J’ai compris qu’on pouvait se détester soi-même lorsque j’ai choisi ce sujet. Enfin non, plutôt quand j’ai regretté de l’avoir choisi. Lundi dernier, tel un héros, je me regardais valider mon ticket pour la finale de ce concours. Il ne serait que mensonge d’affirmer que je n’ai pas éprouvé d’amour envers ma propre personne à cet instant. Mais dans l’euphorie de mon triomphe, j’en choisissais mon sujet dépourvu de tout recul sur celui-ci. Il ne me fallut pas plus d’un jour pour regretter mon choix, refusant ainsi d’accepter ma future défaite en charognant dans mon coin sur mon triste sort. En effet l’inspiration étant en berne, mon amour propre s’était éclipsé laissant rapidement place au dégoût de mon être, après l’envol de cette plume qui m’avait amenée jusqu’ici. C’est dans cet état morose que je compris les mots de Pascal. Le moi est haïssable. Cela me paraissait maintenant évident. Sans m’en rendre compte, je venais de comprendre le sujet, élançant ainsi mon esprit dans une réflexion en chaîne.
Cette citation nous vient donc de Pascal. Mais cet homme, qui je le rappelle a inventé la première calculatrice, a donné son nom à l’unité de mesure de la pression dans le S.I, a établi de nombreux théorèmes mathématiques, cet homme comment pouvait-il ressentir ce sentiment de haine envers lui-même ? Si après toutes ces découvertes vitales il se considérait comme détestable, je devrais alors abandonner toute considération envers moi-même. Il est évident que je n’ai pas accompli moult choses en comparaison d’un tel homme de science. Nous pouvons alors tous, et moi le premier, nous considérer comme haïssables.
Il est vrai que nous sommes tous enclins à un défaut, une imperfection ou une part de nous-mêmes qui nous déplaît. Par exemple j’ai tendance à avoir un excès d’exigence envers moi-même, mais surtout envers les autres. Et si souvent dans l’action je n’en prends pas conscience, c’est avec le recul que je comprends mon erreur. Et alors souvent s’installent des regrets, qui donnent lieu à de la rancune et ce cheminement n’aboutit plus que sur de la haine envers moi. Et je suis sûr que vous visualisez tous ce sentiment qui habite chacun de nous. Et je ne parle ici que du moi intérieur. Car si vous êtes défini par votre caractère, vous l’êtes tout autant par votre physique. Qui parmi nous n’a jamais passé des heures à relever sa moindre imperfection. Vous ne voyez pas votre beauté telle qu’elle est, et c’est d’ailleurs bien dommage, car vous êtes tous magnifiques ! Mais à travers votre œil, il n’y a que matière à vous détester. Combien de personnes ne ressentent aucune aisance dans leur propre corps. Elles n’éprouveront que haine, car elles ne se ressentiront pas le sentiment d’amour au travers des autres et donc a fortiori à travers elle-même.
On peut alors dissocier l’être et le paraître. Ce sont en effet 2 personnalités bien distinctes. Celle qu’on dévoile à nous-mêmes et celle qu’on dévoile aux autres. Si nous aimons nous présenter aux autres à travers des discours et des idéaux qui ont pour but de se faire admirer, cela n’est que la version améliorée de celui qu’on est à l’intérieur. En réalité nous avons tous des motivations à agir qui peuvent être plus ou moins intéressées. Nos convictions ne sont pas toujours les nôtres, mais seulement celles dictées par la bien-pensance de notre société. Qui n’a jamais ressenti d’obscures pensées à l’égard d’un professeur ou de ses parents, lorsque celui-ci n’exécutait que son devoir pédagogique ? Il est alors inévitable de ne pas détester la personne qu’on est à l’intérieur lorsque nous prenons conscience de ces pensées les plus sombres. A contrario, l’être déteste notre paraître, car il le considère comme hypocrite et influençable. Nous sommes donc tous régit par une dualité entre ces 2 composantes, qui nous pousse à toujours trouver quelque chose de détestable en nous.
