un sujet « pas vraiment simple ».
Où en est-on avec les tests de la Covid-19 ? (*)
Après 2 mois d’inquiétudes sur la maladie, d’interrogations légitimes, d’informations plus ou moins contradictoires avec régulièrement de nouvelles révélations sur le caractère atypique et protéiforme des manifestations cliniques, on espérait à l’heure du déconfinement que l’utilisation à grande échelle des tests virologiques et sérologiques nous aiderait à y voir un peu plus clair.
Nous espérions, à l’aide des tests de masse, avoir une vision objective et précise de l’épidémie, afin de mieux la maîtriser grâce aux informations collectées tant sur le plan national que sur le plan individuel.
Nous pensions retrouver une certaine rationalité et une forme de sérénité.
On pensait pouvoir se dire : « mon test sérologique est positif, donc je suis immunisé et les autres n’ont plus rien à craindre de moi; je vais pouvoir reprendre mon travail et mes habitudes comme avant; adieu masques, gestes barrières, etc. ».
On pensait donc obtenir avec un simple test un « passeport d’immunité ».
Il n’en est rien et c’est un peu la douche froide.
De nouveau, on ne comprend pas : les tests sérologiques sont disponibles; ils ont beaucoup de succès dans les laboratoires de ville; néanmoins, les autorités sanitaires les désapprouvent pour le dépistage de masse … mais sans les interdire…
Le corollaire, pour le patient, est l’absence de remboursement des tests sérologiques actuellement, dans la majorité des cas; mais cela est amené à évoluer en fonction de la fiabilité des tests.
Fin mars, le gouvernement annonçait le pré-achat de millions de tests sérologiques; des collectivités locales, des régions et des entreprises avaient aussi passé des précommandes.
Que s’est-il passé entre les stratégies évoquées initialement et aujourd’hui ?
La réponse se trouve dans l’analyse faite par la Haute autorité de Santé (HAS) qui a transmis ses conclusions aux autorités sanitaires, en précisant néanmoins que ses préconisations seraient amenées éventuellement à évoluer, en fonction des connaissances scientifiques.
Cette réponse de la HAS est loin d’être binaire ou manichéenne, et pour en appréhender les subtilités, il est indispensable de rappeler quelques définitions, sans lesquelles on aura du mal à comprendre leurs conclusions.
.📰 Quelques définitions
- La sensibilité d’un test : c’est la probabilité d’avoir un test positif pour une personne malade (dans une population donnée).
- La spécificité d’un test : c’est la probabilité d’avoir un test négatif chez une personne qui n’est pas malade.
- Pour qu’un test soit utile et pertinent : il doit avoir à la fois une grande sensibilité et une spécificité : Il ne sert à rien qu’il soit sensible à 95 %, si sa spécificité n’est que de 5 %.
- La prévalence d’une maladie : elle correspond à la proportion de personnes atteintes par cette maladie dans une population donnée. Nous verrons que cette notion est très importante, car la valeur prédictive positive d’un test dépend beaucoup de cette prévalence.
Muni de ces prérequis, essayons d’y voir plus clair dans les différents tests.
I. Les tests virologiques
Tout le monde connaît désormais ces tests, à force de les avoir vu pratiquer.
Ils consistent le plus souvent à rechercher le virus dans le nasopharynx, à l’aide d’un écouvillon (grand coton-tige inséré dans le nez).
A partir de ce prélèvement, on va ensuite rechercher le matériel génétique du virus (c’est-à-dire son ARN) par RT-PCR.
Ce test permet de dire si une personne est infectée ou non (à l’instant t du prélèvement) et donc de dire si elle est potentiellement contagieuse.
La technique de RT-PCR (Reverse-Transcription Polymerase Chain Reaction).
Ce test est très spécifique, mais pas toujours très sensible.
Il existe environ 30 % de faux négatifs : c’est-à-dire qu’un pourcentage important de patients infectés et potentiellement contagieux peuvent avoir un test négatif.
En effet, parfois le prélèvement n’a pas été assez profond pour ramener du matériel viral, parfois il a été réalisé trop tôt et la charge virale est trop faible pour être détectée, soit le prélèvement a été effectué trop tard.
Après 10 jours d’évolution clinique, le virus est souvent absent du nasopharynx (alors que l’on pourrait le retrouver sur un prélèvement broncho-alvéolaire dans certains cas).
Point important : à partir du 8e jour après l’apparition des signes cliniques, il n’y a pas d’association entre la détection de l’ARN viral et le caractère infectant du virus.
