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Le projet Charles de Gaulle et le tribunal administratif

Dans un jugement du 14 janvier 2025, le tribunal administratif (T.A.) de Cergy donne 8 mois à la Ville de Sceaux pour régulariser plusieurs « vices de formes» mis en évidence concernant le permis de construire de la Place Charles de Gaulle. Ce jugement fait suite à une requête du GEUHS, lequel a depuis fait connaître cette décision par tract. Le maire, sollicité par la Gazette, a expliqué ce qu’il estime être la situation.

Le recours

Un article de la Gazette évoquait en mai 2024 ce recours du GEUHS. Cette association, présente à Sceaux depuis 1974, défend « une urbanisation plus respectueuse de l’environnement, plus verte ». L’association s’est très vite opposée au projet de la Place Charles de Gaulle, notamment par des distributions régulières de tracts. Son objectif, avec le recours contre le permis de construire, était bien l’arrêt du projet. Mais, pour obtenir cet arrêt auprès du TA, il lui fallait démontrer que celui-ci était illégal, c’est-à-dire qu’il contrevenait à un point (ou plusieurs) de la loi. Comme déjà expliqué par la Gazette, le juge administratif doit juger si dans le dossier qui lui est soumis, la décision de l’administration est bien conforme à la loi.

L’essentiel de la décision

Dans son point 69, le tribunal écrit :

Il résulte de l’instruction que les vices de légalité constatés (de nature à fonder l’annulation du permis de construire litigieux) sont susceptibles d’être régularisés par une modification du projet qui n’implique pas de lui apporter un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, et de fixer au pétitionnaire et au maire de Sceaux un délai de 8 mois à compter de la notification de la présente décision aux fins de produire la mesure de régularisation nécessaire.

Dit autrement, les points qui pourraient justifier l’annulation du permis peuvent être corrigés sans remettre en cause la nature générale du projet. Et il y a un délai de 8 mois pour le faire. C’est l’élément le plus important du jugement.

Les principaux points du jugement

L’arrêt du T.A. commence classiquement par rappeler la requête commune du Groupe d’études d’urbanisme des habitants de Sceaux (GEUHS) et du syndicat de copropriété de la résidence de l’Ermitage d’annuler l’arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le maire de Sceaux a délivré à la SCCV Sceaux Place de Gaulle un permis de construire n° PC 092071 21 00045.

Il rappelle ensuite les différents moyens juridiques des parties (les requérants et la défense), puis il constate que le syndicat de copropriété de la résidence de l’Ermitage s’est désisté de sa requête.

Il rejette ensuite les fins de non-recevoir de la défense (la mairie), contestant la qualité et l’intérêt à agir du GEUHS.

Concernant l’avis de l’architecte des bâtiments de France, le T.A. rejette le moyen visant à protéger les bâtiments devant être démolis (rue du Four) : ce ne sont pas des bâtiments patrimoniaux historiques. En revanche il note que des documents postérieurs à l’avis favorable de l’architecte ne lui ont pas été transmis, et donc cet avis est irrégulier.

Le tribunal rejette les moyens faisant valoir que le dossier du permis de construire serait incomplet.

En ce qui concerne la légalité interne de l’autorisation d’urbanisme au regard d’autres législations, le requérant (ici le GEUHS) avait mis en avant 9 points. Sept d’entre eux sont rejetés, dont celui estimant que les zones végétalisées n’auraient pas la hauteur de terre suffisante.

Le T.A. a en revanche suivi le requérant sur deux points. D’abord, sur le fait que le rejet des eaux pluviales aurait dû faire l’objet d’une demande auprès du service d’assainissement des Hauts-de-Seine. Ensuite, le fait que la limite de 60% d’utilisation du foncier n’est respectée que si on compte en plus des terrains appartenant à la Ville, ceux appartenant au département et ceux appartenant à l’Établissement public foncier de la région Île-de-France.

En ce qui concerne la légalité interne de l’autorisation d’urbanisme au regard du code de l’urbanisme, le moyen avancé par le requérant (risque fort de mouvement de terrain lié à la présence d’argile en sous-sol) est rejeté.

Commentaires

On se souvient que la T.A. avait pris une décision semblable à propos du Château de l’Amiral. Pour respecter le Plan Local d’Urbanisme (PLU), le dernier étage de la construction prévue pour l’école culinaire aurait dû être d’une plus petite surface que l’étage en dessous, ce qui n’était pas le cas. Le T.A. avait donné 6 mois au promoteur pour revoir sa copie. Mais celui-ci avait renoncé au projet pour des raisons multiples (voir cet article).

Une première question se pose donc : les modifications demandées par le tribunal (que celui-ci n’estime pas de nature à changer la nature même du projet) vont-elles faire renoncer la ville ?

Par ailleurs, un jugement en date du 9 février 2023 a contraint la ville à transmettre le dossier à VSGP, qui est en train d’établir un nouveau projet. Celui-ci devra prendre en compte les remarques du T.A. en son jugement du 14 janvier 2025.

Par précaution, la Gazette a écrit le 1er avril à Philippe Laurent, maire de Sceaux, pour vérifier ces points. Celui-ci a répondu le 7 avril.