Car il est vrai que la nature humaine est par définition détestable. L’histoire nous a démontré que l’égoïsme et l’égocentrisme devenaient les maîtres mots lorsque l’humain se retrouvait confronté à une situation d’urgence vitale. Je prendrais l’exemple du célèbre roman de H.G Wells La guerre des mondes. Ce roman est un pionnier de la science-fiction moderne. Il est démonstrateur de ce que pourrait être la nature humaine en cas d’invasion extra-terrestre sur terre, et croyez-moi, ça ne donne pas envie de jouer les Napoléons de l’espace. Avec plus de 6 milliards de planètes similaires à la terre au sein de notre univers, il serait impensable de considérer que nous sommes la seule espèce intelligente existante, car dans le cas contraire nous serions soit extrêmement naïfs, soit extrêmement prétentieux. Mais que se passerait-il si l’une de ces populations décidait de jouer à Christophe Colomb? Demandez aux Amérindiens un retour d’expérience, vous comprendrez la détresse qui nous attend. Mais alors il faudrait défendre notre planète. C’est là que l’humanité, ou plutôt l’inhumanité de chacun se dévoilerait alors au grand jour. Dans le roman de Wells, si certains se révèlent comme des héros, d’autres se contentent de protéger leurs familles respectives aux périls de toutes les autres. Mais beaucoup se contentent finalement de ne plus servir que leurs intérêts personnels, si cela est la seule chance de survie, n’hésitant même plus à sacrifier leurs entourages. Alors certes, nous parlons ici d’un roman. Mais ce n’est pas pour rien que notre auteur est encore aujourd’hui considéré comme un des plus grands visionnaires de son époque. A la fin du XIXe siècle, il avait imaginé les avions, la bombe nucléaire et même internet. Alors, espérons que ce roman soit la limite de sa vision futuriste, car si ses estimations concernant le comportement humain s’avéraient vraies, on pourrait alors affirmer que chacun des moi est haïssable, et que ce joyeux mélange couplé à un ennemi bien supérieur à nous, ne pourrait que nous conduire à notre perte.
Mais alors si chacun est détestable, comment arrivons-nous à nous maintenir heureux ? Et bien il est évident que la haine que nous pouvons ressentir à notre égard est évidemment tempérée par l’amour que nous recevons des autres. J’ai précédemment évoqué le paraître. Mais quel est son intérêt propre ? Il semblerait que celui-ci soit d’aller chercher l’amour des autres. Pour s’aimer soi-même, il est nécessaire de se sentir aimé des autres. Si vous prenez l’exemple d’une personne bien entourée, il lui sera facile de se sentir aimé et donc elle n’aura que très peu de haine envers elle-même. Cependant, une personne seule, elle, éprouvera plus de mal à s’apprécier et là, elle tombera facilement dans sa propre haine. Et c’est donc cette conclusion que nous pouvons tirer. Oui nous sommes tous haïssables, car nous avons besoin de l’amour des autres pour lutter contre notre haine envers nous-mêmes.
Comment ai-je préparé ce discours ? Comme énoncé plus tôt, je n’ai éprouvé que haine envers moi-même lorsque les heures défilaient autant que ma page blanchissait. Mais comment ai-je réussi de me défaire de ce néfaste sentiment. Et bien pour être en toute franchise avec vous, je n’en tire aucun mérite. En revanche il y’a une tierce personne présente dans cette salle sans qui j’aurais sûrement éprouvé quelques difficultés à imager mes propos. Cette personne m’a sauvé à de nombreuses reprises de cette haine qui s’emparait de moi, et une fois n’est pas coutume, elle a de nouveau œuvré pour me remotiver à terminer ce discours qui prenait la poussière. C’est dans ce moment où j’étais empli de haine qu’elle est apparue pour me tirer vers le haut. Là où je ne voyais que d’imperfection dans ma réflexion elle m’a rappelée cette phrase que j’aime souvent lui radoter. C’est dans tes imperfections que tu incarnes ma perfection. Et c’est là que j’ai repris confiance en moi. Je savais que, quelle que soit ma performance de ce soir, il me resterait toujours son amour pour me porter, qu’il ne disparaîtrait pas. Le moi de chacun est haïssable, mais c’est pour cela que le toi des autres est adorable. Je le dis bien fort ma chère et tendre je t’aime, car ton amour comble mes manques autant qu’il me comble de bonheur. Je t’aime pour tes imperfections, autant que tu m’aimes pour les miennes. Enfin du moins je l’espère. Tu as cette étincelle qui prend la froideur de ma haine et la réchauffe de ton amour. Tu es en quelque sorte le micro-onde de mon cœur.
Alors il est évident que tous nos moi sont détestables, car grâce aux autres nous recevons déjà tellement d’amour.
Dans le documentaire Woman, réalisé par Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, une femme témoigne des difficultés qu’elle a rencontrées après la mort de son mari. Elle nous explique qu’elle a dû réapprendre à s’aimer. Elle avait confié l’amour d’elle-même à quelqu’un d’autre le temps d’une vie. Mais une fois cette vie achevée, il n’y avait plus personne pour l‘aimer, ne lui restant donc que sa haine. Et là on comprend réellement l’importance de se faire aimer, car dans le cas contraire nous pouvons seulement nous haïr.
Alors s’il est évident que nos imperfections nous poussent à ressentir de la haine envers nous-mêmes, n’oubliez pas qu’il y’a autour de vous des êtres qui sont là pour combler ce sentiment par un amour inconditionnel, le réel vecteur de toutes les motivations humaines. Entourez vous des bonnes personnes et sachez où puiser votre énergie pour ne pas tomber dans la détresse. Car si quelqu’un d’aussi détestable que moi a pu trouver son micro-onde, c’est comme une évidence que vous pouvez tous trouver le vôtre.