Des tests recherchant le virus dans la salive sont aussi développés (test EasyCov).
Ces tests ne sont pas encore de pratique courante.
Nouvelles directives depuis le 11 mai 2020.
Toute personne présentant des signes de la maladie ou susceptible d’être infectée, ainsi que toute personne ayant été au contact d’une personne testée positive doit être dépistée avec le test de RT-PCR.
Où sont-ils réalisés ?
Ils peuvent être effectués dans les hôpitaux pour les personnes diagnostiquées à l’hôpital ou avec des signes de gravité.
Pour les autres patients répondant aux critères de dépistage, les tests peuvent être effectués dans des laboratoires, des « drives » aménagés (voir sante.fr ou drivecovid.fr) ou à domicile via une équipe mobile.
Le test sera réalisé sur prescription médicale et remboursé à 100 % par la sécurité sociale.
II. Les tests sérologiques
Il existe plusieurs types de tests sérologiques.
A. Les plus classiques sont les tests automatisés type ELISA (enzyme linked immunosorbent assay)
Ils ne vont pas détecter le virus, mais les anticorps produits par l’organisme qui a été infecté par le virus.
Les anticorps (immunoglobulines) que l’on recherche dans le sang sont des IgM et des IgG.
Ces anticorps apparaissent autour du 7e jour après le début des signes cliniques et la détection est optimale à partir du 14e jour.
Les patients ayant une forme sévère développent habituellement des anticorps plus rapidement et avec des titres plus importants que les patients ayant des symptômes modérés.
Comment réaliser ces tests.
Il suffit de se rendre dans un laboratoire qui le pratique (ils sont de plus en plus nombreux comme les groupes Eurofins, Cerballiance, Synlab, Biopath…). Une prise de sang sera réalisée, même sans ordonnance. Le prix de ces tests varie entre 30 et 50 euros selon le laboratoire.
Au ministère de la Santé, on indique que : « L’usage des tests sérologiques n’est ni recommandé ni conseillé pour un dépistage individuel, car les résultats donnés ne sont pas fiables. Ils sont donc déconseillés et évidemment non remboursés ».
Ils ne sont pas interdits en raison de la législation européenne. « Les tests ne sont néanmoins pas interdits, car il dispose d’une autorisation de mise sur le marché via le marquage CE».
En effet, les firmes qui commercialisent ces tests ont effectué des essais cliniques conformes aux normes européennes.
Pourquoi de telles réserves de la part des autorités sanitaires ?
Là encore, il faut se référer aux conclusions de la HAS.
- La présence d’anticorps n’est pas synonyme de protection immunitaire. En effet, une protection certaine à moyen terme, durable et définitive n’est pas garantie.
- La survenue de réactivation du virus (ou de réinfection ?) n’est donc pas à exclure, comme c’est le cas pour d’autres coronavirus.
- Les tests sérologiques ne permettent pas de statuer si une personne est contagieuse ou pas.
La HAS considère que la valeur seuil minimale pour la spécificité d’un test doit être de 98% et de 90% ou 95% pour la sensibilité clinique, selon l’usage du test.
Un cahier des charges pour la validation des tests a donc été élaboré à partir de ces valeurs.
On remarque donc qu’il peut y avoir des faux positifs mais aussi de faux négatifs avec ces tests.
Et surtout, si l’on considère que la prévalence du virus est de 5% en France (hypothèse du conseil scientifique du 20 avril) avec un test d’une spécificité de 98%, la valeur prédictive positive serait de 70% sur la population.
Cela veut dire qu’un test sérologique positif n’a que 70% de chance d’être exact. D’autant que dans certaines régions françaises, la prévalence est inférieure à 5 %.
C’est un élément supplémentaire pour relativiser l’intérêt de ces analyses sur l’ensemble de la population et pour n’envisager le remboursement que pour les tests validés par le CNR (Centre National de Référence).
Néanmoins, la HAS a retenu un certain nombre d’indications pour les tests ELISA qui ont reçu l’agrément.
- Dans le cadre d’un diagnostic initial
- Si le tableau clinique ou le scanner thoracique d’un patient hospitalisé, avec signes de gravité, est évocateur de la Covid-19 et que la RT-PCR est négative, on a recours à la sérologie après le 7e jour du début des symptômes.
- Il en est de même pour les patients en ville, si le tableau clinique est évocateur et que la RT-PCR est négative entre le 1er et le 6e jour des symptômes, indication du test ELISA à partir de J 14 après le début des symptômes.
