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Exposition Altone Mishino, quai des Célestins

Du jeudi 14 au dimanche 17 septembre, Altone Mishino expose à Paris, à la galerie LeQuaranteDeux/Le Cerisier, au 42 quai des Célestins. Ce beau lieu qui fait face à l’île Saint-Louis accueillera des toiles, des dessins mais aussi des objets conçus en référence à l’archéologie (avec ses signes énigmatiques) et à la confrontation d’un matériau pauvre et d’un matériau riche, en l’occurrence l’or et le carton.

Qui connaît son atelier au Bloc-House à Sceaux retrouvera une continuité avec son travail au feu de laines de chanvre ou de mousses alvéolées, mené il y a quelques années. Mais il y a une discontinuité, car ce travail s’inscrit dans un nouveau projet.

Altone Mishino s’est associé en tant qu’artiste à un groupe qui se propose de présenter la préhistoire à travers une approche à la fois scientifique et artistique. Des rencontres avec des chercheurs, des conservateurs, des experts feront un état des savoirs et des expériences. Des créations librement inspirées de la préhistoire montreront des imaginaires voire des extravagances d’artistes dans leurs rapports aux mythes. Une adhérence sera-t-elle possible ? En octobre, au 13 rue de Santeuil à Paris, vous en saurez plus.

Artefacts, témoignages

Pour l’heure, c’est-à-dire pour le vernissage qui aura lieu demain de 18h à 21h, c’est Altone Mishino seul qui montrera ses trois premiers « Artefacts » puisqu’il nomme ainsi ses objets fabriqués dans le carton thermoformé enflammé à la feuille d’or.

Dissipons un possible malentendu. En médecine, en radiologie en particulier, un artefact est « une altération du résultat d’un examen due au procédé technique utilisé ou aux conditions de réalisation de l’examen. » (Larousse). En archéologie, c’est un objet créé par l’Homme, peut-être banal, peut-être un outil complexe, qui en tout cas permet de se figurer les pratiques sociales d’alors. Ce sont des vestiges et des empreintes fortes.

Entre l’artefact paléontologique et le déchet, il y a un lien qui procède de la science-fiction si l’on comprend par-là, non pas les anticipations peuplées de fusées et de rayons laser, mais d’une fiction nourrie de rationalités. Les déchets d’aujourd’hui, abandonnés, enfouis, seront les artefacts de l’ère qui nous considérera comme sa préhistoire. S’en emparer dès maintenant c’est jouer avec leur destin inéluctable (pour ceux qui ne disparaîtront pas dans un enfer de feu).

Altone Mishino propose de voir autrement les emballages, de les voir comme des matières à part entière, aux qualités semblables à celles d’une toile ou d’un métal. Qualités d’être façonnés, ouvragés, combinés. En associant les matériaux « pauvres » (ce qualificatif relève chez lui de l’antiphrase) à de l’or, Mishino voit une manière de « bouleverser l’ordre » et d’insérer dans les déchets des charges symboliques. Regardez ses artefacts sur la photo d’en-tête, on croit y voir les soleils d’une civilisation perdue.

Accueillir les sens, sans limite

Altone Mishino veut des objets chargés de sens. Le sens, il ne le veut pas singulier ; c’est l’ensemble des possibles, la variété du plausible, qui l’intéresse. Si regardant ces artefacts, vous lui proposez une signification à laquelle il n’a pas pensé, il sera comblé. Mieux, il trouvera son travail d’autant plus utile que les sens discernés (devinés ? pressentis ?) seront inattendus. Il y verra sans doute l’énigme fondatrice du monde : comment le sens s’impose à nous, comment émerge-t-il ? Lui est dans la fiction pure et le fictif n’est pas seulement dans l’objet tel qu’il le construit de ses mains, il est aussi dans l’étendue obscure de nous-mêmes qui nous permet de « lire » un objet aussi irréel soit-il. Car l’imaginaire de l’artiste est doublement incarné : dans la chose et dans sa charge.

Récupérer les emballages à des fins artistiques n’est certes pas nouveau. Les tubes de peinture non plus. Les cartons cannelés, alvéolés, ceux qui empaquètent les téléphones, les appareils, les cartons cintrés comme une paume sont instrumentalisés depuis des lustres.

Double fiction

Qu’attendre d’eux dans le contexte d’un rendez-vous avec l’archéologie ? Qu’ils portent « témoignage », que virtuellement ils relatent des pratiques, des croyances, que leur brillance ou leur brûlure racontent une légende. Une fiction initiale s’appuie sur les épaules d’une fiction seconde. La première est l’attachement d’Altone Mishino au carton et le rêve dont il l’entoure. La couleur y est déjà, presque par nature, et cette couleur porte une identité. « Le carton est ferme et tendre », on peut l’écraser, le tordre, il se travaille si différemment de la toile. La première fiction encore, avec la mise en tension du rebut industriel et de l’or signe « d’opulence, de finance, de pouvoir », mais aussi signal faible, silencieux, accessoire. Dans la tradition Kintsugi, cet art japonais de la réparation des céramiques brisées, l’or reforme et souligne les fêlures comme la cicatrice d’un éminent héritage.

La seconde fiction est la lecture de ce passé qui remonte, réel ou inventé, lecture faite par un artiste et non un scientifique, mais qui joue un jeu multidisciplinaire. Il faut que ça parle, que les créations aient une « vraie densité » qu’elles s’imposent par leur justesse et leur exigence.

Une variété de travaux

Voici une proposition. L’artefact #1, le plus à gauche sur la photo d’en-tête porterait la trace d’une apologie astrale, tandis que l’artefact #8 (au centre) sortirait d’un alphabet hermétique et l’artefact #2 aurait figuré en haut d’un temple. Proposition donc et non interprétation: chacun est invité à former un récit tissé d’archéologie et de « vagabondages ».

Altone Mishino parle d’accointances avec des civilisations. On peut comprendre cela comme un imaginaire des traces d’un monde à la fois inconnu, possible et chargé de sens. Pour s’en assurer, autant aller regarder son travail et se mettre face à sa présence sensible (tactile) d’un passé réinventé.

D’autres travaux sont exposés aussi. De grandes toiles avec de larges gestes de bitume et d’acrylique noir, comme des « matières laissées libres » et projetées dans une sorte de calligraphie. Les artefacts ont un fond sombre par la nature même du carton et l’or est pris dans les alvéoles. En revanche, c’est le fond des toiles qui porte le doré tandis que le sombre occupe le premier plan. Ce n’est pas un renversement, c’est une permutation, car le rapport entre le clair et l’obscur reste d’une même orientation.

Ce n’est pas tout. Des toiles plus petites mais d’une même chimie, des dessins sur papier avec des poissons ou des oiseaux en migration montrent d’autres inspirations comme d’autres techniques et, malgré ces différences (ou grâce à ces différences), une unité est conservée. Elle s’exprime dans une connivence assez mystérieuse, une empreinte génétique. Tout est de la main d’Altone Mishino, il peut s’en expliquer, il sera présent les après-midis de 14h à 19h30.


Où voir le travail d’Altone Mishino (récapitulatif)

  • Du jeudi 14 au dimanche 17 septembre 2023 au 42 quai des Célestins, Paris IV. Vernissage le jeudi 14 de 18h à 21h
  • Du 13 au 15 octobre 2023 au Césure, 13 Santeuil, Paris V, dans le cadre de la manifestation « Traverser les âges »
  • Les 7 et 8 octobre 2023, lors du week-end Porte Ouverte des Ateliers du Bloc-House, 54 rue de Bagneux, Sceaux

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