Retourner à l’école ou continuer l’enseignement à distance? Cette question divise parents, élèves, enseignants, tant les expériences sont variables. La Gazette de Sceaux a écouté le point de vue d’une maîtresse scéenne de CM2 sur son vécu du confinement, de l’école à distance et de la reprise progressive.
LGdS : Comment avez-vous vécu le confinement ?
La maîtresse : Cette période s’est scindée en deux temps. Tout d’abord, l’inquiétude m’a gagnée. En effet de toutes parts nous parvenaient des informations très alarmantes ce qui finit par réellement me stresser. J’ai donc décidé de respecter au plus près les consignes qui nous étaient transmises.
Dans un second temps, j’ai réussi à prendre une certaine distance par rapport à cette pandémie et j’ai pris mon mal en patience. Si j’ai souffert de cette quasi totale privation de liberté, j’ai pu bricoler, repeindre mon salon de jardin, et relire les trois tomes des Lieux de mémoire (P. Nora).
LGdS : Qu’est-ce qui vous a le plus manqué pendant ce confinement ?
La maîtresse : J’ai conscience que ma réponse va pouvoir choquer un peu, mais mes vacances à la campagne m’ont affreusement manqué. Je ressentais le besoin de respirer, marcher, sortir, faire un peu d’exercice. Là bas, en pleine nature, je parviens vraiment à me déstresser.
LGdS : Comment avez-vous adapté votre travail pour assurer la classe à distance ?
La maîtresse : Là encore, deux moments différents sont apparus. D’abord, les quinze premiers jours, où nous pensions que l’école reprendrait fin mars/début avril. Nous n’avions donc prévu pour les élèves qu’une petite pochette avec un roman, les deux manuels (français et mathématiques) et quelques consignes de révision. Rapidement, j’ai senti que ce serait très insuffisant. J’ai donc entamé un programme réel de révisions, avec des consignes pour aider les parents du mieux possible.
Ensuite, après les vacances de printemps, pour les quatre semaines restantes, j’ai craint la perte de sens des apprentissages. Boucler les programmes n’est pas une fin en soi, nous sommes tous d’accord. Néanmoins trop de lacunes finissent par « miter » la trame éducative. Je m’explique : les savoirs étant transversaux, s’il y a trop de trous dans la raquette, cela cause des difficultés dans toutes les disciplines. J’ai donc entamé des cours, au sens propre du terme, avec topo explicatif, exemples, exercices, corrigés …
Pour conserver une cohérence rassurante, je me suis rapprochée au maximum de ce que j’aurais fait en classe. Là, je me suis heurtée à une difficulté : je n’avais aucun de mes manuels scolaires ni mon cahier journal !!!!
LGdS : Que retiendrez-vous de cette expérience d’enseignement à distance ?
La maîtresse : C’est là que se situe l’excellente nouvelle : j’ai été en lien permanent avec toute la classe. Hormis un ou deux élèves qui ont, je suppose, travaillé mais ne m’ont pas contactée, je n’ai vécu aucune rupture éducative avec la plupart des élèves.
Pour paradoxal que puisse sembler mon propos, l’éloignement a généré une plus-value affective. Les élèves m’appelaient, m’envoyaient des photos, de petits mails gentils.
En cas de difficulté, certains élèves m’ont téléphoné pour que je leur ré-explique un exercice pour lequel la correction n’était pas suffisante pour dissiper les difficultés.
LGdS : Quels conseils donneriez-vous aux élèves et aux parents , si cette situation venait à se prolonger/reproduire ?
La maîtresse : Je ne me permettrais pas de donner des conseils car, en toute honnêteté, je trouve que tant les parents que leurs enfants se sont approprié, au pied levé, cet enseignement en distanciel avec énormément d’efficacité. Je salue d’ailleurs ce gros travail.
Peut-être même que la relation duelle qui s’est instaurée entre le parent et son enfant a permis de créer, pour certains élèves, une confiance nouvelle face aux apprentissages.
LGdS : Vous avez repris le chemin de l’école depuis maintenant deux semaines. Comment se déroule cette reprise progressive ?
La maîtresse : A titre personnel, je ne m’inquiétais pas particulièrement pour cette reprise, car en amont un vaste travail avait été fait. De plus, je pense que ce retour était nécessaire, voire indispensable. Mais c’est une idée subjective. Je respecte tout à fait ceux qui, parmi les parents de ma classe, ont préféré garder leur enfant à la maison. C’est un choix qui leur appartient.
Nous étions tous conscients de l’enjeu, nous nous sommes tous comportés avec sérieux en respectant les consignes. Je trouve que ce retour en classe s’est extrêmement bien déroulé et cela augure d’une suite positive pour les autres niveaux qui vont nous rejoindre à compter du 25.