Le Président de la République a décidé de passer cette fois-ci à des mesures plus drastiques en fermant les écoles pour au moins trois semaines et il a parlé clairement de confinement. Il y a eu une remarque importante dans son discours : il a observé qu’il avait décidé ce confinement le plus tard possible.
Or tous les épidémiologistes sérieux ont répété à satiété à ceux qui voulaient les entendre que, d’un strict point de vue sanitaire, il aurait fallu anticiper. L’explication est assez simple : Emmanuel Macron n’a pas agi en épidémiologiste mais en politique. Et dans une démocratie comme la nôtre, n’en déplaise à ceux qui parlent de « dictature sanitaire », il faut bien faire avec l’opinion publique. Pas seulement par souci démocratique d’ailleurs, mais pour une simple question d’efficacité. Car, dans cette épidémie, la question des comportements de chacun est fondamentale. Un petit détour sur ce point est indispensable avant de revenir à la question politique.
Dedans avec les miens, dehors en citoyens
Ces derniers jours, il y avait foule au parc de Sceaux et ce mercredi, des petits groupes étaient installés sur les pelouses. La superficie du parc est telle qu’il peut accueillir des milliers de visiteurs sans que ceux-ci soient les uns contre les autres, comme on peut l’observer par exemple au canal Saint-Martin. Tous les visiteurs n’étaient pas pour autant forcément là « en citoyens » pour reprendre le récent slogan proposé par le gouvernement. Les personnes ne portant pas de masques étaient nombreuses : celles-là semblaient ignorer que la distance et l’aération ne suffisent pas toujours.
Cependant, l’étude de l’Institut Pasteur récemment parue a montré que 95 % des contaminations se font à l’intérieur. C’est plus particulièrement dans la sphère privée (amis et famille), dans le « dedans avec les miens », que se situent 75 % des contaminations
C’est toute la difficulté de l’action du gouvernement qui n’a guère de moyens pour agir sur cette sphère privée, ou sur ces Français qui, symptomatiques, attendent la confirmation du test avant de s’isoler. Et pourtant ce sont ces comportements qu’il faut faire évoluer (en observant au passage que si le coefficient de reproduction est très loin de celui observé il y a un an, c’est parce qu’une majorité des Français a généralement des comportements adaptés).
Points de vue sociaux
Il est frappant d’observer que depuis bientôt deux mois, Macron a refusé de confiner et aucun responsable politique ne s’est positionné pour réclamer ce confinement anticipé. Les choses ont un peu changé ces tout derniers jours avec un appel à des mesures plus contraintes de la part du maire de Grenoble et un article de Libération.
Mais ce n’est pas la seul raison à mon avis pour laquelle Macron a mis en avant sa décision tardive. La question majeure, comme l’a évoqué récemment la Gazette, va être prochainement celle de la sortie du confinement. Les Français attendent impatiemment un retour à la normale. Cela fait des semaines que le gouvernement explique que ce retour arrivera bientôt, grâce à la vaccination, tout en restant assez vague sur les échéances. Cette fois, le Président a bien expliqué que le desserrement des contraintes se fera progressivement selon un calendrier à définir.
Cela m’a rappelé une histoire. Dans l’un des épisodes des Schtroumpfs, intitulé le Cosmoschroupf, ces derniers partent en expédition dans la montagne. Le voyage est fatigant et long. Toutes les cinq minutes, l’un des Schtroumpfs demande « c’est encore loin Grand Schtroumpf ?». Celui-ci répond quelque chose du genre « on approche ! » Jusqu’au soir où très énervé il finit par crier « oui ! ».
Réactions de leaders politiques
Les réactions des politiques sur Twitter mercredi soir reflètent d’une part qu’aucun ne s’est clairement positionné pour un confinement anticipé (alors qu’il y avait la possibilité d’un positionnement clair et courageux) et qu’ils n’ont guère que des critiques annexes à faire. Florilège.
Julien Bayou (EELV) : Un président omniscient décide de tout, tout le temps et pour tout le monde. Le parlement s’occupera du reste. Le « pari » morbide est perdu. Nous en payons le prix. À privilégier l’économie au détriment de la santé nous perdons sur les deux tableaux.
Jean Luc Mélenchon : Macron 20h incohérent. Les élèves : les uns à l’école, les autres à la maison. Couvre-feu sans alternance des horaires de travail = la cohue. Purificateur d’air ? Masque FFP2 gratuit ? Licence libre des vaccins ? Rien. Désolant. Il est urgent de planifier le prochain déconfinement.
Damien Abad (LR) : Les Français devaient être vaccinés d’ici trois mois. Ils ne le seront peut-être qu’« à la fin de l’été». Ce soir, c’est le grand flou artistique sur la vaccination alimentée par des acrobaties sur le calendrier.
Marine Le Pen : Les mesures annoncées par Macron résultent notamment d’un Waterloo vaccinal dont il n’assume pas la responsabilité. Ce sont hélas les Français qui paient les conséquences de ces retards, de cet orgueil, de ces incohérences, avec un impact lourd sur leur vie quotidienne.
Jeudi matin, à l’Assemblée Nationale, les groupes LR, PS ont déclaré qu’ils refusaient de prendre part au vote sur ce sujet. Les raisons avancées (l’arbitrage présidentiel fait sans débat politique préalable) sont discutables mais tout à fait entendables. Mais cette position révèle aussi que ces deux groupes n’ont pas réellement de contre-projet sur la gestion sanitaire, comme les positions prises depuis un an au gré de l’actualité par leurs différents leaders l’ont amplement montré. Ils préfèrent donc refuser de voter pour s’épargner de choisir entre le vote positif et le vote négatif.
On parle ici de partis dits de gouvernement, qui ont gouverné dans un passé suffisamment proche pour avoir la volonté d’être réalistes. Marine le Pen et de Jean Luc Mélenchon ne se préoccupent pas vraiment de tels détails ni de cohérence dans le temps, comme le montrent leurs discours très méfiant sur les vaccins en décembre.
Et demain ?
L’un des défauts de l’arbitrage présidentiel est qu’il ne laisse guère de temps aux acteurs de terrain pour s’organiser. On imagine que les enseignants, par exemple, auraient aimer connaitre un peu plus à l’avance le déroulement de leur activité.
Mais aujourd’hui l’essentiel est que ce confinement réussisse à faire baisser le plus possible la circulation du virus. Et cela dépend avant tout du comportement de chacun !