- Dans le cadre d’un diagnostic de rattrapage
- Chez les patients hospitalisés avec des signes de gravité cliniques ou un scanner évocateur et qu’une RT- PCR n’a pas été réalisée avant le 7e jour de l’apparition des signes cliniques.
- Chez les patients suivis à domicile ou en structures d’hébergement avec des symptômes évocateurs et dont le test RT-PCR n’a pu être réalisé dans les 7 jours après le début des symptômes : sérologie à JAS14.
- En diagnostic différé
- Chez les patients symptomatiques sans signe de gravité diagnostiqué cliniquement, mais n’ayant pas eu la RT-PCR.
- Intérêt de santé publique
- Chez les professionnels soignants ou le personnel d’hébergement collectif, de structures sociales ou médico-sociales, prisons, casernes militaires, pompiers, etc… non symptomatiques. Il est possible de réaliser une sérologie, en cas de RT-PCR négative, uniquement à titre individuel, sur prescription médicale.
- Pour la réalisation d’études épidémiologiques
On le voit, la liste des situations dans lesquelles les tests sérologiques sont proposés est assez longue.
La HAS a en outre indiqué que la stratégie d’utilisation des tests pourrait évoluer en fonction des connaissances scientifiques.
Les laboratoires qui réalisent les tests sérologiques à la demande, sans ordonnance, restent néanmoins très prudents.
Même si leurs tests répondent bien aux critères de sensibilité et de spécificité requis par la HAS, ils feront signer aux personnes demandant ce test, une attestation où ils les informent que :
- les tests sérologiques ne permettent pas de statuer si une personne est contagieuse ou non (même avec des anticorps positifs);
- en l’état actuel des connaissances, on ne sait pas si l’infection et la guérison confèrent une immunité durable.
B. Les tests rapides : TDR, TROD, autotests.
1. Les tests de dépistage rapide (TDR)
Ils sont réalisés au sein d’un laboratoire de biologie médicale qui garantit l’interprétation et la traçabilité des résultats. L’analyse se fait à partir d’une gouttelette de sang prélevée au doigt.
2. Les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD)
Ils peuvent être réalisés par des médecins, pharmaciens, infirmiers, hors laboratoire, et comme pour les TDR, à partir d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt et déposée sur une bandelette qui va changer de couleur, en fonction du résultat.
En cas de résultat positif, il devra être confirmé par un test ELISA réalisé dans un laboratoire de biologie médicale.
Dans un communiqué du 18 mai, la HAS s’est positionnée sur la stratégie d’utilisation de ces tests (TDR et TROD) qui pourraient compléter l’offre diagnostique, avec les mêmes indications que les tests sérologiques automatisés (cf supra).
3. Les autotests
Ils sont aussi réalisés aussi à partir d’une gouttelette de sang ; la lecture et l’interprétation des résultats sont effectuées par l’individu lui-même.
En l’absence d’évaluation formelle des performances cliniques et des difficultés d’interprétation par les utilisateurs, l’utilisation de ces tests paraît prématurée pour la HAS, dans le contexte actuel.
Conclusion
Les tests virologiques par RT-PCR, à la recherche du virus, sont spécifiques, mais il existe des faux négatifs qui dépendent de divers paramètres.
Ces tests sont surtout pertinents dans les 2 premières semaines qui suivent l’apparition des signes cliniques.
Les tests sérologiques ne seront pas la panacée pour donner un « passeport d’immunité ».
Ils se positivent à partir du 7e jour des signes cliniques de la maladie et la détection devient optimale à partir du 14e jour.
On ne connaît pas le caractère protecteur des anticorps détectés et leur activité neutralisante sur le virus, ni la durée d’une éventuelle immunisation.
Ils ne permettent pas de statuer sur la contagiosité éventuelle de la personne testée.
Hors donc, si vous ne faites pas partie de la liste des personnes que la HAS propose de tester avec une sérologie, et si vous êtes inquiets ou que vous voulez savoir si vous avez été ou non en contact avec le virus, il n’est pas interdit de faire le test, mais n’oubliez pas que l’interprétation des résultats mérite réflexion.
Continuez à respecter les gestes barrières et à porter le masque, si les conditions l’exigent, même si le test est positif.
Dr M.P.
Références et pour aller plus loin
(*) L’Académie française a tranché pour le féminin de Covid, puisqu’il s’agit de la maladie, transmise par le virus SARS-CoV-2.