Il a participé à l’insurrection de Varsovie et il en porte inlassablement témoignage dans des établissements scolaires. Habitant à Bourg-la-Reine, il est venu le 26 mai à la médiathèque de la ville raconter son parcours avant son arrivée en France. Un parcours marqué par ses épreuves face au nazisme et à la répression soviétique.
Une jeunesse sous le joug de l’occupant
Georges Szumanski vient juste d’avoir 15 ans quand Allemands et Russes envahissent la Pologne dans le cadre du pacte germano-soviétique. Sa famille vit à l’est de la Pologne, dans une ville occupée par les forces soviétiques. La ville deviendra ukrainienne après 1945. L’URSS y impose immédiatement son régime. Pour ce qui concerne les lycéens, il s’agit de l’apprentissage obligatoire du russe et de la révision des livres scolaires (excrétions du capitalisme décadent selon l’occupant) et plus généralement d’un fonctionnement autoritaire. Le portrait de Staline est affiché partout.
Le jeune Georges commettra quelques actes potaches de « résistance », qui n’eurent heureusement pas de conséquences. En août, la famille profite d’une possibilité offerte par les pouvoirs allemand et soviétique pour rejoindre Varsovie. Ils doivent utiliser des faux papiers pour cela. Arrivés en zone allemande, les hommes se voient obligés de se déshabiller : les soldats allemands cherchent les juifs.
La zone est plus calme que du côté soviétique, mais la terreur s’installe progressivement. Les Allemands confisquent toutes les radios et mettent en place un rationnement : 250 g de pain noir par jour. Les établissements d’enseignement sont fermés, sauf l’enseignement technique. Pour les nazis, les Slaves sont des sous-hommes, ils ne sont bons qu’à faire des ouvriers professionnels.
Insurrection
Heureusement pour Georges, des enseignements clandestins se mettent en place. Lors d’un séjour à la campagne, en été 1941, il découvre le camp de Belzec, un camp de travail forcé pour les juifs, qui deviendra peu après un camp d’extermination. En 1942, l’enseignement clandestin lui permet d’entrer en contact avec la résistance, l’AK pour Armia Krajowa, « Armée de l’intérieur ». Le plus important mouvement de résistance en Pologne est en lien avec le gouvernement polonais en exil en Angleterre. Il se voit affecté au service des explosifs et participe régulièrement à des exercices et à de l’entrainement à la campagne. Il se souvient des risques immenses pris, avec les rafles et les pendaisons qui se multiplient.
Habitant Varsovie, il est témoin de l’enfermement progressif du ghetto juif, puis sa révolte le 17 avril 1943. Le soulèvement est réprimé en moins d’un mois, les juifs ayant très peu d’armes.
Le 1er août 1944, c’est au tour de la résistance polonaise de Varsovie de se soulever (voir ici). Georges Szumanski y participe à la tête d’une section de 12 résistants. Au total, ils ont deux fusils et un révolver, mais fabriquent des cocktails Molotov. Ce qui est peu face aux Allemands très équipés, d’autant que l’Armée rouge n’intervient pas pour soutenir les insurgés. Il raconte comment il est blessé puis fait prisonnier. Il arrive à s’évader.
Quelques mois plus tard, les Soviétiques mettent en place un gouvernement polonais communiste. Les membres de la résistance intérieure sont pourchassés. On donne l’ordre à Georges Szumanski et son père de rejoindre la France et l’Angleterre. Il finira par rejoindre la France en 1947 et s’y établir.
Témoignage
Depuis 20 ans, Georges Szumanski témoigne dans les lycées et les collèges. Ses interventions sont organisées par l’association Paroles d’hommes et de femmes, qui fait intervenir des migrants qui se sont intégrés en France.
La Pologne aussi veut garder la mémoire des événements de 1944. En 2019, Georges Szumanski est l’un des derniers résistants de l’insurrection de Varsovie encore en vie.
Dans un article publié dans BLR Mag de septembre 2023 (page 33), Yvon Bellec raconte :
« Le jeudi 11 mai 2023, il était reçu à l’ambassade de Pologne pour y être élevé au grade d’officier dans l’armée polonaise. Cette cérémonie témoigne de la reconnaissance de son pays de naissance pour ses actions dans la résistance intérieure lors de l’insurrection de Varsovie du 1er aout au 2 octobre 1944.
La cérémonie s’est déroulée en présence Monsieur l’Ambassadeur de Pologne en France Jan Emeryk Rosciszewski, Monsieur le Consul Andrzej Szydlo, Messieurs les Colonels Artur Miskiewicz et Marek Chojnacki, Attachés de défense , M. le Sergent Major Sylwester Reszka, Mme Jolanta Niedziela Thebault, responsable de la diplomatie publique, culturelle et digitale, Monsieur Patrick Donath maire de Bourg-La-Reine, sa ville de résidence, de son épouse et de ses proches. »
Georges Szumanski a été invité à fêter son centenaire cet été à Varsovie. Il témoigne de la résistance héroïque lors de l’insurrection de Varsovie. Il participe comme d’autres, de ce devoir de mémoire dont nos villes ont de plus en plus conscience.