La réponse de Philippe Laurent

Le tribunal administratif s’est effectivement positionné sur la régularité du permis de construire PC n°092071 21 00045 relatif à l’îlot Voltaire. Dans son jugement du 14 janvier, il rejette la plupart des moyens soulevés par les requérants. Les éléments structurants du projet sont ainsi confirmés par le tribunal, comme l’implantation et la hauteur des constructions, les espaces verts, l’insertion des constructions dans l’environnement, le respect du site patrimonial remarquable, la prise en compte des risques…

Le tribunal a cependant décidé de surseoir à statuer, car il estime que sur certains sujets, le dossier doit être consolidé. Outre des motifs purement formels, il soulève deux sujets :
> Celui de la gestion des eaux de pluie : la réglementation a évolué à ce sujet en 2023, avec la révision du schéma d’aménagement et de gestion des eaux de la vallée de la Bièvre, entré en vigueur le 12 juillet 2023. Le projet devra prendre en compte ce nouveau cadre réglementaire ;
> Celui de l’emprise occupée au sol par le projet : le montage du projet avec Vallée Sud Aménagement (VSA) permettra à ce dernier de réunir l’ensemble des terrains nécessaires à l’opération et donc de consolider ce point.

Comme vous le soulevez, le permis de construire délivré en 2022 n’a plus vocation à être mis en œuvre, puisque la Ville n’est plus liée aux promoteurs Nacarat et Pitch Immo et que le projet a été confié à VSA. Cette dernière a relancé des études pour établir un nouveau projet, qui ne remettra pas en cause les principes issus du projet précédent et acceptés par la population (requalification des espaces publics, création d’un axe piéton, développement de nouvelles boutiques…). Ce projet donnera lieu à un nouveau permis de construire. Les enseignements tirés du jugement du 14 janvier permettront de renforcer ce nouveau permis et de garantir sa pérennité.

VSA avance par ailleurs sur la mise en œuvre opérationnelle du projet puisqu’elle procédera à la démolition des immeubles de l’îlot Voltaire, courant 2025, après curage et désamiantage.

Deuxième jugement

Il y aura donc un deuxième jugement, au plus tôt le 8 septembre. Trois hypothèses se présentent. D’abord, la Ville corrige les vices de forme soulevés. Le T.A. constate alors que le permis ainsi corrigé est conforme à la loi. Deuxième cas, celui où la Ville ne corrige pas: le T.A. donne alors raison au requérant. Dernier cas: le permis est retiré par la mairie. Le T.A. juge alors qu’il n’y a pas lieu à statuer.

On peut se demander si la Ville peut retirer son permis, alors qu’il est lié à une promesse de vente de terrain aux promoteurs. Il semble que cette promesse soit caduque si l’on en croit la réponse faite par Philippe Laurent à une question orale de Maud Bonté, conseillère municipale et présidente du GEUHS, lors de la séance du 25 septembre 2024 (à partir de la page 79).

C’est donc maintenant à VSA d’intégrer la décision du tribunal administratif de Cergy dans son projet. Celui-ci a à la fois rappelé certaines contraintes à respecter, à la suite du requérant, et écarté les autres moyens de celui-ci.

A lire : Projet Charles de Gaulle à Sceaux

  1. Maud Bonté Maud Bonté 13 avril 2025

    Merci aux auteurs de cet article, intéressant, mais incomplet
    Cf notre bulletin nº13-25 de mars-avril 2025.
    • Le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise du 14 janvier 2025 ordonne « la préservation des arbres d’alignement de la rue du Four et de la rue Voltaire » TA p.13 nº37.
    • L’emprise au sol des bâtiments qui s’étendait au-delà des arbres, du trottoir existant et sur une partie de la chaussée actuelle, est erronée en ce qu’ « elle excède le coefficient maximal de 60% fixé par les dispositions de l’article UA 9 qui ont ainsi été méconnues »
    TA p16 nº49.
    • Par ailleurs, demeure un point obscur:
    Le maire ne peut pas retirer un PC sauf à payer le dédit de la promesse de vente de 900 000€, même en ayant rendu le PC, caduque. La caducité de cette promesse est un élément de pression contre le promoteur.
    L’ambigüité persiste en évoquant le rôle de Vallée-Sud GP qui n’est pas propriétaire de la parcelle, et qui n’a pas la compétence de signer un nouveau Permis de Construire.

    Une négociation en vue ? Et laquelle ?
    Bonne journée.
    Maud Bonté

    • Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 13 avril 2025

      Bonjour
      Merci pour ces précisions

      Ci-dessous l’article 37
      37.Il ressort des pièces du dossier que la mise en œuvre du projet autorisé par le permis contesté implique l’abattage d’une vingtaine d’arbres alignés se trouvant sur des parcelles implantées rue du Four et rue Voltaire. L’autorisation d’urbanisme contestée vaut ainsi octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l’article L. 350-3 du code de l’environnement. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, la nécessité de l’abattage de ces arbres alignés répondrait à des besoins spécifiques de la construction. A cet égard, la circonstance que l’opération s’inscrirait dans un plus vaste projet du secteur de la Place du Général de Gaulle n’est pas de nature à établir l’existence d’une telle nécessité.

      la réponse de Philippe Laurent laisse entendre qu’il ne s’agit que d’un point de forme et que donc le futur permis de construire pourra bénéficiera de la dérogation évoquée dans cet article. A voir le moment venu!

      Concernant l’emprise maximale de 60% des terrains, l’article 48 précise qu’ un terrain est « une propriété foncière d’un seul tenant, composée d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire »
      Comme il est précisé ensuite, il y a aujourd’hui plusieurs propriétaires. D’où la décision du T.A. mais on peut imaginer que ce point peut être réglé puisque les deux autres propriétaires sont le département et l’établissement foncier d’IDF (il faut qu’une vente soit faite mais il parait très probable que ce sera le cas, il y a une promesse de vente)

      Enfin, le maire affirme que la vente au promoteur est caduque du fait du non apport par celui-ci d’une somme prévue dans l’accord (voir le CR du conseil municipal évoqué dans l’article

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